
Après avoir condamné la société Kerjean à de fortes amendes pour la pollution de la rivière Penzé en avril 2021 à Taulé, le tribunal de Brest se penche, depuis ce mardi 8 octobre 2024, sur le préjudice écologique, après la mort de milliers de poissons et la destruction de leur habitat naturel.
Par Frederique GUIZIOU.
Le 29 juin 2024, le tribunal de Brest condamnait la société Kerjean pour la pollution au lisier de la Penzé, ce qui avait provoqué, en 2021, une mortalité massive de poissons dans cette rivière de Taulé (Finistère).
« Nous étions là. On les a vus mourir. Les gens pleuraient devant ce spectacle épouvantable ! » se souvient Philippe Bars, président de l’Association agréée de pêche et de protection des milieux aquatiques, l’AAPPMA du pays de Morlaix, l’une des onze parties civiles à porter plainte.
Une « négligence » à 430 000 €
Au total, entre les amendes, les indemnisations des préjudices moraux et matériels, sa « négligence » a déjà coûté près de 430 000 € à son dirigeant et à la société Kerjean. Une porcherie créée par Alexis Gourvennec (1936-2007), une figure de l’agriculture bretonne. Estimant sa sentence « disproportionnée », la société Kerjean a, depuis, fait appel : le délibéré sera rendu ce 10 octobre 2024 à Rennes.
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Mais reste à chiffrer, d’où l’audience civile de ce mardi 8 octobre 2024 à Brest, le préjudice écologique ou l’atteinte grave portée aux écosystèmes. Pour le réparer, ce « préjudice écologique incontestable mais compliqué à évaluer, il ne suffit pas de remettre des poissons », s’insurge Me Lou Deldique, l’avocate des AAPPMA.
Bretagne vivante a estimé que les dommages causés à la biodiversité et aux milieux aquatiques, allaient, pour la Penzé, « perdurer dix ans ». Et l’expertise avance des projets à 260 000 € pour aider la nature à guérir.
Le saumon, une espèce très touchée
Deux espèces emblématiques de la rivière Penzé, les truites Fario et les saumons de l’Atlantique, ont été très impactées par la pollution. Déjà « en voie de disparition », les saumons ne peuvent plus retourner dans la frayère où ils sont sortis de l’œuf. « Cette pollution s’est produite en avril, juste au moment de la dévalaison, explique Philippe Bars. Lorsque le petit saumon, alors appelé “smolt”, quitte l’océan pour rejoindre sa rivière afin de se reproduire. »
Après l’émotion, les larmes, est venue la colère. Une colère « sans cesse ravivée » par de nouveaux épisodes de pollution dont certains seront jugés au tribunal courant 2025. Comme le 29 juillet 2022, entre Plouigneau et Plougonven, le dysfonctionnement dans une usine de traitement de lisier : « Chargé en ammoniaque, l’écoulement a tout tué sur son passage ». Douze jours plus tard, à Plougasnou, pollution à la soude sur le Pontplaincoat, ce magnifique ruisseau réhabilité pour 1,7 M€ : « Tout est mort sur 2,7 km ».
Des travaux jamais entrepris
Dans l’affaire Kerjean, l’enquête a révélé que des travaux – des remblais de talus préconisés depuis quinze ans – n’avaient jamais été réalisés sur le site, malgré les arrêtés préfectoraux et les mises en demeure.
« Ce qui a provoqué les écoulements et la pollution ; la société Kerjean paye les conséquences de ses choix, qui obéissent aux objectifs économiques et se caractérisent par un mépris total de l’environnement, insiste Me Deldique. Les amendes, élevées, sont à la hauteur de leurs bénéfices financiers. »
Le délibéré du préjudice écologique sera rendu le 14 janvier 2025. « Il faut dire stop ! Et accélérer la prise de conscience face à la récurrence des pollutions, conclut Philippe Bras. Avec la fédération des AAPPMA, on ira jusqu’au bout. »
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