En Ille-et-Vilaine, l’insoumise Mathilde Hignet tient une permanence mobile (H.fr-21/03/25)

La permanence itinérante permet à Mathilde Hignet lui permet de créer un point de contact avec les citoyens, dans des zones reléguées des métropoles où se concentre l’essentiel de l’activité militante française.
© MATTHIEU CHANEL POUR L’HUMANITÉ

Députée d’une circonscription rurale parsemée de très petites communes, l’insoumise Mathilde Hignet tient une permanence mobile et se confronte à des situations sociales dramatiques et injustes. Objectif pour elle : ouvrir un bureau éphémère dans chaque village d’ici la fin de son mandat.

Par Cyprien CADDEO

Il est dix heures et Patrick, fait rare, a repoussé l’ouverture du bistrot qu’il tient depuis trente ans, pour passer une tête à l’hôtel de ville. ‭« C’est pas tous les jours qu’on a la visite d’une députée à Saint-Péran ! », sourit le quinquagénaire, en embrassant du regard l’église en pierre et les grappes de maisons qui composent ce petit village breton de 400 habitants, situé à quarante minutes de Rennes (Ille-et-Vilaine). « Ça tombe bien, on a des choses à dire. »

La maire Isabelle Goven a prêté son petit bureau, ce samedi matin, à la députée insoumise de la circonscription, Mathilde Hignet, et son collaborateur Clément, pour qu’ils reçoivent les habitants. Dès qu’elle le peut, cette ouvrière agricole, élue en 2022, organise des ‭« permanences mobiles » dans les campagnes. « J’ai promis d’en tenir une dans chaque commune de la 4e circo durant mon mandat », relate-t-elle. Cela représente une liste de 59 villages où poser son écharpe. Aucun ne dépasse les 10 000 habitants : un territoire rural et peu peuplé, à rebours des banlieues populaires à forte densité de population que la France insoumise priorise désormais électoralement.

La permanence tournante permet de créer un point de contact avec les citoyens, dans des zones reléguées des métropoles où se concentre l’essentiel de l’activité militante française. Les doléances sont nombreuses. Ce jour-là, un lycéen essaie de glaner un stage auprès de la députée. Une femme évoque son dossier de surendettement, après avoir « tout perdu » en Nouvelle-Calédonie, suite aux violences qui ont ensanglanté l’archipel.

Microentreprise et seuil de pauvreté

Patrick, lui, ne veut pas ‭« déranger » mais vient ‭« défendre son bifteck » : patron de bar-tabac, il opère sous le statut de microentreprise (moins de 11 salariés), et les effets du projet de loi de finances (PLF) l’inquiètent. Auparavant, un microentrepreneur ne devait facturer la TVA à ses clients qu’au-delà de 37 500 euros de chiffre d’affaires. Avec le PLF 2025, ce seuil tombe à 25 000 euros. ‭« On va être pris à la gorge, il faut que vous annuliez ce truc », martèle Patrick. ‭« Le mieux serait de déposer une proposition de loi sur les micro-entreprises », opine Mathilde Hignet. La requête est consignée. Patrick passe le relais à André1.

« Je suis pas venu me plaindre ! » prévient ce retraité à la carrure imposante dans un grand rire sonore.Avec une carrière hachée et quinze ans passés en tant que musicien sans déclarer toujours ses revenus, André touche 700 euros par mois depuis qu’il s’est mis à la retraite. Assez pour perdre ses droits à l’aide personnalisée au logement (APL) et à la couverture santé (CMU). Le sexagénaire confie travailler ‭« au black » pour compléter sa retraite, et est sur le point d’être expulsé par son propriétaire.

‭« Je comprends pas que quelqu’un, quelque part, ait pu pondre un texte qui considère qu’à 700 euros, c’est bon, on est assez riche. Il faut arrêter d’emmerder les gens sous le seuil de pauvreté ! » Mathilde Hignet : ‭« Nous, on se bat pour qu’il n’y ait personne sous ce seuil, vous savez. » André sourit. Il confie être un électeur de la France insoumise, doublé d’un fan de « Star Wars » : ‭« Oui, vous, je sais que vous êtes du bon côté de la Force. Mais si déjà on pouvait me laisser tranquille… »

La députée note son témoignage : ‭« Ça m’aide à construire mes interventions à l’Assemblée ». « Les permanences, c’est surtout un lieu où je suis en posture d’écoute, confie l’élue de 31 ans. Parfois, on peut faire un courrier, débloquer des situations auprès de la préfecture, de la CAF ou d’EDF. Mais la plupart du temps, les gens ont surtout besoin de parler. Et on a beau leur rappeler le programme qu’on porte, ça n’accroche pas toujours. »

« Moi, je n’ai le droit à rien »

Accompagnée par son époux, Irène est de ceux-là. Ex-secrétaire médicale, elle ne travaille plus à cause de tumeurs cérébrales consécutives à la prise de contraceptifs – elle étale sur la table de la députée des documents pour étayer son témoignage. Elle dit se battre pour être reconnue affection de longue durée et pour arracher l’allocation adulte handicapé. La CAF lui a versé de l’argent mais lui demande désormais de le rembourser. Une ‭« injustice insupportable », gronde-t-elle, en larmes : ‭« J’ai travaillé, j’ai cotisé. Pourquoi des gens qui ne foutent rien ont le droit au RSA ou à l’aide médicale d’État alors que moi, qui n’ai pas demandé à m’arrêter, je n’ai pas le droit à l’allocation adulte handicapé car je serais trop riche ? C’est injuste, et quand je dis ça, on me traite de raciste. »

La députée insoumise tente de déminer : ‭« Le problème, c’est pas l’AME (dispositif permettant aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier d’un accès aux soins – NDLR), c’est que vous devriez avoir accès à ces droits », tempère-t-elle. Mais la colère d’Irène est trop profonde. Elle parle à plusieurs reprises de ‭« ceux qui foutent rien et qui ont tout », alors qu’elle, « c’est (son) fils qui lui achète de la viande, car (elle) n’a pas les moyens ». Elle n’a aucune hostilité envers Mathilde Hignet, n’attend rien d’elle, si ce n’est qu’on comprenne son sentiment d’injustice. Témoignage archivé. « Merci de m’avoir écoutée. » La porte de la permanence se referme. L’échange laisse un goût amer.

L’élue bretonne acquiesce : ‭« Des fois, on ne peut rien faire. Ce témoignage montre les conséquences des politiques antisociales sur les gens. Là, on a affaire à quelqu’un dans une situation si désespérée que le simple fait que d’autres gens aient des droits lui est insupportable. » Un réflexe alimenté par l’extrême droite, qui a micro ouvert pour dérouler son récit sur ‭« l’assistanat » et la « prime aux étrangers ». Irène ne vote peut-être pas pour le Rassemblement national. Mais dans la circonscription de Mathilde Hignet, elle n’est pas seule à tenir ce genre de discours, et l’extrême droite progresse à une allure inquiétante, alors que la Bretagne a longtemps été perçue comme imperméable au RN.

En 2024, ce fut même la stupeur au premier tour : le parti de Marine Le Pen a triplé son score par rapport à 2022 et est arrivé en tête avec 130 voix d’avance sur Mathilde Hignet. L’insoumise s’est ensuite imposée au second round avec 57,6 % des voix, profitant notamment du désistement républicain de son adversaire macroniste. Reste que la leçon a été apprise. La permanence itinérante se veut un début de réponse. Une manière de ne céder aucun pouce de terrain aux passions brunes.

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Source: https://www.humanite.fr/politique/bretagne/en-ille-et-vilaine-linsoumise-mathilde-hignet-tient-une-permanence-mobile

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