Entretien-Éolien en mer, méthanisation, hydroliennes : le préfet du Morbihan explique ses choix (OF.fr-8/01/23)

Pascal Bolot, préfet du Morbihan.

Mardi 10 janvier 2023, l’Assemblée nationale se prononcera sur le projet de loi censé accélérer la production d’énergies renouvelables. À l’échelle du Morbihan, le nombre et la diversité des projets ont beaucoup augmenté. Selon quelle logique ? Pour quel impact ? Et quelles réactions ? Le préfet du Morbihan, Pascal Bolot, s’explique.

Dans le Morbihan, comme dans le reste de l’Hexagone, les énergies renouvelables (ENR) sont au cœur de l’actualité. Mardi 10 janvier 2023, les députés se réunissent pour un vote solennel sur un projet de loi censé permettre l’accélération de leur déploiement. La France est très en retard en la matière, seul pays de l’Union européenne à avoir manqué son objectif (de 23 %) fixé en 2020. Arbitre de la puissance publique, le préfet Pascal Bolot a plusieurs dossiers lourds sur ce thème dans le Morbihan : des hydroliennes en test dès 2024 dans le golfe du Morbihan, un projet de parc éolien au large de Belle-Île en 2029, une grosse vingtaine de projets d’unité de méthanisation à l’étude. Quelle logique ? Quelles priorités ? Combien de recours ? Il s’explique.

Quelle est la traduction morbihannaise des objectifs déjà fixés par l’État en matière d’énergies renouvelables ?

On a besoin d’une Bretagne et d’un Morbihan mieux couverts sur le plan énergétique. Aujourd’hui, nous produisons seulement 15 % de ce que nous consommons. Si on veut franchir ce cap, il y a des priorités imposées par la configuration du département. Le Morbihan est un territoire agricole, la méthanisation a donc du sens. On a la chance d’avoir un potentiel éolien en mer important. Et on a, à l’intérieur des terres, des crêtes ventées. En revanche, on n’a pas ou plus de potentiel hydroélectrique : le projet sur le Blavet a été abandonné pour des raisons écologiques liées au saumon. Enfin, concernant le photovoltaïque, il faut que ce soit compatible avec la défense de la surface agricole utile, pour que les jeunes agriculteurs ne soient pas confrontés à un dilemme.

L’éolien terrestre est de loin le plus développé. Où en est-on ?

Il y a aujourd’hui une cinquantaine de parcs éoliens de différentes tailles, dont plus des deux tiers ont été réalisés avant 2011. À l’époque, le cadre législatif et réglementaire était plus souple, ou plus permissif, selon la façon dont on l’interprète. Depuis, le nombre de projets a fortement diminué. De nombreux critères rendent désormais l’éolien terrestre plus compliqué à installer. On reste vigilant pour accompagner des projets comme celui prévu en forêt de Lanouée. Il y en a actuellement sept, à différents stades.

La forêt de Lanouée vue du ciel : un parc de dix-sept éoliennes est prévu.

À Guern, un parc de trois éoliennes a été jugé illégal. Vous êtes censé le faire démanteler…

J’ai demandé des études complémentaires. Il s’agit de réaliser une dernière expertise avant l’exécution de la décision de justice, en vérifiant si on peut dissocier une éolienne des autres, et donc en conserver au moins une. En l’absence de réponse argumentée, on appliquera la décision de justice. Ma marge de manœuvre est très faible.

Certains dossiers n’ont-ils pas été trop mal ficelés ?

Comme je vous le disais, dans le Morbihan, la plupart des parcs éoliens sont antérieurs à 2011. Les critères d’alors n’étaient pas ceux d’aujourd’hui. En onze ans, il y a eu parfois des modifications en termes d’urbanisme, et donc des contentieux à la clé. L’idée, c’est de ne pas détruire ce qu’on a fait, mais s’assurer que des ajustements sont proposés. Le cas de Guern reste une exception.

Dans la baie de La Baule, le premier parc éolien en mer offshore de France, inauguré en septembre, fait désormais partie du paysage. Cet enjeu de proximité est au cœur du débat dans le cas du futur parc morbihannais, au large de Belle-Île.

Un des dossiers les plus « chauds » : le projet de parc éolien offshore au large de Belle-Île…

Le dossier suit son cours. Le premier parc de vingt éoliennes, à l’horizon 2029, représente une puissance de 250 mégawatts. Le second, plus éloigné : 50 éoliennes, pour 500 mégawatts. L’aire choisie par le gouvernement en septembre 2022 fait, en gros, 40 km². Le cahier des charges va être finalisé par la direction générale de l’énergie à Paris. Puis il y aura un appel d’offres, et le choix d’un consortium, fin 2023. Je rappelle que c’est de l’éolien flottant, une technologie intéressante qui donne de bons résultats. Elle permet d’aller dans de plus grandes profondeurs, donc d’éloigner le parc des côtes.

Pas assez au goût de certains. L’argument de la pollution visuelle, le plus utilisé par les élus et les contempteurs de ce projet, vous semble-t-il recevable ?

La question se pose systématiquement. Elle n’est pas illégitime. On va essayer de donner, au premier semestre de cette année 2023, un aperçu le plus objectif possible. L’impact visuel de ce premier parc peut être limité. Il y aura des réunions publiques au printemps pour en parler. Le deuxième parc, lui, sera plus éloigné.

En matière de méthanisation, la demande est très forte. Quelle est son ampleur ?

Il y a actuellement 25 sites qui fonctionnent et 24 demandes. Sur ces 24 demandes, 16 sont soumises à une simple déclaration et à l’obtention d’un permis de construire. Pour ces projets plus modestes, c’est relativement immédiat. Pour les huit autres, avec des tonnages plus importants, il faut une instruction par les services de l’État, qui dure en moyenne 140 jours.

Fin juin 2022, une soixantaine de personnes réunies dans un champ à l’appel du collectif Transparence Chapelle-Neuve contre le projet de méthanisation.

Récemment, vous avez refusé un projet à La Chapelle-Neuve. Ça reste une technologie d’avenir selon vous ?

Elle a énormément progressé. Par rapport aux premières unités d’il y a quinze ans, on est sur des nuisances résiduelles et des rendements bien supérieurs. La balance coût-avantage, dans un département aussi agricole, est en faveur de la méthanisation.

N’est-ce pas un risque de dépendre d’un modèle agricole qui fait de plus en plus débat en Bretagne ?

Il faut savoir ce qu’on veut. L’enjeu est surtout de rendre le caractère intensif de cette agriculture le moins polluant possible, en modernisant l’outil de production et en favorisant le bien-être animal. N’oublions pas que cette filière, c’est 20 000 emplois dans le seul Morbihan. Est-ce que ce serait plus raisonnable d’alimenter nos usines agroalimentaires avec de la matière première qui vient de pays lointains ? On ne peut pas faire qu’une agriculture de circuits courts. Même si elle a sa légitimité.

Pourquoi avoir dit oui aux hydroliennes dans le golfe du Morbihan ?

C’est un programme expérimental, qui a vocation à être réversible, sur une durée de trois ans. Il s’inscrit dans un programme européen plus vaste qui permet d’obtenir des aides. Ce statut expérimental justifie qu’on teste ces technologies. Il n’y avait aucune contre-indication réglementaire et c’est un projet qui a un impact assez faible : les hydroliennes seront immergées, ne se voient pas, permettent la navigation jusqu’à huit mètres de tirant d’eau. J’ai mis les remarques du commissaire enquêteur en balance avec d’autres avis scientifiques.

Deux hydroliennes, comme celles plongées en 2018 entre l’île d’Ouessant et Molène, devraient être immergées dans le golfe du Morbihan en 2024.

Quelle est l’ampleur des recours liés à tous ces projets ?

Contrairement à une première impression que j’ai eue en arrivant, ça reste tout à fait raisonnable. On a douze recours qui portent sur sept projets : trois éoliens, trois de méthanisation et un projet photovoltaïque. Une des raisons de ce nouveau projet de loi sur les ENR, c’est de réduire le temps d’élaboration et de réalisation.

Propos recueillis par Benoit GUERIN

source: https://www.ouest-france.fr/bretagne/morbihan/entretien-eolien-en-mer-methanisation-hydroliennes-le-prefet-du-morbihan-explique-ses-choix-37d97e7e-8df7-11ed-9545-6a86069fe887

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