
Face à l’annonce de Donald Trump de vouloir « prendre le contrôle de Gaza », la France devrait reconnaître l’État de Palestine, plaide le sénateur écologiste Guillaume Gontard. De quoi se positionner face aux États-Unis.
Guillaume Gontard est sénateur écologiste de l’Isère, président du groupe Les Écologistes au Palais du Luxembourg et membre de la commission des affaires étrangères du Sénat.
Entretien réalisé par Lorène LAVOCAT.
Reporterre — Donald Trump a annoncé vouloir « prendre le contrôle de Gaza » et transformer l’enclave en « Côte d’Azur ». En réaction, vous avez écrit — avec les sénateurs écologistes — au président de la République pour lui demander que la France reconnaisse l’État de Palestine. Pourquoi ?
Guillaume Gontard — Les annonces indignes et criminelles de Donald Trump exigent une réponse politique très forte de la France.
Ce que veut faire Donald Trump — et derrière lui Netanyahou et l’extrême droite israélienne —, c’est de l’épuration ethnique : mettre les Palestiniens dehors, et prendre le contrôle de leur territoire. Il imagine transformer un cimetière en Côte d’Azur. Face à cette attaque, la reconnaissance de l’État de Palestine est une arme diplomatique et politique forte. Cela permet de défendre la solution à deux États et de réaffirmer le droit du peuple palestinien à décider de son avenir.
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Nous avons demandé cette reconnaissance à plusieurs reprises et, à chaque fois, le gouvernement nous a répondu que « ce n’était pas le bon moment ». Aujourd’hui, c’est vraiment le moment. Il faut marquer un stop. La France peut diplomatiquement reprendre la main et montrer sa voie par rapport à Trump. Si ce n’est pas maintenant, quand sera-t-il le « bon moment » ? Ce serait une grosse erreur de laisser passer ça.
Comment cette reconnaissance se traduirait-elle ?
Historiquement, la France a défendu le respect du droit international, seul à même de permettre à ces deux peuples de vivre en paix. C’est une position d’équilibre, que l’on a perdue, le gouvernement ayant beaucoup oscillé. Désormais, la France est beaucoup dans l’incantation et le discours, peu dans l’action. Par exemple, nous n’avons pas rompu nos relations commerciales avec Israël, nous n’avons rien fait au niveau européen. La reconnaissance poserait un acte concret, qui nous positionnerait clairement. Le « en même temps » de M. Macron ne fonctionne pas en diplomatie, il faut affirmer une ligne.
L’Espagne a déjà reconnu l’État palestinien. Si la France suivait, cela permettrait de pousser l’Europe vers une position plus claire vis-à-vis du conflit.
Gaza est aujourd’hui complètement détruite. Il faudra des années, voire des décennies, pour reconstruire les bâtiments, remettre sur pied l’économie… Comment relever ce défi colossal ?
Je me suis rendu en Palestine [Cisjordanie et Jérusalem-Est] avec une délégation écologiste début janvier. Nous avons rencontré des architectes, des gens du bâtiment qui réfléchissent déjà à l’avenir. Cela donne de l’espoir. Face à la volonté de certains de les effacer, les Palestiniens affirment être « un peuple de vie ».
« L’impunité de l’État d’Israël a créé le génocide à Gaza »
Des problèmes colossaux se posent, sur la dépollution, l’alimentation en eau, l’agriculture. Il s’agit de reconstruire dans un territoire souillé. Mais les Palestiniens ont de l’énergie et des idées, qu’il nous faut soutenir.
Il y a aussi une question démocratique fondamentale : comment le peuple palestinien reprend-il la main sur son avenir ? La jeunesse palestinienne est perdue, elle oscille entre prendre les armes ou baisser les bras. Toute cette génération n’a jamais pu se positionner sur l’avenir de son pays. Cela fait des années qu’il n’y a pas eu d’élections. L’Autorité palestinienne n’a plus d’autorité. La France pourrait intervenir sur le retour essentiel de la démocratie.
Que retenez-vous de votre troisième visite en Palestine ?
Cela ne va pas du tout dans le bon sens. Nous avons vu la colonisation forcée, la destruction des maisons palestiniennes, l’implantation des colons israéliens en toute impunité. Nous devons dire stop. Il existe des règles, un droit international, qu’il faut respecter. L’impunité de l’État d’Israël a créé le génocide à Gaza.
En quoi la question palestinienne concerne-t-elle Les Écologistes ?
La cause palestinienne, c’est la liberté des peuples à décider pour eux-mêmes, et ce droit à l’autodétermination est ancré dans la culture des écologistes. De même que le respect du droit international et de la dignité humaine. La colonisation des territoires palestiniens, c’est aussi une question d’accaparement des terres et des ressources — de l’eau notamment. Ce sont des sujets écologiques essentiels.
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Source: https://reporterre.net/Pour-contrer-Trump-la-France-doit-reconnaitre-l-Etat-de-Palestine
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