Entretien-Sabine Grataloup, après le verdict Monsanto : «Les victimes de pesticides s’unissent, j’y vois un espoir» (reporterre-1/08/25)

Sabine Grataloup et son fils Théo lors du procès contre Bayer-Monsanto au tribunal judiciaire de Vienne, le 3 avril 2025. – © Matthieu Delaty / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Au lendemain de sa défaite au tribunal face à Bayer-Monsanto, qu’elle accuse d’être responsable des malformations congénitales de son fils, Sabine Grataloup confie à Reporterre garder espoir pour les victimes des pesticides.

Par Moran KERINEC.

Le tribunal de Vienne, en Isère, a décrété le 31 juillet que le glyphosate n’était pas directement responsable des malformations congénitales de Théo Grataloup, dont la mère avait utilisé l’herbicide sans savoir qu’elle était enceinte. Au lendemain du procès, Sabine Grataloup se garde la possibilité de faire appel contre le géant de la chimie Bayer-Monsanto, et se dit confiante pour la prise en compte des victimes de pesticides.

Reporterre — Que retenez-vous de ce jugement, qui est l’aboutissement de dix-sept années de lutte et décrète que le glyphosate ne peut pas être tenu responsable des malformations congénitales de votre fils ?

Sabine Grataloup — C’est bien sûr une déception, nous aurions préféré que la responsabilité de Monsanto soit reconnue, mais c’est une clarification de ce qu’il faut consolider si on fait appel, ce qu’on envisage très sérieusement. Le tribunal nous a donné raison sur des points très importants : par exemple que Monsanto est bien le producteur du Glyper. Nous avons été déboutés sur des détails : nous n’avions pas la facture du produit que j’ai utilisé.

Ce qui est intéressant, c’est que le comportement fautif de Monsanto a été reconnu par la justice américaine des dizaines de fois, mais qu’on ne peut pas s’appuyer sur cette jurisprudence pour attaquer la filiale française. Quand il s’agit de mettre un pesticide sur le marché français, les études faites par la société américaine sont jugées recevables, mais quand on s’aperçoit que ce produit n’est pas aussi inoffensif que son producteur veut nous laisser croire, elles ne sont plus pertinentes.

« Cette mobilisation va durer »

Si on maintient cette dilution de responsabilité des firmes agrochimiques entre les différentes filiales des différents pays, nous n’arriverons jamais à obtenir justice. Toutes les firmes agrochimiques sont organisées avec une filiale qui produit, une seconde qui met en bouteille, une troisième qui commercialise. Si le droit français reste en l’état, nous ne pourrons jamais gagner.

Que faut-il faire pour que la loi et l’opinion évoluent sur ces enjeux de santé publique ?

On a toujours pleine confiance dans la justice française, mais nous voyons qu’il y a une faille dans le droit français lié à l’apparition récente de la notion de « victime environnementale ». Il est indispensable que les députés et sénateurs s’emparent de cette faille et proposent une évolution de la loi pour permettre aux victimes de pesticides et des autres substances chimiques versées dans l’environnement — je pense aux PFAS — d’obtenir justice et dissuader le coupable de récidiver.

Ce jugement s’inscrit dans un moment très particulier, après le passage en force de la loi Duplomb qui a réintroduit l’usage de l’acétamipride, un pesticide controversé. Qu’est-ce que cela dit de l’impunité des acteurs de l’agrochimie et du soutien que leur apportent les législateurs ?

Cela pourrait être un motif de désespoir, moi j’y vois un signe d’espoir. C’était tellement choquant, ils sont allés tellement loin, qu’ils ont mobilisé contre eux des gens qui d’habitude ne réagissent pas. 2 millions de personnes se sont levées et ont signé une pétition qui dit « Non à l’empoisonnement de nos enfants ! » Ils ont réussi à nous unir : nous, les victimes de pesticides, nous sommes de plus en plus nombreux à témoigner.

Ce qui est aussi porteur d’espoir, c’est de voir que l’Ordre national des médecins s’est prononcé clairement contre la loi Duplomb, et que dans leur communiqué, ils souhaitent mettre en place un organe d’étude de la santé environnementale. Cela montre qu’ils s’emparent du problème dans son ensemble !

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Cette mobilisation va durer. Désormais, il faut peser sur les députés et les sénateurs, pour faire évoluer ce cadre législatif français qui empêche les victimes d’obtenir gain de cause. J’ai l’espoir que cela bouge enfin. Que l’Assemblée et le Sénat, qui sont bloqués dans des postures clientélistes, coupés de l’intérêt général d’une manière si extrême que cela a suscité ce ras-le-bol, évoluent.

On a crié dans le désert pendant des années. Aujourd’hui, nous sommes 2 millions. Le gouvernement ne va pas pouvoir continuer à manœuvrer pour faire passer les intérêts de quelques vendeurs de betteraves devant le souci de millions de personnes pour la santé de leurs enfants.

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Source: https://reporterre.net/Sabine-Grataloup-Les-victimes-de-pesticides-s-unissent-j-y-vois-un-espoir

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