Épidémies, revenus, aides publiques… pourquoi la loi Duplomb n’éteint absolument pas les colères paysannes (H.fr-21/07/25)

Plusieurs foyers de dermatose nodulaire contagieuse chez des bovins ont été détectés en Savoie et en Haute-Savoie depuis le 17 juillet, entraînant souvent l’abattage des troupeaux. ©PHOTOPQR/LE DAUPHINE/Grégory YETCHMENIZA

Épidémies, revenus, aides publiques… Loin des préoccupations de la loi Duplomb, de nombreux sujets mobilisent le monde agricole sans recevoir l’attention des pouvoirs publics, entièrement tournés vers l’affaiblissement des normes environnementales.

Par Marie TOULGOAT.

Ces derniers mois, les lois se sont succédé, promettant toutes de sauver l’agriculture après un hiver et un printemps 2024 riches en mobilisations paysannes. Toutes avec le même modus operandi : abaisser les normes environnementales pour restaurer la « compétitivité » de l’agriculture tricolore. Elles n’ont pour autant pas effacé les inquiétudes et la colère des agriculteurs.

Adoptée en février, la loi d’orientation agricole, dont l’intitulé promettait pourtant de garantir la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations de paysans, a ainsi supprimé les sanctions appliquées en cas de destruction d’espèces protégées, facilité les démarches concernant les mégabassines et mis en place un guichet unique départemental sous l’égide des chambres d’agriculture, encore aujourd’hui majoritairement dirigées par la FNSEA. Votée par l’Assemblée le 8 juillet, la loi du sénateur Laurent Duplomb, de son côté, permet la réutilisation de l’acétamipride, ce pesticide potentiellement dangereux et mis en cause pour ses effets destructeurs sur les pollinisateurs.

Se dépeignant volontiers comme défenseur du potentiel agricole contre « des règles liberticides, ruralicides et antisociales », comme il l’a confié à la Montagne, Laurent Duplomb, ancien président (FNSEA) de la chambre d’agriculture de Haute-Loire, peut-il véritablement parler au nom des paysans et paysannes ?

Du haut de ses 200 hectares d’exploitation et 350 bovins, là où la moyenne française des exploitations agricoles se situe à 63 hectares et 60 à 80 bovins, rien n’est moins sûr. Loin de l’idéal agro-industriel que dessinent la droite et le gouvernement, le monde paysan a de nombreuses revendications que le pouvoir ne semble pas entendre.

Des stratégies sanitaires « inhumaines »

Nombre d’acteurs du monde agricole alertent ainsi sur les dommages causés par la dernière épidémie bovine, la dermatose nodulaire contagieuse. Le 17 juillet, 26 foyers avaient été détectés, surtout en Savoie et Haute-Savoie. Le virus, qui cause fièvre, chute de la lactation et apparition de nodules, peut conduire à la mort une partie du cheptel. Mais c’est surtout la stratégie sanitaire décidée par le gouvernement qui hérisse les éleveurs.

Une campagne de vaccination a certes débuté, mais elle n’empêche pas la consigne d’abattage total du troupeau à partir d’un cas détecté, au grand dam de l’ensemble des syndicats, à l’exception de la FNSEA et des Jeunes Agriculteurs.

« Les conséquences humaines sont gravissimes. Les éleveurs sont très attachés à leurs bêtes. C’est très violent de se voir imposer l’abattage de tous ses animaux dans un délai de 48 heures Il n’y a aucun soutien psychologique », déplore Frédéric Mazer, coprésident du Mouvement de défense des exploitants familiaux (Modef). Un éleveur savoisien, soutenu par la Coordination rurale, a même tenté un blocage de sa ferme pour échapper à l’abattage général. En vain.

Autre sujet de tension, le sort réservé à la politique agricole commune (PAC), dès 2027. Selon le cadre budgétaire pluriannuel 2027-2034 présenté le 16 juillet par la Commission européenne, la PAC, à l’origine de 85 % des aides versées aux agriculteurs français, serait lourdement remaniée. Le budget alloué à l’agriculture européenne chuterait de 20 % par rapport à son montant actuel et serait dilué dans un fonds abondant d’autres thématiques budgétaires.

La charge du versement des aides serait en outre confiée à chaque État. « Ce changement envoie un signal extrêmement négatif. La baisse des budgets risque de fragiliser les paysans et paysannes, aucune régulation du marché n’est prévue », assène Thomas Gibert, porte-parole de la Confédération paysanne. Le versement des aides selon la surface agricole et non l’actif, fonctionnement qui favorise les très grandes exploitations, n’est pas non plus remis en cause, regrette le maraîcher.

Les revendications de revenus passées sous silence

« Cette manœuvre risque de pousser encore plus à la compétition et au nivellement des ambitions environnementales par le bas entre les États membres, sur fond de montée des conservatismes partout sur le continent », alerte également le collectif Nourrir. Pour l’instant au stade de projet, cette réorientation de la PAC doit être négociée ces deux prochaines années avant d’entrer en vigueur.

Ce nouveau cadre européen n’offrira pas de solution à la baisse de revenu des agriculteurs, alors que résultat brut de la branche agricole a chuté de 18,6 % en 2024, du fait d’une baisse conjuguée des volumes, liée aux intempéries, et des prix agricoles, selon les derniers comptes publiés début juillet.

À l’heure où 16 % des ménages agricoles vivent sous le seuil de pauvreté, la promesse de « prix planchers » d’Emmanuel Macron au salon de l’agriculture 2024 est restée lettre morte. « Si l’on décidait d’instaurer des prix planchers, couplés à un coefficient multiplicateur qui plafonne les marges des distributeurs, il est évident que les paysans pourraient disposer d’un revenu sans augmenter leur niveau de production », affirme Frédéric Mazer. Thomas Gibert confirme : « La politique générale de soutien à l’agriculture a été dessinée pour qu’une petite poignée, s’en sorte : les agriculteurs de firmes, avec de très, très grandes exploitations ».

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Source: ttps://www.humanite.fr/social-et-economie/agriculture/epidemies-revenus-aides-publiques-pourquoi-la-loi-duplomb-neteint-absolument-pas-les-coleres-paysannes

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