Eric Coquerel, mis en cause pour son comportement avec les femmes : « Ces rumeurs sont infondées »(JDD-2/07/22)

Mis en cause par la militante féministe Rokhaya Diallo pour « son comportement avec les femmes », le nouveau président LFI de la commission des finances, Eric Coquerel, répond dans une tribune pour le JDD.

Voici la tribune : Depuis plusieurs années une rumeur s’est développée à mon propos sur les réseaux sociaux. L’accusation a varié dans le temps passant de « drague lourde », à des faits de harcèlement sexuel voire d’agression et désormais de « comportement inapproprié ». La méthode est toujours la même : « tout le monde sait que », « des sources indiquent que », « des témoignages existent », etc. Mais jamais ne s’est exprimée une personne parlant de violence sexuelle ou sexiste la concernant.

Je n’ai jamais souhaité répondre directement à ces rumeurs et calomnies, considérant que si je le faisais je démultipliais leur audience et que forcément elles prendraient fin puisqu’il n’y avait pas matière à me dénoncer publiquement.

Rien n’est jamais sorti faute de témoignage pouvant s’apparenter à un comportement délictuel

Plusieurs rédactions ont mené des enquêtes journalistiques. Rien n’est jamais sorti faute d’avoir trouvé un témoignage pouvant s’apparenter à un comportement délictuel, a fortiori criminel. Cette rumeur a été pourtant relancée par une enquête sur le sexisme à LFI dans le journal Causette en septembre 2018. La journaliste évoque deux brefs témoignages anonymes à propos d’un député lui aussi anonyme coupable de « dérapages, à la limite du harcèlement ». Je ne me suis pas inquiété outre-mesure sur le moment de cet article dont on disait qu’il me concernait, car il était visiblement bâclé.

La journaliste n’avait fait aucune vérification, à commencer par me contacter, ce qui m’aurait permis de récuser, preuve à l’appui, la véracité globale du premier témoignage et les éléments les plus graves du second. Ce samedi, la personne qui s’était exprimée anonymement dans cet article affirme d’ailleurs dans Médiapart  qu’il ne s’agissait « pas d’une agression (…) que ce n’était pas suffisamment grave pour être portée devant une cellule d’écoute ».

Pourtant c’est à partir d’une capture d’écran de cet article que sera relancée cette rumeur, des comptes Twitter et Facebook se chargeant, eux, d’y accoler mon nom en aggravant toujours davantage la version. Au fil du temps les accusations plus précises seront l’œuvre de comptes collectifs plus assumés politiquement, l’article de Causette étant censé combler l’absence de signalement qui dominait jusqu’alors.

Ce sera dès lors le deuxième étage des attaques : demander des comptes à LFI qui me protégerait, refusant d’écouter les signalements et d’enquêter. Dans le même temps des personnes, se disant parfois journalistes, menaient des « enquêtes » politiques auprès de camarades que j’avais côtoyées lors de mon engagement et des nombreuses luttes auxquelles j’avais participé ; ces camarades ont pris ma défense (plusieurs d’entre elles me le raconteront). Et toujours faute d’éléments, la rumeur s’affaiblissait à l’été 2019, j’apprendrai même que ces enquêtes cessaient faute de débouchés.

Comment réagir à une rumeur qui n’est basée sur aucune plainte ?

C’est peu avant les législatives de 2022 que les attaques ont repris par des comptes souvent créés de toutes pièces et surtout de compte twitter se revendiquant proche du printemps républicain voire LREM. Elles seront aussi une tentative de contrepoids aux accusations concernant Damien Abad. L’article de Causette reste la pièce maitresse mais pour donner un peu plus de matière au sujet, des gens inventeront des histoires aussi calomnieuses qu’abracadabrantes et démontables en cinq minutes d’enquête sérieuse.

Alertées par ce regain d’activité sur le fil Twitter, parfois même interpellées directement par leurs auteurs, de nouvelles rédactions ou journalistes repartiront dans des enquêtes, interrogeant par exemple mes anciens collaborateurs/trices parlementaires pour vérifier mon comportement, avec le même résultat que précédemment. Rien ne débouchera, faute de témoignages accusateurs. Ce vendredi sur France Info, la député Sandrine Rousseau confirmera elle aussi avoir mené une enquête avec ses proches pour vérifier, et déboucher une fois encore, sur l’absence de témoignages.

C’est finalement mon élection au poste de président de la commission des finances qui finira par faire migrer la rumeur des réseaux sociaux vers un media classique avec l’intervention de Rokhaya Diallo sur RTL le soir même de mon élection. Elle y reprendra le même canevas : pourquoi LFI ne fait pas la lumière sur des « choses qui reviendraient de manière récurrente en interne » à propos de mon comportement inapproprié vis-à-vis des femmes ? Retour à la case départ mais cette fois sous une lumière médiatique plus importante.

Me voici donc aujourd’hui obligé de prendre la parole pour la première fois. Comment réagir à une rumeur qui n’est basée sur aucune plainte, aucun signalement à la cellule interne de LFI, malgré de fréquents appels et communiqués de LFI à pouvoir le faire, aucun témoignage public, aucun résultat d’enquête journalistique sérieuse en plus de cinq ans mais dont on explique que seul le silence de LFI et son refus de mener une enquête l’expliquerait ?

Je n’ai jamais exercé une violence ou une contrainte physique ou psychique pour obtenir un rapport

La prise de parole de Rokhaya Diallo me pousse à faire ce que j’aurais dû faire depuis longtemps. Je fais cette tribune pour affirmer que je n’ai jamais exercé une violence ou une contrainte physique ou psychique pour obtenir un rapport, ce qui caractérise la porte d’entrée d’un comportement délictuel dans le domaine des violences sexistes et sexuelles.

Je fais cette tribune pour dire mon entière solidarité avec le mouvement #MeToo. C’est une révolution essentielle et je ne souhaite en aucune manière que cette clarification puisse apparaitre ou être utilisée, comme une critique qui lui serait portée. Mais il est important de prendre conscience que comme toute cause juste, elle peut être instrumentalisée.

Je ne place ici aucunement sur un pied d’égalité ce type d’attaques concertées et les alertes ou relais de féministes sincères réagissant ou s’interrogeant sur des comportements inappropriés. Les réseaux sociaux, surtout Twitter, se prêtent facilement à ce genre de procédés d’autant que l’anonymat protège toutes les manipulations. 

Notre société doit se révolutionner en se préservant de sombrer dans la rumeur

Notre société doit se révolutionner en se préservant de sombrer dans la rumeur. Les mises en question publiques ne devraient pouvoir se faire sans un signalement précis, identifié, vérifié, respectant ainsi la parole des femmes. C’est sinon la porte ouverte à l’arbitraire et au très réactionnaire « il n’y a pas de fumée sans feu ». Je ne considère pas pour autant que seule la justice, même si elle est toujours préférable, puisse être convoquée pour déterminer une action préventive voir curative sur une personne soupçonnée de violences sexuelles et sexistes.

Comme cela se fait dans le monde professionnel, les mises en place de procédures internes aux partis, mais indépendantes des directions politiques, d’écoute et de traitement de signalements, est nécessaire même s’il convient d’améliorer encore le système en garantissant par exemple une procédure contradictoire et des décisions effectives pour les victimes et les personnes mises en cause de clôture ou de sanction. Je me retrouve assez dans les pistes proposées par Sandrine Rousseau dans sa tribune datée du 2 juillet dans Le Monde .

« On a beau avoir été formé politiquement contre les rapports de domination masculine, la marche reste très haute tant ces rapports nous conditionnent« 

A côté de cette dimension protectrice visant à prévenir, et punir quand nécessaire, les comportements délictuels, le mouvement #MeToo est aussi, surtout, l’occasion de révolutionner les comportements patriarcaux ce qui interroge évidemment plus particulièrement les hommes. On a beau avoir été formé politiquement contre les rapports de domination masculine, la marche reste très haute tant ces rapports nous conditionnent. Je n’en suis pas immunisé.

J’ai commencé à grimper plus franchement cette marche quand, il y a quelques années, avant même la vague #MeToo, une camarade qui se reconnaîtra m’a fait comprendre qu’on ne pouvait plus avoir les mêmes rapports avec les femmes, de séduction ou simplement relationnel, dès lors qu’on était devenu un homme de pouvoir de 50 ans, et ce même dans le cadre d’échanges consentis et voulus respectueux au risque d’entrer, même de façon inconsciente, dans des rapports de domination éloignés de la société d’égalité et de respect mutuel entre les femmes et les hommes que nous voulons bâtir.

C’est cette leçon, qui renvoie d’ailleurs à une nécessité de formation plus globale en ce sens dans les lieux de pouvoir, que je me rappelle, et applique. C’est peut-être aussi ce qui m’a permis à la fois de garder la vigilance sur tout ce qui aurait pu ressortir de la domination masculine dans mon comportement tout en supportant, dans la douleur, l’existence de ces rumeurs que je redis aujourd’hui infondées.

Eric COQUEREL

Source: https://www.lejdd.fr/Politique/tribune-eric-coquerel-mis-en-cause-pour-son-comportement-avec-les-femmes-ces-rumeurs-sont-infondees-4121189

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