Exfiltrations et impunité des pédocriminels : la connivence Eglise/Etat-1e partie (IO.fr-23/05/25)

Bayrou auditionné sur les faits de violence à l’école privée Notre-Dame de Bétharram, à l’Assemblée nationale, le 14 mai. (AFP)

Comment se peut-il qu’une pègre de pédocriminels, des sadiques en bande organisée, installés à la tête d’écoles catholiques durant des décennies torturent des enfants en toute impunité ?

Par Michel SERAC

C’est un procès aux assises qui attendait le prêtre-violeur Carricart, agresseur d’un enfant de dix ans, en 1998. Il était le directeur de Bétharram, le chef des tortionnaires d’enfants. Nul doute que les crimes commis dans ce cloaque de sadiques auraient été révélés et stoppés par le procès. Les gendarmes, le juge avaient mis le pédocriminel en prison. C’est alors qu’un procureur, magistrat dépendant du gouvernement, a usé de toute son autorité… pour faire libérer Carricart. Ce qui permit sa fuite au Vatican, et les tortures de centaines d’autres victimes, qui exigent aujourd’hui que leurs bourreaux soient jugés.L’indignation saisit les honnêtes gens devant la « comédie politicienne indécente, décalée de la souffrance des victimes » de Bayrou1, se dérobant aux questions des parlementaires. Il faut maintenant suivre le représentant des 212 plaignants de Bétharram, pour qui Bayrou « fait partie d’une chaîne de responsabilités, d’alertes ignorées, de silence institutionnel ».Oui, une longue chaîne , oui des institutions . Voyons comment un régime, pour des besoins politiques inavouables, a permis le rétablissement en France des privilèges les plus odieux du clergé catholique, abolis par la Révolution.

Ceux qui ont cru les enfants, ceux qui les ont secourus, ont voulu les tirer des griffes des sadiques, ceux qui ont confondu, arrêté leurs bourreaux-violeurs, ce sont tous ceux-là que Bayrou attaque, traite avec arrogance « d’affabulateurs ». L’admirable professeure Gullung, les gendarmes, le juge : leur droiture de l’époque contraste avec celle du potentat local Bayrou qui en 1996 dénonçait « l’injustice » frappant… la direction de Bétharram.

On jugeait à ce moment-là la brute de Behr, surveillant général-cogneur qui avait crevé le tympan d’un élève par gifles. Quand l’enfant avait été « mis au perron » en slip par 0 C° (torture ordinaire à Bétharram), à nouveau battu, les parents avaient porté plainte. Très légèrement condamné, le nervi de Behr était promu chef d’établissement adjoint. Comme la rumeur médiatique enflait sur les sévices cruels infligés aux enfants, le ministre Bayrou s’était porté garant de Bétharram : « Toutes les vérifications ont été favorables et positives » (Sud-Ouest, 6 mai 1996). Voilà ce qu’il veut effacer, faire oublier par l’expédient le plus répandu, dans notre vie politique corrompue : calomnier la France insoumise.

« Faire péter la prescription »

Concentrons-nous sur les revendications des victimes, organisées par centaines. Outre le groupe de Bétharram (1 200), des collectifs se créent dans les Pyrénées-Atlantiques, les Hautes-Pyrénées, les Landes ; il y a les 160 de Saint-Pierre du Relecq-Kerhuon (Finistère) : 50 témoignages envoyés au procureur, le collectif de Saint-Dominique de Neuilly (700 sur Facebook), celui de Limoges, etc.

La revendication centrale : « faire péter la prescription » comme dit l’un d’eux, c’est-à-dire la protection légale des criminels. Sur 157 plaintes des victimes de Bétharram déposées en justice, deux crimes peuvent encore être instruits…

On se souvient du cri de triomphe du cardinal Barbarin, protecteur des prêtres-pédophiles de Lyon : « Les faits sont prescrits, Dieu merci ! »

Bayrou prétend que les victimes, « trop souvent se sont tues ». Or entre 1993 et 2013, douze plaintes et signalements ont été ignorés ou classés sans suite. Le parquet a toujours trouvé les plaintes pour viol et violences « insuffisamment caractérisées ». Des enquêtes de vérification ? Surtout pas !

Protection du pédophile Lamasse : menaces et chantage mafieux de Bétharram sur la famille

Jean-Marie Delbos (retraité de la police) a subi les agressions du prêtre Lamasse (également violeur à Limoges). Orphelin et pauvre, il est admis au petit séminaire, des bienfaiteurs paient sa pension. Les nuits, Lamasse déboule au dortoir « soutane ouverte », impose aux enfants fellations et masturbations. En 1961, si « les autres se sont dégonflés », Jean-Marie, lui, a dénoncé les faits à la direction. Le malheureux alerte ainsi… le chef en soutane des dépravés ! Sa grand-mère est alors menacée : « Ils sont venus à quatre, nous ont fait sortir de la maison, nous ont dit qu’ils saisiraient nos biens pour se rembourser des frais de ma scolarité » (la pension de Bétharram, établissement financé par l’argent public, est aujourd’hui facturée 2 200 à 2 900 euros par mois). Par précaution, la riche congrégation exfiltre le pédophile Lamasse vers une de ses écoles du Moyen-Orient. La plainte de Jean-Marie se brise en 2010 sur le mur de la prescription. Le crime est reconnu par la Ciase2, mais il voit en février 2025 le prédateur multirécidiviste Lamasse sortir, libre comme l’air, de sa garde à vue.

La nouvelle « route des rats » : exfiltration organisée des tortionnaires pédophiles

Les historiens ont étudié avec précision les filières d’exfiltration des nazis à la fin de la guerre, vers l’Amérique latine – Barbie, Eichmann, Mengele, etc. Cette « route des rats » (ratlines) fut notamment organisée par l’évêque autrichien du Vatican Alois Hudal, nazi convaincu.

Cette méthode éprouvée des exfiltrations effaçant les traces s’est appliquée ensuite aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, dans le monde entier, en France comme ailleurs, pour « faire oublier » des pédocriminels du clergé, les soustraire à la justice. Nombre de films et de documentaires l’ont illustrée3. Pas de vagues pour le haut clergé, certes, mais… le prédateur, inconnu dans son nouveau terrain de chasse, dissimulé par sa hiérarchie, peut à nouveau tromper la confiance des enfants et des familles.

Il y a une condition sine qua non : que les autorités d’Etat ignorent toute alerte, tout signal, toute rumeur, regardent ailleurs : « pas vu, pas pris ». Que les ministères, les rectorats, au nom du « caractère propre » des écoles religieuses, leur laissent une entière liberté, pour tous usages. Or les preuves de cette absence totale de contrôle en France des écoles catholiques financées par l’Etat ont été réunies par la commission parlementaire transpartisane Vannier-Spillebout.

Connu à Bétharram pour sa cruauté sadique – son surnom « Cheval » vient de la chevalière qu’il retourne avant de gifler à toute force – Damien S. est mis en cause dès 1988 pour agression sexuelle sur un élève. Comme Lamasse, il est exfiltré par ses protecteurs et comparses violeurs. A Saint-Dominique de Neuilly, il reçoit les pouvoirs disciplinaires de… censeur. La jeune Marie, élève de 6e, éberluée, entend le nouveau censeur lui ordonner de porter des jupes, et se retrouve enfermée dans le bureau du violeur. Elle résiste : le pédophile la punit sans raison, la persécute. Ces victimes-là n’identifieront Cheval que trente ans plus tard, quand à Bétharram 18 personnes l’accusent d’agressions sexuelles, 55 de violences volontaires, une de viol. Un collectif rassemble alors les témoignages sur Cheval, et d’autres brutes et violeurs de Saint-Dominique (oreilles tirées jusqu’au sang, voyages scolaires « spirituels », avec visites charnelles des prêtres, la nuit, etc.)

Tout cela est rapporté au parquet de Nanterre, en pure perte : Cheval est légalement hors d’atteinte. « Les victimes se taisent » ? Non : on fait taire les témoins, terrorise les enfants, brise leur résistance, on brouille méthodiquement les pistes des criminels. L’Etat, les politiciens, les notables, à chaque fois qu’ils auraient dû creuser, enquêter, ont ignoré, étouffé : la voilà, la « chaîne des responsabilités ».

Les courageuses victimes méritent le soutien dans leur lutte de tous les démocrates, de l’immense majorité des croyants, indignés d’être ainsi salis dans leurs convictions par des criminels de droit commun.

L’avis des gendarmes sur les allégations du Premier ministre

Voici les réponses du major Matrassou (qui se trompe, selon Bayrou) à une interview où il confirme le témoignage sous serment du gendarme Hontangs et du juge Mirande (qui se trompent selon Bayrou) :

« Oui, Hontangs m’a dit sur-le-champ, après la présentation (au juge du père Carricart en 1998) : “Bayrou est intervenu, Mirande me l’a dit” » ; « Quelques jours, ou quelques semaines plus tard, Mirande m’a dit que Bayrou était énervé ou effaré, je ne me souviens plus du terme exact, de tout ce qu’il se passe à Bétharram ».

Question : Hontangs et Mirande sont-ils fiables ? « (Rires) Sur une échelle de 1 à 100, je dis 120. Hontangs était capable de rabrouer un magistrat, ou n’importe qui si ça ne lui plaisait pas. Il n’est pas dans une démarche vindicative, il est outré, il veut que la vérité sorte (…) . Mirande est un gars inflexible. C’était le juge Michel de Marseille. Pour l’influencer sur les procédures, il faut se lever tôt ».

« Les juges de la cour d’appel ont pris leurs décisions (de remise en liberté) avec des réquisitions du procureur général qui manifestement était pro-Carricart. C’est sur la base de ces réquisitions que Carricart a été libéré, puis que son contrôle judiciaire a été allégé (pour que le religieux puisse aller à Rome). Ça, c’était grotesque. C’est une catastrophe judiciaire pour moi. Quand on parle de Carricart qui aurait violé un enfant, puis qu’il est remis en liberté sous contrôle judiciaire après quelques jours de détention, et qu’il est autorisé à résider à Rome, dans un pays étranger… De qui se moque-t-on ?4 ».

Nous invitons nos lecteurs à prendre le temps d’écouter l’audition au parlement de M me Gullung, la professeure qui incarne la rigueur, la droiture et l’humanité, au milieu d’un grouillement de corruptions et de complicités5. Nous reviendrons sur sa persécution, illustrative des connivences de sommet.

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Source: https://infos-ouvrieres.fr/2025/05/23/exfiltrations-et-impunite-des-pedocriminels-la-connivence-eglise-etat-1e-partie/

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/exfiltrations-et-impunite-des-pedocriminels-la-connivence-eglise-etat-1e-partie-io-fr-23-05-25/

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