
Alors que les syndicats estiment à 75 % le taux de contrôleurs en grève sur les grandes lignes, la SNCF prévoit des circulations quasi normales des TGV et Intercité vendredi 9, samedi 10, et dimanche 11 mai. Pour ce faire, le groupe prévoit de remplacer les grévistes par des agents encadrants. Une situation imposée à ces personnels, selon la CGT.
Par Naïm SAKHI.
Quelle est donc la recette de la SNCF pour maintenir « pas loin de 90 % des trains », selon son PDG Jean-Pierre Farandou, lors des 9, 10 et 11 mai, malgré une grève qui s’annonce suivie chez les agents du service commercial trains (ASCT, soit les contrôleurs) ? La mobilisation d’une armée cadre pour compenser les effectifs grévistes.
« Cela fait de longues semaines que nous travaillons sur le plan de transport suite aux préavis. On s’est organisés pour optimiser le plan de transport », avait prévenu auprès de BFM TV Alain Krakovitch, directeur des lignes TGV et Intercités à SNCF Voyageurs. Pour cause, ces personnels encadrant, qui ont une formation express d’une dizaine de jours, contre 4 mois pour les Asct, recevront selon RMC, une prime de 50 euros par heure travaillée dans un train pendant ce week-end du 8 mai. De quoi compenser les 75 % de grévistes chez les contrôleurs attendus, selon les syndicats. Contactée SNCF Voyageurs n’a pas répondu à nos sollicitations.
De son côté, la CGT Cheminots, assure à l’Humanité que « l’encadrement de proximité, ceux qui organisent au plus proche du terrain et des besoins la production ferroviaire, est dans une position complexe et pas seulement dans la période de conflit ». Et que ces personnels sont« sous pression de la charge de travail, de l’organisation du travail et des manques de moyens, au point de devenir des gestionnaires de pénurie ».
« Ils n’ont pas d’autre choix, de peur de se retrouver isolés »
Tout en dénonçant le redéploiement de ces cadres, le 1er syndicat de la SNCF rappelle que « pour garder un poste sur leur bassin de vie, ces personnels sont souvent obligés d’accepter, soi-disant volontairement, des contraintes professionnelles », dont celle d’être mobilisés « lors de situations de perturbations, de crise volontaire de l’information voyageur ou encore remplaçant les agents en ligne ».
Pour la CGT Cheminots, « de fait, en situation de grève, ils n’ont pas d’autre choix que de remplacer ou d’être eux-mêmes grévistes, ce qui est mal vu pour un encadrant, de peur de se retrouver isolés ». Et de rappeler que le syndicat « fait des propositions pour leurs conditions de travail et que la CGT préférerait bien sûr qu’ils participent aux débrayages, sur la base des revendications de l’organisation syndicale, avec les autres corps de métiers du groupe ».
De son côté, sur RMC, Julien Troccaz (Sud rail) dénonce le comportement « lamentable », de la direction de la SNCF qui mettrait « tous les moyens pour casser la grève, pour essayer d’étouffer la colère des cheminots et cheminotes qui se mobilisent depuis le début de la semaine. »
Pour rappel, bien que constitutionnel, le droit de grève dans les transports a fait l’objet d’attaques restrictives dès 2008. La loi sur le « dialogue social et la continuité du service public dans le transport terrestre régulier de voyageurs » prévoit un niveau de service minimal en cas de grève ou autres perturbations prévisibles touchant les trains, les métros et les bus. La responsabilité incombe aux salariés de se déclarer grévistes 48 heures avant tout conflit.
Vers une nouvelle mobilisation le 5 juin
En avril 2024, le Sénat avait adopté une proposition de loi (PPL) plus attentatoire au droit de grève visant à interdire les débrayages aux heures de pointe trente jours par an, durant les vacances scolaires, jours fériés, élections, ainsi que les événements d’importance tels que les jeux Olympiques.
Cette semaine, les présidents LR des Hauts-de-France et d’Île-de-France, Xavier Bertrand et Valérie Pécresse, ont réclamé l’adoption définitive de ce texte porté par le sénateur Philippe Tabarot… actuel ministre des Transports. Son prédécesseur, Patrice Vergriete, avait pourtant prévenu des « problèmes de constitutionnalité » contenus dans cette PPL.
Le mouvement de grève enclenché le 5 mai par la CGT et le 6 mai par Sud rail se poursuit. Les syndicats dénoncent une flexibilité accrue des temps de travail et réclament une révision des primes. Malgré un bashing médiatique, la CGT revendique des mobilisations « extrêmement fortes » sur les lignes Transilien et dans les TER de 11 régions sur 13. « Les réunions des 4 juin à la Traction (conducteurs) et du 11 juin au train (contrôleurs), annoncées à l’appui du rapport de forces, doivent désormais donner lieu à de véritables négociations », prévient, dans un communiqué, la CGT, qui appelle les cheminots à la grève le 5 juin prochain lors d’une journée interprofessionnelle.
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