
La « charte sociale » va-t-elle suffire ?
Par Daniel SHAPIRA.
Au moment où les fonctionnaires exigent, non des primes, mais une augmentation des salaires en points d’indice, au moment où des millions de salariés vont être confrontés aux conséquences des 10 milliards d’euros de coupes budgétaires décidées par Macron et Le Maire, la question des jeux Olympiques commence à cristalliser une tension générale.
Après l’annonce de préavis de grève pendant les JO, le ministre de la Fonction publique, Stanislas Guérini, a annoncé, samedi 9 mars, des primes de 500, 1 000 voire 1 500 euros pour « tous les agents de la Fonction publique mobilisés ». Le Parisien du 10 mars a cru devoir résumer ainsi cette annonce : « Le gouvernement lâche du lest pour éviter des grèves pendant les Jeux ». Vraiment ? Mais de qui se moque-t-on ? Car ces annonces étaient déjà prévues dans une circulaire de novembre dernier de la Première ministre d’alors, Élisabeth Borne.
Depuis le début, le gouvernement mise sur la Charte sociale des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 signée le 2 juin 2018 par les cinq confédérations syndicales (CGT, CFDT, FO, CFTC, CFE-CGC) et les trois organisations d’employeurs (CPME, Médef, U2P) pour garantir « la paix sociale ».
Parlant au nom des cinq confédérations syndicales, Bernard Thibault les représente toutes comme coprésident du comité de suivi de la Charte sociale de Paris 2024. Et toutes les confédérations syndicales, lui emboîtant le pas, ne cessent de se réclamer de cette Charte sociale.
À son tour, la confédération FO, dans un document du 11 mars, affirme : « La confédération peut également se saisir de la Charte sociale pour faire entendre ses demandes. (…) Cette Charte détermine et promeut un ensemble d’engagements sociaux visant (…) à mettre en œuvre une vigilance permanente en termes de respect des réglementations du travail et envers les acteurs impliqués dans cet événement sur les conditions de travail des salariés et intervenants. »
Parlons-en !
Guérini annonce des primes de 500 à 1 500 euros pour les agents mobilisés. Mais les policiers et gendarmes pourront, eux, toucher jusqu’à 1900 euros. Un « deux poids, deux mesures » qui ne passe pas.
Quant aux fonctionnaires territoriaux, aucune garantie, puisque cela dépendra de chaque collectivité territoriale.
« Déjà au maximum de ce que l’on peut faire »
Pour les hospitaliers, une syndicaliste citée par Le Parisien du 7 mars résume ainsi le problème : « On atteint même le squelette dans les hôpitaux, où il n’y a pas de discussions sur la continuité des soins pendant l’événement. Ici, pas de volontariat, l’astreinte sera la règle ! On est déjà au maximum de ce que l’on peut faire. Et ce n’est pas une prime qui va changer grand-chose, on a besoin de renforts. Que va-t-il se passer si en plus on a une canicule ? Mais ça, personne ne semble vouloir l’entendre. »
Et il y a tous les autres agents des services publics, SNCF, RATP, EDF, etc.
Quant aux salariés du privé, travaillant dans les zones dites de sécurité, ils seront mis dans l’obligation, soit d’être en congés imposés, soit en chômage partiel avec salaire réduit.
Dans ces conditions, l’engagement des sommets pour la « paix sociale » pendant les JO, à l’aide de la Charte sociale, risque de ne pas suffire.
À la SNCF par exemple, la direction fait traîner les discussions sur les compensations financières pendant les JO, ce qui fait dire à un responsable syndical : « C’est très simple, ils vont attendre mai ou juin pour sortir l’artillerie lourde. S’ils commencent à lâcher maintenant, ils ont peur de mettre le doigt dans l’engrenage et de provoquer une surenchère ».
Mais toujours dans Le Parisien du 7 mars un « acteur au fait des discussions » résume ainsi l’inquiétude : « Ça me semble assez cavalier. C’est prendre le risque de ne pas trouver d’accord et que cela dégénère au dernier moment. Il aurait fallu trouver un deal il y a longtemps. »
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