Mouna Miraoui, la cousine d’Hichem, tué samedi à Puget-sur-Argens (Var), alerte sur le racisme décomplexé qui sévit sur les réseaux sociaux ou à la télévision. « Je vous le dis franchement : on a peur », confie aussi cette mère de famille de 37 ans
Entretien réalisé par Alexandre FACHE.
La voix parfois encore embuée de larmes, Mouna Miraoui, la cousine d’Hichem, assassiné samedi à Puget-sur-Argens, tente de faire face. Depuis deux jours, cette mère au foyer de 37 ans se démène pour répondre aux sollicitations et organiser, avec le consulat de Tunisie, le futur rapatriement du corps d’Hichem. Alors qu’une marche blanche doit être organisée dimanche après-midi dans la commune du Var, et peut-être dès le matin à Marseille, elle partage sa tristesse et sa colère après ce crime « impardonnable ».
Comment votre famille a-t-elle vécu ce drame ?
C’est un choc pour tout le monde, un drame, quelque chose d’inexplicable. On n’arrive pas à croire que c’est arrivé, et on ne sait pas si on va s’en remettre. C’est tellement douloureux. La mère d’Hichem attendait depuis huit ans pour revoir son fils. C’est dans un cercueil qu’elle va le retrouver, et on ne sait pas dans quel état, parce qu’on n’a toujours pas pu voir le corps…
Hichem se sentait-il menacé par son voisin ?
Oui, Hichem n’était pas bien et voulait déménager parce qu’il recevait des insultes de la part de ce voisin, qui le traitait de « sale Arabe ». Ce monsieur lui avait tagué sa moto en écrivant les mêmes mots : « Sale Arabe ». Il lançait aussi des regards de travers aux personnes qui venaient chez mon cousin. Et quand Hichem faisait à manger, il n’était pas content, il lui hurlait dessus : « Sale Arabe, les odeurs, ça pue ! » Hichem voulait partir, il se sentait tout le temps observé et surtout pas en sécurité.
Uniquement à cause de ce voisin ?
Oui, à ma connaissance, il n’y avait que lui. Hichem en avait parlé à ses sœurs, à ses amis. Mais on ne pensait pas que ça pouvait en arriver là. Ce n’est pas que de la violence, ce qui s’est passé, c’est de la rage, de la haine. C’est un acte terroriste. Comment est-ce possible de tirer cinq balles sur quelqu’un qui ne vous a rien fait, juste parce qu’il n’a pas la même religion, ou parce qu’il ne vient pas de la même communauté ? C’est impardonnable.
Le meurtrier d’Hichem est allé jusqu’à revendiquer son geste dans des vidéos…
Oui, avant et après. On est aussi tombé sur ses publications, sur Facebook. Tout ça fait froid dans le dos. On voit des photos d’armes, on entend des propos plus que racistes. C’est sa femme qui a appelé la gendarmerie, pour dire que son mari en avait « marre de tous ces étrangers ».
Pensez-vous qu’on aurait pu le repérer plus tôt et éviter qu’il passe à l’acte ?
Peut-être, oui. Il disait beaucoup de choses sur les réseaux, publiait des photos d’armes, tenait des propos ouvertement racistes… Je ne sais pas comment tout cela est surveillé, mais il y avait matière à réagir.
Dans ces vidéos, il a affirmé agir au nom du « drapeau français ». Comment prenez-vous cela ?
Je ne pense pas que la France et les Français soient d’accord avec un tel geste. Moi, je suis française, d’origine tunisienne, de confession musulmane. Ma France à moi, elle n’est pas comme ça ! Ma France, c’est le mélange de plusieurs traditions, de plusieurs origines. Mais c’est vrai qu’en ce moment, on l’entend de moins en moins. Et les agressions racistes, elles, se multiplient. Résultat, on a peur. Je vous le dis franchement : on a peur. Pour nous, pour notre sécurité. Et on a raison d’avoir peur : Hichem a été tué parce qu’il était arabe.
Votre avocat a pointé la responsabilité de ceux qui tiennent des discours de plus en plus racistes, y compris dans la sphère politique. Ce climat peut-il encourager certains à aller plus loin et à commettre des crimes racistes ?
Je ne veux pas trop parler de politique. Mais c’est sûr que tenir des propos racistes, c’est devenu totalement banal, normal. On en entend à la télé, partout, tous les jours. Or, c’est tout sauf normal.
Le Parquet national antiterroriste s’est saisi de l’affaire, ce qui constitue une première en matière de crime raciste. C’est important ?
Oui, bien sûr. Parce que, pour nous, c’est bien un acte terroriste. Pas juste un meurtre. Ce monsieur a tué mon cousin, mais son geste visait tous les musulmans, tous les Arabes. Tous les étrangers en fait.
Qu’attendez-vous des autorités ?
J’attends que justice soit faite. Pour Hichem. Pour qu’on ne l’oublie pas. Et aussi que ceux qui tiennent des propos racistes soient sanctionnés.
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Source: www.humanite.fr/politique/crimes-racistes/hichem-a-ete-tue-parce-quil-etait-arabe-pour-nous-cest
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