
Depuis mi-juin, le personnel hospitalier de l’hôpital est en grève contre le plan d’économies et les suppressions de postes. Leur auto-organisation, bien loin des journées d’action rituelles et impuissantes, peut faire reculer le gouvernement.
Par Bruno RICQUE.
Lundi 23 et mardi 24 juin des centaines d’hospitaliers constituent des brigades et couvrent tous les villages, tous les ronds-points, tous les commerces avec affiches, tracts et banderoles pour appeler à converger les 26 et 27 juin sur l’hôpital contre les suppressions de postes.
Une syndicaliste note : « Les collègues passent pour nous demander des affiches sans qu’on les sollicite ».
Mercredi 25 juin, Macron, avec l’Otan, annonce priorité au financement de la guerre. Dans la foulée, la ministre Catherine Vautrin déclare vouloir faire 1,7 milliard d’euros d’économies sur les dépenses de santé en 2025. Contradictoirement, le ministre de la Santé, Yannick Neuder, jusqu’ici discret, reçoit le maire de Laval et annonce une enveloppe importante de 10 millions pour le centre hospitalier.
C’est le produit direct de la mobilisation. Mais Neuder précise qu’il s’agit de « soutenir sa trésorerie comme sa dynamique de redressement et appuyer le plan de performance ».
Immédiatement l’intersyndicale FO et CGT répond par une lettre au ministre : « Nous souhaitons avoir une garantie écrite de votre part qu’il n’y aura aucune suppression de postes dans notre hôpital, ni aucune fermeture de lits eu égard à l’état particulièrement critique de l’accès aux soins sur notre territoire. ».
Des hospitaliers soulignent : « Il faut que le ministère s’engage à ce que nos urgences soient ouvertes 24 heures/24. La fermeture récurrente et la régulation sur la Mayenne, c’est cela qui coule notre hôpital ».
Les Jeunes Agriculteurs communiquent : « Face à la situation préoccupante de notre hôpital public, et en réponse à l’appel des syndicats ouvriers, nous, Jeunes Agriculteurs, appelons à une mobilisation solidaire en soutien au personnel soignant, pilier de notre santé et de celle de nos proches. ».

(Le 26 juin les personnels occupent le parvis de l’hôpital, les tracteurs des Jeunes Agriculteurs en soutien, photo correspondant)
Jeudi 26 juin les hospitaliers préparent la veillée avec occupation du site. Des barnums sont installés et les tentes sont plantées. à l’entrée de l’hôpital, de grandes affiches : « l’État saigne l’hôpital », « Santé en solde, tout doit disparaître, surtout le personnel ».
Dans la soirée les Jeunes Agriculteurs arrivent sur leurs tracteurs et se rassemblent sur le parking devant l’entrée avec 300 agents. Des hospitaliers dorment sur place dans les tentes.
Des délégations venues de Bretagne, des Pays de Loire, de Normandie
Vendredi 27 juin, dès 7 h 30, tout le monde s’active. Les hospitaliers de Laval sont en nombre, ils sont rejoints par des délégations d’hospitaliers de Bretagne, des Pays de la Loire, de Normandie. Partout les mêmes réflexions : « Ce qui se passe à Laval est formidable. Peut-être qu’il faudrait faire la même chose chez nous puisque ministère et ARS ne veulent rien savoir ». Des médecins hospitaliers participent, et aussi des ambulanciers, des pompiers.

À 8 h 30, 300 agents envahissent la salle où doit se tenir le conseil de surveillance (notre photo) et l’empêchent de valider le plan d’économies. Une aide-soignante déclare : « Des patients appuient sur la sonnette pour appeler, et on les laisse dans leur pipi. On manque de bras à l’hôpital ». Elle est applaudie. Les autorités annoncent que les 57 suppressions de postes sont suspendues.
Les syndicats s’adressent aux 1 000 manifestants rassemblés depuis le bureau du directeur qu’ils occupent. Il est décidé de poursuivre la mobilisation pour garantir les premières avancées et obtenir des mesures écrites sur toutes les revendications dès le mercredi 2 juillet lors de la venue du directeur de l’ARS à Laval.
Ce qui domine depuis un mois, c’est ce bloc soudé du personnel avec ses syndicats pour se donner tous les moyens d’arracher les revendications face au directeur, à l’agence régionale de santé et à Bayrou qui tous voudraient réduire le personnel et les soins. Laval démontre que cette auto-organisation, bien loin des journées d’action rituelles et impuissantes, peut faire reculer le gouvernement.
« 350 COLLEGUES ENVAHISSENT LE CONSEIL DE SURVEILLANCE Interview de Maxime Le Bigot, secrétaire général FO de l’hôpital de Laval (le 27 juin) « Pourquoi on est ici, pourquoi il y a des collègues qui sont au conseil de surveillance ? Tout simplement pour dire : non au plan social, non au plan d’austérité que souhaite mettre en place l’ARS avec la complicité de notre directeur, c’est-à-dire une suppression de cinquante postes au minimum, là tout de suite, et cent postes à terme pour faire plus de 3,5 millions d’économies sur les postes soignants.Donc, depuis 8 heures ce matin, trois cent cinquante collègues sont au conseil de surveillance pour faire annuler cette séance, vu que le directeur général de l’ARS est absent.Et nous, on le voulait, c’est une exigence des collègues. On ne veut pas que le conseil de surveillance se tienne, donc on restera jusqu’à ce que ce conseil soit annulé. » |
« UNE MOBILISATION MASSIVE ET UN RECUL ! CONTINUONS ! » Communiqué du 27 juin de l’intersyndicale FO et CGT de l’hôpital de Laval (extraits) « Ce n’est qu’un début. Ce matin, devant l’hôpital de Laval, nous étions plus de 1 000 personnes réunies pour refuser le plan social, pour exiger aucune suppression de postes ! (…)Nous refusons de baisser les armes, nous refusons une énième réduction de l’offre de soins. Nous organisons la résistance. (…)Le 27 juin, avec l’intersyndicale FO-CGT, près de 1 000 personnes se sont mobilisées : agents de l’hôpital et même de toute la région, de la Bretagne et de la Normandie, usagers, tout le monde a répondu présent.Plus de 300 personnes ont empêché la tenue du conseil de surveillance. (…) Les représentants des syndicats FO et CGT ont pris possession du bureau de l’hôpital. (…)Nous obtenons un recul ! Les suppressions de postes prévues dans le cadre du plan social sont gelées. Les trente-deux mises en stage annulées vont être rediscutées. (…)[Le directeur de l’ARS] annonce venir à la rencontre de l’intersyndicale le 2 juillet. [Le ministre] annonce venir en juillet et rencontrera l’intersyndicale FO-CGT.Nous restons tous mobilisés. (…) Nous voulons la mort du plan social, aucune suppression de postes !Les actions se poursuivent. (…)– Mercredi 2 juillet pour accueillir le directeur général de l’ARS.– Le 16 septembre, à l’ARS de Nantes et jusqu’à Paris s’il le faut : tous les hôpitaux sont dans le même bateau. » |
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