Hôpitaux : à propos de la journée nationale d’action du 29 octobre (IO.fr-8/11/24)

Un très maigre rassemblement, le 29 octobre, aux Invalides (photo Henrique Campos / Hans Lucas via AFP)

C’est peu dire que la journée nationale d’action du 29 octobre dans la fonction publique hospitalière n’a pas été suivie par les personnels hospitaliers. Pour quelles raisons ?

Par Philippe NAVARRO.

Que quatre fédérations, CGT, FO, Sud et Unsa, peinent à rassembler à Paris plus que quelques dizaines d’hospitaliers, n’est quand même pas courant. Cela n’a pas été mieux en province. Nulle part d’ailleurs.

Et ce ne sont certainement pas les animations, dans ces maigres rassemblements, autour du thème d’Halloween (!), qui ont pu faire regretter au personnel son absence.

Pourtant, jamais comme aujourd’hui les conditions de travail n’ont été aussi pourries pour les agents hospitaliers, tous grades confondus.

Et jamais comme aujourd’hui, il n’aura été aussi difficile pour les patients d’accéder à l’hôpital public.

Morts faute d’accès aux urgences

En une semaine, une jeune femme de 25 ans, à Montpellier, puis un jeune garçon de 13 ans, à Bourges, sont décédés sans que ni l’une, ni l’autre ne puissent accéder aux urgences, en raison de l’obligation aujourd’hui d’appeler au préalable le 15 qui décide, ou pas, si vous pouvez y accéder. Les deux furent renvoyés vers leur médecin traitant, les deux sont décédés.

Au passage, notons que le directeur du CHU de Montpellier n’hésite pas, sur-le-champ, à suspendre le lampiste : l’agent de régulation du 15.

Agents hospitaliers et patients sont victimes des mesures prises par les gouvernements de gauche comme de droite depuis plus de 30 ans contre le droit à l’hospitalisation publique. Et lorsqu’une de ces mesures, l’obligation d’appeler le 15 pour pouvoir accéder aux urgences, tue, eh bien c’est le lampiste qui trinque ! C’est dire si les conditions de travail sont pourries.

Alors, pourquoi la journée d’action nationale de grève du 29 octobre a-t-elle été rejetée si clairement par le personnel ? Peut-être parce que cela a à voir avec le contenu du préavis de grève déposé par les quatre fédérations ? En effet on y lit : « Le 29 octobre 2024 sera l’occasion pour les salariés du secteur public et du privé de se mobiliser dans le cadre du débat parlementaire sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, afin d’obtenir les financements nécessaires, (…) avec l’exigence de négociations concernant les revendications. »

Peser sur le Parlement ?

Que l’une des fonctions des organisations syndicales soit de négocier, cela va de soi. En tout cas, en démocratie. Mais cela fait trente ans et plus que les gouvernements de gauche comme de droite refusent de négocier autre chose que leurs propres « revendications ». C’est vrai ou pas ?

Peser sur le Parlement ? Pourquoi pas ? En effet, on voit, au Parlement, le travail et la bataille souvent fastidieux mais toujours opiniâtres que mènent les députés LFI, forts du soutien et du vote de millions de travailleurs et de jeunes pour eux. Et ce, même si à chaque fois, tout l’arsenal de cette Constitution antidémocratique (les articles 34, 38, 40, 44 et le fameux 49.3 au final) est dressé contre leur combat, les informations, les déclarations, les prises de position sont un point d’appui, accentuent la crise, fragilisent le pouvoir, mettent à nu les impostures antidémocratiques et peuvent ainsi aider la lutte de classe à gagner.

Examinons lesdites revendications des quatre fédérations : « Le renforcement significatif de 10 % des moyens financiers alloués dans le cadre du PLFSS 2025 pour les établissements et les personnels, notamment une revalorisation importante de l’Ondam (l’enveloppe financière annuelle fixée pour les soins de santé) , afin de répondre aux besoins. » Curieuses revendications ! Très curieuses revendications !

Il serait donc possible, dans le cadre d’un bon PLFSS et d’un bon Ondam, de voir satisfaites les revendications ?

Le « rapt » opéré par le plan Juppé (1996)

Lorsque le plan Juppé fut mis en place en 1996, un dirigeant syndical d’alors qualifiait celui-ci comme un « rapt ». Cela fait vingt-huit ans.

En instituant le PLFSS, on ne nous aurait pas volé les cotisations sociales comme le prétendait Marc Blondel ? Depuis 1996, les gouvernements et le Parlement, main dans la main, n’ont-ils pas fait passer les exonérations de cotisations sociales de 4 milliards à plus de 80 milliards aujourd’hui à chaque PLFSS ?

Et lorsqu’en 2020-2021, sous couvert de Covid, le gouvernement décide l’augmentation significative du PLFSS, la totalité des milliards supplémentaires sont allés à qui ? À l’hôpital public ? Tout l’argent est allé à Pfizer, Sanofi, etc. C’est-à-dire aux capitalistes.

À quel moment l’Ondam a-t-il été autre chose que l’instrument de la restructuration des dépenses maladies ? Entendez : rationalisation de la médecine de ville, diminution drastique du nombre de médecins de famille, fermeture massive des lits du service public hospitalier, et augmentation des lits des cliniques privées à but lucratif.

Le PLFSS et l’Ondam sont au seul service des intérêts capitalistes. Dès lors, est-il possible de défendre des revendications autrement qu’en exigeant : la Sécu elle est à nous, pas au Parlement ; abrogation du plan Juppé ; abrogation du PLFSS et de l’Ondam ?

4 900 lits fermés l’an dernier

La Dress (le service statistique du ministère de la Santé) vient de rendre public son rapport le 30 octobre. Elle indique qu’en 2023, 4 867 lits d’hospitalisation complète ont été fermés.

Yannick Neuder est directeur du pôle hospitalisation du CHU de Grenoble. Il témoigne dans le journal Le Progrès du 31 octobre : « Quand vous êtes aux urgences, la principale difficulté, c’est souvent de trouver un lit d’aval pour votre patient. »

En effet, depuis 1996, le PLFSS et autres Ondam ont fermé la moitié des lits du parc hospitalier en France. Et il ajoute : « Je le sais comme directeur de pôle hospitalisation, on ferme des lits par manque de personnel. On n’a pas assez formé de professionnels de santé. »

Yannick Neuder dit la vérité sur ces deux points. Mais Yannick Neuder est aussi député. Il est même rapporteur du budget de la Sécurité sociale (le PLFSS) devant le Parlement !

Amis lecteurs, ne vous inquiétez pas pour la santé mentale de ce député. Il défend les intérêts de la classe à laquelle il appartient. Et pour cela, il a besoin de faire mine de reconnaître les problèmes pour mieux les circonscrire.

La question primordiale des revendications

Les organisations syndicales, elles, ont pour rôle premier de défendre les intérêts de leurs mandants. Qui eux aussi appartiennent à une classe. Pas celle de monsieur le député, pas celle pour qui ont été faites les institutions de la Ve République ; l’autre, la classe ouvrière et la population.

Et pour cela, encore une fois, la question de la précision des revendications est primordiale.

– Annulation des 4 867 lits fermés en 2023 et de tous ceux fermés en 2024.

– Embauche immédiate des 1 500 internes virés en septembre 2023 au concours par la réduction de 1 500 postes.

– Embauche des 2 000 Padhue (médecins avec des diplômes étrangers).

– Formation massive et en accéléré de milliers d’aides-soignants parmi les ASH ayant cinq années d’activité dans les services hospitaliers.

– Idem pour l’ensemble des paramédicaux.

– La formation des paramédicaux doit se faire à l’hôpital, pas à l’université ! Abrogation de ParcourSup !

– La fin des pôles. Rétablissement des services médicaux.

– La fin des pools ! Affectation obligatoire des personnels dans un service médical, etc.

Qui peut croire que les personnels hospitaliers, forts de toute l’expérience de la lutte des classes, sur les retraites notamment, mais aussi de l’expérience vécue lors du Covid, vont avaler que les journées d’actions aux revendications très imprécises et trop consensuelles peuvent leur être utiles de quelque façon que ce soit à la satisfaction de leurs revendications ?

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Source: https://infos-ouvrieres.fr/2024/11/08/hopitaux-a-propos-de-la-journee-nationale-daction-du-29-octobre/

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/hopitaux-a-propos-de-la-journee-nationale-daction-du-29-octobre-io-fr-8-11-24/

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