« Il faut entendre la colère » : comment la pétition contre la loi Duplomb fissure le « socle commun » de l’intérieur (H.fr-23/07/25)

Près de 2 millions de signatures ont été réunies en moins de deux semaines contre le retour de l’acétamipride, un pesticide controversé au cœur de l’opposition à la loi Duplomb. © Benjamin LEYNSE/REA

Face au texte signé par près de 1,8 million de personnes, le camp gouvernemental se divise. Si une partie de ses membres préfère disqualifier les signataires, d’autres élus appellent les leurs à la raison. Jusqu’à espérer qu’Emmanuel Macron ne promulgue pas la loi.

Par Anthony CORTES.

Pratiquement deux millions de mécontents, et alors ? Depuis 2017, c’est un refrain habituel en Macronie. Et le rassemblement constitué autour de la pétition s’opposant à la loi Duplomb, qui entend notamment réintroduire l’acétamipride, pesticide interdit depuis 2018, ne l’a en rien affaibli.

« Cette loi vise à répondre à une situation d’urgence que vivent certaines filières et éviter, demain, qu’elles ne s’éteignent », avance Annie Genevard, ministre de l’Agriculture, pour défendre ce texte. « Je souhaite qu’il y ait un débat dans l’Hémicycle, mais pas un débat qui revient sur la loi », a fait savoir Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale.

« On ne me fera pas croire que, parmi les signataires, personne ne mange du Nutella, qui utilise des noisettes turques ou italiennes » (pays où l’acétamipride est autorisé – NDLR), a osé la députée macroniste Anne Genetet pour mieux tenter de disqualifier les pétitionnaires.

La cohérence de l’action gouvernementale en question

Pourtant, derrière ces outrances médiatiques, le « socle commun » tangue plus qu’à son habitude, « impressionné » par cette mobilisation inattendue, nous confie-t-on quasiment unanimement – sauf du côté des « Républicains » (LR), parti de Laurent Duplomb, rédacteur du texte.

« Cette mobilisation démontre qu’il existe une véritable conscience, au sein de la population, sur les questions d’environnement, de consommation, de santé, note Sophie Panonacle, députée Renaissance de Gironde. Cette pétition doit nous amener à avoir une nouvelle réflexion autour de ces enjeux. »

« Elle exprime quelque chose de bien plus important encore, surenchérit Maud Petit, députée MoDem du Val-de-Marne. Il y a d’une part une très forte préoccupation vis-à-vis des sujets de santé publique, mais pas seulement. Nos allers-retours, entre interdiction des néonicotinoïdes et réintroduction, et ce que cela peut vouloir dire sur la cohérence de notre action, ça énerve les gens. Nous devons absolument entendre ce mécontentement. Sinon, c’est prendre le risque de s’exposer à d’autres mobilisations spontanées. »

Dans les rangs d’Horizons, les parlementaires affichant le même ton ne sont pas rares non plus – bien qu’aucun n’ait voté contre le texte, au contraire des groupes Renaissance (EPR) et MoDem (Démocrates) qui ont compté quelques réfractaires aux plans de Laurent Duplomb.

« Nous avons des collègues qui vivent mal le fait d’avoir été affichés sur des tracts dénonçant leur vote, observe un député du parti d’Édouard Philippe. C’est légitime, mais certains sont plus inquiets des interpellations qu’ils peuvent recevoir que des raisons de la colère. Que l’on soit pour ou contre ce texte, il faut entendre ce cri et s’ancrer davantage dans le pays. »

« Prendre le parti de faire société »

Reste une question : quelle issue donner à cette pétition ? Un débat sans vote ? Un nouveau scrutin ? Exiger du président de la République qu’il ne promulgue pas le texte ? « C’est sa responsabilité, c’est à lui de décider en conscience. Ce que je peux dire, c’est qu’il doit le faire en prenant de la hauteur et en réfléchissant à l’avenir de nos enfants », tranche vaguement la macroniste Sophie Panonacle, quand d’autres l’espèrent franchement, sans toutefois vouloir l’assumer publiquement.

« Quoi qu’il en soit, une pétition qui monte si haut si vite traduit forcément une inquiétude qui mérite une réponse, estime de son côté Erwan Balanant, député MoDem du Finistère. Certains peuvent se rassurer en se disant que ça vient uniquement de la gauche, que c’est la politique du clic… Mais ce n’est pas que ça. Beaucoup de Français sont légitimement frustrés de ne pas avoir vu de débat autour de ce texte. Il faut donc le rouvrir. En particulier sur notre rapport à l’alimentation. Quitte à prendre aux mots les signataires : vous avez signé, très bien, mais êtes-vous prêts à mettre 10 centimes de plus sur votre litre de lait ? Nous devons prendre le parti de faire société ensemble ! »

Face à ces remous, Gabriel Attal, chef du groupe macroniste à l’Assemblée, comme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologique, tentent de tracer une voie du milieu. Militant, l’un et l’autre, pour faire appel à l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire) dans le but « d’éclairer » les débats avant d’éventuellement agir en conséquence.

Une façon de se montrer responsables et à l’écoute. Mais c’est oublier bien vite que les députés du camp présidentiel se sont exprimés contre les amendements de la gauche sur ce texte, en commission des affaires économiques, visant à instaurer un avis préalable de l’Anses avant l’introduction de pesticides…

°°°°

Source: https://www.humanite.fr/politique/assemblee-nationale/il-faut-entendre-la-colere-comment-la-petition-contre-la-loi-duplomb-fissure-le-socle-commun-de-linterieur

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/il-faut-entendre-la-colere-comment-la-petition-contre-la-loi-duplomb-fissure-le-socle-commun-de-linterieur-h-fr-23-07-25/

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *