/image%2F3589191%2F20250113%2Fob_a564be_img-20250112-wa0007.jpg)
Il y a 40 ans le 12 janvier 1985, le GIGN abattait Éloi Machoro, l’un des leader du FNLKS, et son camarade Marcel Nonarro portant un coup d’arrêt à deux mois d’un soulèvement qui secoua l’ordre colonial en Nouvelle-Calédonie. Le véritable responsable de ce double assassinat – car c’en est un – est connu : c’est l’État français, toujours implacable lorsqu’il est confronté à des peuples en rébellion contre le joug colonial.
La France éliminait l’un des hommes le plus honnis des Blancs de Nouvelle-Calédonie. L’annonce de sa mort sera accueillie par des hurlements de joie sur la place centrale de Nouméa. Parions que Retailleau n’aurait en aucun cas commenté cet événement et les réactions des colons par un définitif: « Ces scènes de liesse sont tout simplement honteuses »
Machoro était un instituteur, un élu à l’Assemblée territoriale. Avec Jean-Marie Tjibaou, il est l’un des représentants les plus en vue de cette jeune génération kanak qui prit, en 1977, les rênes du plus ancien parti politique de l’archipel, l’Union calédonienne (UC), le transformant en un mouvement pro-indépendance. Machoro en est son secrétaire général.
L’ensemble du mouvement kanak fatigué des manœuvres constantes des gouvernements français décide d’en finir avec le jeu politique institutionnel et propose un « boycott actif » des élections territoriales du 18 novembre 1984.
Le 18 novembre, Eloi Machoro brise à coups de hache l’urne dans la mairie de Canala, symbolisant concrètement le refus radical du jeu colonial et de ses institutions. L’abstention dépasse les 80 % chez les kanak et atteint 50 % de tous les inscrits : la nouvelle Assemblée territoriale élue est une chambre blanche et réactionnaire.
Son ami Marc Coulon, communiste français, le décrit comme « le dirigeant du FLNKS le plus convaincu de l’orientation socialiste de la lutte kanak au sein du Front »
Un vaste mouvement kanak se déploie en particulier à Thio dirigé par Machoro. Grèves, occupation, barrages, blocage de l’activité économique, toute la population participe au mouvement. L’autodéfense des tribus locales est organisée. Pas un seul coup de feu ne sera tiré contre des Européens et tout l’appareil de production restera en l’état durant toute l’occupation. Le 2 décembre, Eloi Machoro et près de 400 hommes, armés de machettes, de sabres d’abattis, de casse-tête et quelques fusils encerclent dès leur atterrissage 4 hélicoptères transportant environ 90 gendarmes mobiles et contraignent ceux-ci à se rendre arme à la bretelle « Pour ne pas trop les humilier » confiera Elio Machoro. D’un 5e hélicoptère sortent une quinzaine d’hommes du Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN). Ceux-ci se retrouvent rapidement bloqués par un solide barrage et Eloi Machoro ordonne à l’officier dirigeant le commando du GIGN de reculer.
Dans le même temps, l’ensemble du Territoire est en situation de « pré-insurrection » : occupations de mairies, de gendarmeries, barrages sans cesse reconstruits après leur démantèlement. Du côté colonial des escadrons de gendarmes mobiles continuent d’affluer de métropole, portant leur nombre à 6 000 hommes, soit un gendarme pour 10 kanak…
Les kanak obligent le gouvernement français à enterrer son projet d’autonomie interne, véritable piège néocolonial, lèvent les barrages.
Mais le 11 janvier alors que Machoro occupe une propriété, Yves Tual, un jeune de 17 ans est tué sur la propriété de ses parents, ce qui déclenche une émeute « loyaliste » à Nouméa. Le représentant du gouvernement français, Edgar Pisani, se réfugie sur un bateau de guerre et ordonne de s’emparer de Machoro. Ce dernier encerclé, refusant de se rendre, tente d’instituer une négociation mais le 12 janvier il est abattu par le GIGN. L’état d’urgence et le couvre-feu sont décrétés essentiellement à destination des kanak, car une véritable collusion s’est installée entre les colons et les forces de l’ordre. Les gendarmes envahissent les tribus, saccagent les habitations et saisissent les armes.
Obtenant le « retour de l’ordre » le colonialisme français n’en n’avait pas fini avec la lutte des kanak. La suite des événements, y compris les plus récents, démontrent la vacuité de ceux qui croient pouvoir arrêter l’histoire.
La mort d’Eloi Machoro, celle d’Alphonse Dianou, celle de tant d’autres kanak tombés pour l’indépendance de la Kanakie, démontrent que, comme le disait Jean-Marie Tjibaou, « Le sang des morts demeure vivant. »
NBH
URL de cet article : https://lherminerouge.fr/il-y-a-40-ans-tombait-eloi-machoro-heros-du-peuple-kanak-nbh-13-01-25/