Il y a 85 ans : le premier civil fusillé par les nazis à Paris (CA.net-24/12/25)

Jacques Bonsergent, assassiné pour l’exemple dans le Paris occupé

Il est tôt, ce 24 décembre 1940 à Paris, jour du premier Noël sous la botte de fer nazie. Des affiches ont été placardées sur les murs, laconiques, écrites en français et en allemand : «Jacques Bonsergent a été condamné à mort pour acte de violence envers un membre de l’armée allemande. Il a été fusillé ce matin». Les habitants de la capitale découvrent ainsi la première annonce de l’exécution d’un civil dans le Paris occupé.

Quelques mois plus tôt, Hitler paradait dans la capitale, après que son armée ait envahi la France avec une facilité déconcertante, et soit entrée dans Paris quasiment sans tirer un coup de feu. La ville lumière vit sous couvre-feu, des années noires commencent, et la résistance est embryonnaire. Le Parti Communiste n’a pas encore lancé ses forces dans la bataille, le maréchal Pétain a obtenu les pleins pouvoirs, de Gaulle n’est qu’un obscur militaire réfugié au delà des mers, les premiers résistants sont isolés et n’ont aucune coordination.

Jacques Bonsergent n’a que 28 ans. Il est ingénieur, originaire du Morbihan, en Bretagne. Toujours proche d’une bande d’amis rencontrés lors de ses études à l’École des Arts et Métiers, il part célébrer le mariage d’un des copains le 10 novembre. La bande revient des noces vers 21 heures gare Saint-Lazare. Paris est dans la pénombre, l’armée allemande a décrété l’extinction des feux. Les jeunes gens s’en moquent, il chantent dans la rue.

Au niveau d’un bar, une altercation éclate avec des soldats allemands. Selon certains témoignages, les copains auraient croisé un sous-officier allemand ivre, qui aurait posé sa main sur la jeune mariée. Une brève bagarre a lieu, un coup de poing est donné à un soldat. Dans la confusion, Jacques s’interpose, alors que le groupe se disperse en courant. Jacques est rattrapé, il est repéré par sa grande taille, frappé, et arrêté. Les soldats disent l’avoir reconnu à cause de son manteau, mais il est identique à celui d’un ami.

Jacques est mis à l’isolement pendant plusieurs semaines, interrogé à plusieurs reprises. Il maintient qu’il n’a pas porté de coup, et qu’il a été confondu avec un autre. Mais il refuse catégoriquement de donner le moindre nom aux juges allemands. Il est condamné à mort le 5 décembre. Une peine extrêmement lourde pour des faits anecdotiques. L’occupant veut frapper l’opinion, terroriser les français. En effet, le 11 novembre, jour de commémoration de l’armistice de la fin de la première guerre mondiale, des milliers de lycéens et un petit groupe d’étudiants organisent une manifestation sauvage sur les Champs-Élysées. Alors que la population semble paralysée depuis la victoire allemande, ce cortège de jeunes est la première véritable initiative publique et collective de résistance anti-nazie. Des centaines de jeunes sont arrêtés, puis relâchés. Mais il faut faire un exemple. Un certain Jacques Bonsergent se trouve sous les verrous depuis la veille. C’est la victime expiatoire parfaite.

Alors qu’il devait être libéré sous caution, il est jugé et condamné à mort le 5 décembre. Ses amis présents le soir de l’altercation n’en ont aucune idée, l’information n’a pas été transmise. Son recours en grâce est refusé. Le 22 décembre, il écrit à son frère : «Je suis exécuté demain matin. Je suis accusé d’avoir frappé des soldats allemands alors que je n’ai que voulu m’interposer».

Le condamné à mort est accompagné jusqu’au poteau d’exécution par l’abbé allemand Franz Stock. Un commandant allemand lui demandait une dernière fois : «Dites-nous un nom et j’ai l’ordre de vous relâcher». Jacques Bonsergent répond avec sarcasme : «je ne dirai pas de nom, vous trouveriez moyen de mettre un visage dessus». Il ne balancera jamais.

Ce jour de Noël 1940 a le goût de cendre. Un rapport des Renseignements Généraux signale que «deux personnes ont été appréhendées près de la Gare Saint-Lazare» en train d’arracher des affiches allemandes annonçant l’exécution de Jacques Bonsergent. D’autres ont été lacérées dans Paris, et des fleurs sont déposées devant une affiche rue de Rennes. En tout, sept personnes seront arrêtées pour avoir retiré ces affiches. Une station de métro porte aujourd’hui le nom du défunt.

En 2025, les héritiers de Pétain et d’Hitler tiennent le haut du pavé, la disparition des générations ayant connu la guerre coïncide avec la réhabilitation du fascisme sur les réseaux sociaux comme dans les médias. L’amnésie s’installe. 85 ans après la mort de Jacques Bonsergent, les autorités européennes mettent des moyens délirants pour traquer des antifascistes accusés, comme lui, d’avoir frappé un nazi.

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Source: https://contre-attaque.net/2025/12/24/il-y-a-85-ans-le-premier-civil-fusille-par-les-nazis-a-paris/

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