
Par Julie REUX (Presse Océan)
Quatre collectifs anti carrières de sable, des opposants au futur CHU et les Soulèvements de la Terre vont converger vers le centre-ville nantais dimanche 11 juin.
« Fin de carrières 44 », c’est le nom de l’appel national lancé par les Soulèvements de la Terre pour rejoindre des luttes locales de Loire-Atlantique « contre l’industrie du béton et l’extraction de sable », ce dimanche 11 juin.
Mais, à l’origine de la mobilisation, on trouve quatre associations de Loire-Atlantique, engagées contre divers projets de carrières (lire aussi ci-contre) : la Tête dans le Sable (Saint-Colomban), Camil (Puceul), le collectif Carrière du Tahun (Guémené) et le Cri du Bocage (Soudan).
Ce dimanche, les militants souhaitent retracer dans leurs cortèges le parcours d’un grain de sable
, depuis les sites d’extraction jusqu’au centre-ville nantais. Ils y rejoindront le mouvement Hosto Debout, porté par le collectif CHU Action Santé, opposé au futur CHU.
« La fabrique de la ville, c’est aussi la destruction de la campagne »
Quel lien entre les carrières du 44, le CHU nantais et un mouvement environnemental national ? Pour grandir, les villes comme Nantes ont besoin de beaucoup de sable, et viennent le prendre chez nous , résume Sylvain Jallot, agriculteur de Saint-Colomban et porte-parole de la Tête dans le Sable.
Nous voulons souligner le fait que la fabrique de la ville, c’est aussi la destruction de la campagne, détaille Grégory, militant de Camil, contre une centrale d’enrobage à Puceul. On nous reproche souvent de nous battre contre des projets polluants seulement parce qu’ils sont proches de chez nous. Mais en élargissant le débat, on réalise que tous ces projets sont en lien avec la bétonisation à marche forcée de la métropole. Il faut arrêter de voir la campagne que comme un lieu de ressources à extraire.
Nous, on ne voit pas la couleur des projets, analyse le président du Cri du Bocage Soudanais. On voit juste des terres polluées, des camions qui passent et des terres agricoles détruites.
Côté hôpital, pour Margot Medkour (Nantes en Commun), porte-parole d’Hosto Debout, même analyse : Pensé uniquement comme un projet immobilier, le chantier du futur CHU va avoir d’énormes conséquences sur les territoires alentour. C’est là-bas que l’on va extraire les matières premières du béton, ou enfouir les déchets ».
Du local au global
Le mouvement des Soulèvements de la Terre soutient la Tête dans le Sable depuis le début. Les points de convergence sont assez évidents, constate Basile, un des porte-paroles du mouvement. Artificialisation des terres, métropolisation, atteinte à la ressource en eau, lutte contre l’accaparement des terres par le complexe agro-industriel , énumère-t-il. Les Soulèvements de la Terre apportent expérience stratégique et visibilité aux luttes locales, qui dès lors s’inscrivent dans une lutte globale pour l’environnement.
Dernier point de convergence : les méthodes de contestation utilisées. Elles mêlent action juridique (des recours contre les projets), médiatisation, mobilisations conviviales et, ponctuellement, des actions de désobéissance civile .
Désobéissance civile et convois festifs
Aucun des organisateurs ne s’avance sur le nombre de personnes attendues ce dimanche. Sur le détail des circuits, aucune information n’est communiquée, des consignes plus précises seront transmises sur place avant le départ. Le point de ralliement est fixé au miroir d’eau de Nantes, à 14 heures. Quelques « actions de désobéissance civile » sont annoncées sur le trajet, sans plus de précisions. En 2022, le collectif La Tête dans le Sable avait ainsi déversé un surplus de légumes avariés devant une entreprise maraîchère pour dénoncer le gaspillage.
Les carrières et le BTP dans le viseur des collectifs
La Tête dans le Sable : contre des extensions de carrières de sable à Saint-Colomban
Constitué en 2021, le collectif s’oppose à deux projets d’extension de carrières, portés par les groupes Lafarge et GSM. Après des enquêtes publiques (probablement à l’automne), l’avis final du préfet est attendu début 2024. Le collectif alerte sur l’impact environnemental de ces extensions, notamment pour la nappe phréatique. Mais il questionne aussi en parallèle le développement dans le territoire de Machecoul du maraîchage « intensif », consommateur d’un tiers du sable extrait.
Camil : contre une centrale d’enrobage à Puceul
En projet depuis 2018, une centrale d’enrobage (bitume) doit voir le jour à Puceul. Le projet, porté par le groupe Pigeon, a été validé par le préfet en septembre 2021, après une enquête publique, mais le chantier n’a pas encore démarré. L’association Camil a déposé des recours (non suspensifs) auprès du tribunal administratif, en cours d’instruction. Le collectif dénonce l’impact de l’installation sur l’agriculture locale, mais également son inutilité depuis l’abandon de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes.
Le Cri du Bocage : contre une carrière de sable à Soudan
Créé en 2018, ce collectif milite contre un projet du groupe Pigeon au lieu-dit la Gourbillière à Soudan. En jeu : 47 hectares de terres agricoles, dont 23 dédiés à l’extraction de 100 000 tonnes de sable par an. Le préfet doit encore délivrer l’autorisation environnementale. Les militants s’inquiètent des nuisances de l’activité, à 1 km du bourg, mais aussi de son impact environnemental, notamment pour la nappe phréatique.
Le collectif Carrière du Tahun : contre la réouverture d’une carrière à Guémené
Le groupe Pigeon projette de remettre en service une carrière fermée depuis 35 ans. 160 000 m3 d’eau seraient alors vidés, dans le but d’enfouir des déchets du BTP (de Rennes et Nantes) dans le « trou » de l’ancienne carrière. Prochaine étape : la validation préfectorale. Le collectif défend le site, un très beau no man’s land retourné à la nature
, pour le porte-parole.
Hosto Debout : contre le futur CHU sur l’île de Nantes
Ce mouvement critique le futur CHU, présenté comme un « projet purement immobilier », dont le coût (1,3 à 1,6 milliard d’euros) et les choix techniques auraient été faits au détriment du personnel hospitalier. Le chantier a démarré et le nouvel hôpital doit ouvrir en 2027, mais Hosto Debout réclame « pause » pour « repenser le projet ».
Qui sont les Soulèvements de la Terre ?
Le mouvement des Soulèvements de la Terre est né en 2021 dans la Zad de Notre-Dame-des-Landes. Objectifs : réclamer une « écologie sans transition », en dénonçant le « complexe agro-industriel », l’accaparement des terres et l’artificialisation des sols. Leurs modes d’action mêlent soutien logistique à des collectifs locaux, mobilisations d’ampleur nationale (contre les bassines à Sainte-Soline en mars, par exemple) et actions de « désarmement » (terme utilisé pour évoquer les sabotages).
Après les affrontements de Sainte-Soline, le ministère de l’Intérieur a annoncé son souhait de dissoudre le mouvement, qualifié « d’éco-terroriste ». En réaction, plus de 100 000 personnes ont signé l’appel des Soulèvements et près de 200 comités locaux se sont créés en France, dont au moins trois en Loire-Atlantique (à Nantes, Saint-Nazaire et Anetz).
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