Incendies, communes en alerte sécheresse, nappes vides… Pourquoi l’hiver 2023 fait-il craindre le pire pour l’été, Marianne (15/02/23)

Dans le Sud de la France, tandis qu’un déficit pluviométrique est observé, un certain nombre de départs de feu sont observés. L’hiver n’y peut rien : la sécheresse est déjà là. Comment l’expliquer et l’affronter ?

Il n’y a plus de saison m’sieurs dames. L’hiver est encore là mais, déjà, le feu aussi. Dans les Pyrénées-Orientales, 60 hectares de végétation sont partis en fumée le dimanche 5 février. Attisé par des vents violents, le feu s’est étendu sur plusieurs communes : Torreilles et Sainte-Marie-la-Mer. À tel point que 170 sapeurs ont été mobilisés dont une équipe spécialisée en « feu tactique ». Au même moment, dans les Bouches-du-Rhône, 230 pompiers tentaient d’arrêter un incendie s’étendant sur 130 hectares… Dans les Alpes du Sud, 43 feux de végétation ont été recensés depuis le début de l’année 2023 : 7 000 mètres carrés concernés dans les Alpes-de-Haute-Provence et un demi-hectare dans les Hautes-Alpes. Ces incendies sont-ils le signe d’une sécheresse hivernale ?

Déficit pluviométrique

Le premier point sur lequel se pencher pour répondre à cette question est l’absence de précipitations. Ce lundi 14 février, Météo-France a publié une note sur le sujet, rapportant un triste record : « Avec déjà 23 jours avec un cumul de précipitations quotidiennes agrégé à l’échelle de la France inférieur à 1 mm, le record hivernal de 1989 est battu (22 jours du 22 janvier au 12 février 1989) ». Sur les quinze premiers jours de février, le cumul de pluie au niveau national n’a atteint que 2,1 millimètres quand la normale nationale du mois de février est habituellement de 50 millimètres. Même si nous n’en sommes qu’à la moitié de ce mois, il semble que le record de la plus faible pluviométrie pour un mois de février puisse être battu cette année (9,95 millimètres). Un déficit pluviométrique particulièrement fort dans le Sud-Est, comme l’indique le dernier bilan climatique de Météo France : « Du Roussillon à la vallée du Rhône et à la région Paca ainsi que sur l’est des Pyrénées, le déficit atteint 50 à 90 % ».

Après une année qui a été la deuxième plus sèche depuis 1959, les sols étaient déjà extraordinairement secs et les nappes particulièrement vides… Sans pluie, la situation est désormais chaotique. Une situation pointée par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) dans son rapport sur les nappes d’eau souterraine publié le mois dernier : « Les pluies infiltrées durant l’automne sont très insuffisantes pour compenser les déficits accumulés durant l’année 2022 et améliorer durablement l’état des nappes. En conséquence, plus des trois-quarts des nappes restent sous les normales mensuelles avec de nombreux secteurs affichant des niveaux bas à très bas. Les niveaux sont nettement inférieurs à ceux de décembre de l’année dernière ».

D’autres conditions météorologiques ont une certaine responsabilité dans cette sécheresse. En effet, la France est depuis quelques jours confrontée à un « blocage anticyclonique ». Un phénomène que Tristan Amm, prévisionniste à Météo France, décrit dans les colonnes du Parisien comme un « bouclier qui empêche toute perturbation d’entrer ». Sous cet anticyclone, la France dans sa quasi-intégralité connaît un temps plutôt doux, comme l’explique Météo France dans sa note du 14 février : « Dans ces conditions anticycloniques marquées par des hautes pressions, les gelées sont encore fréquentes le matin, mais la douceur s’affirme de plus en plus en journée, avec des températures maximales qui sont proches des valeurs moyennes pour un mois de mars, voire d’un mois d’avril ».

El Niño de retour ?

Dans ces conditions, les restrictions d’eau essaiment sur tout le territoire. Le 9 février, comme au Pays basque, dans l’Isère ou les Pyrénées-Orientales, la préfecture des Bouches-du-Rhône, jugeant que « les signaux de sécheresse, apparus précocement en ce début d’année, continuent à s’amplifier », a par exemple pris un arrêté de « passage au stade de vigilance sécheresse sur le département, à l’exception des secteurs de l’Huveaune amont et aval qui passent dès à présent au stade d’alerte ». Une décision qui demande à 17 communes d’avoir un « usage économe de l’eau » et de « respecter les mesures de restrictions des usages de l’eau ». À savoir : interdiction pour les particuliers d’arroser leur jardin entre 9 et 19 heures, et aux entreprises de laver leurs façades et immeubles. Se dirige-t-on vers une sécheresse jamais vue l’été prochain ?

Les scientifiques le craignent. À partir de cette sécheresse prématurée, bien sûr, mais aussi à cause d’un possible retour d’El Niño. Qu’est-ce donc ? « El Niño et son pendant La Niña sont des phénomènes océaniques à grande échelle du Pacifique équatorial, affectant le régime des vents, la température de la mer et les précipitations », détaille Météo France. Problème : si La Niña refroidit les températures, El Niño produit l’effet inverse.

Un retour que le Met Office, l’institut météorologique britannique, prévoit très précisément : « Notre modèle climatique indique la fin de trois années consécutives avec La Niña, et un retour à des conditions relativement plus chaudes dans certaines parties du Pacifique tropical, peut-on lire sur son site, dans une note publiée le 20 décembre dernier. Ce changement devrait conduire à ce que la température mondiale en 2023 soit plus élevée qu’en 2022 ». Une hausse des températures qui ira de pair avec un assèchement des sols…

par Anthony Cortes

Source: https://www.marianne.net/societe/ecologie/incendies-communes-en-alerte-secheresse-nappes-vides-pourquoi-lhiver-2023-inquiete-t-il-autant?utm_source=nl_quotidienne&utm_medium=email&utm_campaign=20230215&xtor=EPR-1&_ope=eyJndWlkIjoiNTcyMTA5YjU2NmZlYzRiYWQzYTI2OTlmY2I0NjMxYTgifQ%3D%3D

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