
Le mégafeu de Ribaute (Aude), un désastre en lui-même, intervient sur un territoire déjà éprouvé par les crises viticoles et par une sécheresse sans précédent, où les flammes trouvent un terrain d’autant plus favorable.
Entretien réalisé par Olivier CHARTRAIN.
Avec le gigantesque incendie qui dévore les Corbières depuis mardi 5 août vers 16 heures, le pays cathare endure un martyre. Camplong-d’Aude, petite commune située au pied du mont Alaric, à un jet de pierre du départ de l’incendie, à Ribaute, a été épargnée de justesse par les flammes.
Mais son maire, Serge Lépine (PCF), joint mercredi matin par l’Humanité, redoute que cette nouvelle catastrophe porte le coup de grâce à ce territoire historique de la viticulture française, déjà en grande difficulté économique.
Votre commune a-t-elle été touchée par l’incendie ?
Serge Lépine, Maire PCF de Camplong-d’Aude (Aude)
Non, nous avons eu de la chance, Camplong a été épargnée. La tramontane, qui souffle terriblement depuis le nord-ouest, a poussé les flammes à toute vitesse directement de Ribaute vers Tournissan et Saint-Laurent-de-la-Cabrerisse, qui ont brûlé. C’est là qu’il y a des victimes.
D’ici je vois l’incendie, c’est très impressionnant. Je dis que nous avons eu de la chance parce que, si le vent avait été au nord, c’est vers nous que l’incendie se serait dirigé, en passant dans une zone où il n’y a que des résineux…
Vous avez eu des contacts avec les autorités, les pompiers ?
Non, pas vraiment, mais c’est normal : nous ne sommes pas touchés et ils se concentrent sur les zones directement concernées. Nous avons mis à disposition notre salle polyvalente, s’il avait par exemple fallu accueillir des réfugiés, mais, pour l’instant, ils n’en ont pas eu besoin. Toutes les communes alentour ont fait de même, d’ailleurs. Notre territoire est très solidaire.
Depuis le début de l’été, votre commune a été en quelque sorte cernée par les incendies…
Oui, en juillet, il y a eu l’incendie de Narbonne et, encore plus près, celui qui est parti de l’autoroute A61 à Douzens, juste au-dessus de nous, de l’autre côté de l’Alaric, qui avait déjà brûlé 500 hectares. Là encore, nous avons eu de la chance, le vent n’était pas orienté vers nous.
Y a-t-il une explication au nombre et à la puissance des incendies dans l’Aude et les Corbières ?
Chez nous, tout est excessif. En 1999, nous avions eu des inondations dévastatrices. Depuis quatre ans, nous vivons une sécheresse sans précédent. Car on parle beaucoup des Pyrénées-Orientales, mais ici c’est la même chose. Cet hiver, nous avons eu en tout et pour tout 200 mm de pluie !
Sur la place centrale de Camplong-d’Aude, nous avons une fontaine : elle ne coule plus. Les anciens n’avaient jamais vu ça, même pendant la Seconde Guerre mondiale, où la région avait aussi connu quatre ans de sécheresse. Nous sommes une terre viticole où désormais les vignes meurent à cause du manque de pluie.
À cela s’ajoutent, depuis les années 1990-2000, les campagnes d’arrachage des vignes, la seule solution proposée par les gouvernements et l’Union européenne aux vignerons qui ne parviennent plus à gagner leur vie.
Cette année encore, on a arraché 5 000 hectares. Mais le premier résultat de tout ça, ici, c’est que la cave coopérative des Vignerons de Camplong – une des dernières coopératives indépendantes – n’a pu produire que 5 000 hectolitres en 2024, et le résultat ne sera pas meilleur cette année.
Et, heureusement, nous avons des vignerons des alentours qui lui apportent leur raisin, parce qu’ils savent qu’elle travaille bien. Mais, en temps normal, elle produisait entre 9 000 et 12 000 hectolitres ! Il y a donc en premier lieu un désastre économique.
À cette catastrophe économique s’en ajoute une autre, écologique. Car l’autre résultat des arrachages et de la sécheresse, c’est qu’à la place des vignes, qui font d’assez bons coupe-feu, ce sont des milliers d’hectares de ronces, de pinède, de résineux qui repoussent. Et, face au feu, ce n’est plus du tout la même chose. Dès les années 1990, nos vignerons avaient prévenu qu’à ce rythme, un jour le feu irait des Corbières à la mer : nous y sommes…
Voyez-vous des solutions, des perspectives ?
Il existe un projet de grand parc agri-photovoltaïque, entre Tournissan et Ribaute, conjuguant activités agricoles et production d’électricité.
Cela peut fournir une perspective de revenus à une partie des viticulteurs. De notre côté, avec la communauté de communes de la région lézignanaise, Corbières et Minervois dont je suis vice-président, nous avons budgétisé 204 000 euros pour chercher des forages, sur quelques terres qui donnent encore, afin de pouvoir apporter de l’eau aux vignes qui souffrent le plus. Mais je veux vraiment le souligner : nous vivons une double catastrophe, écologique et économique. Notre pays se meurt !
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