Incendies : pourquoi si peu de Canadair ? (IO.fr-17/07/25)

Un habitant du quartier de l’Estaque à Marseille tente de contenir la propagation du feu vers son logement avec un sceau d’eau, le 8 juillet. (AFP)

Le gouvernement incrimine des « incivilités » pour expliquer la propagation de ces feux, alors que la population, et les pompiers eux-mêmes, s’insurgent contre les restrictions budgétaires frappant les moyens de lutte contre les incendies.

Par Gérard LUIGGI .

Des incendies ont ravagé des centaines d’hectares dans le Sud de la France (Aude, Bouches-du-Rhône) en ce début juillet. 

Après les incendies qui ont touché le Nord de Marseille, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau a déclaré : « Ces feux ça ne tombe pas du ciel, 90 % sont d’origine humaine, par conséquent le problème ce sont les comportements civiques, ce sont les négligences, ce sont donc de tels comportements qui peuvent conduire à des catastrophes. » Et enfin : « Je veux souligner l’engagement et le courage des pompiers, et la coordination des moyens aériens, qui a été un tour de force ».

Il faut en effet un sacré « tour de force » pour faire voler des Canadair vieux de trente ans, entretenus à grand-peine. La presse, relayant les déclarations de nombreux responsables du corps des sapeurs-pompiers, en a largement parlé : le matériel incendie en France est largement sous-dimensionné, malgré les annonces tonitruantes de Macron en 2022 à la suite des gigantesques incendies des Landes (il avait promis de passer de 12 à 26 Canadair). Or seuls 2 ont été commandés et ne seront livrés qu’en 2028.

Initialement destinés à se poser sur de grandes étendues d’eau douce canadiennes, les Canadair sont exploités dans les eaux salées de la mer Méditerranée ce qui accélère leur corrosion et un important travail de maintien en condition opérationnelle. « En découle une disponibilité des appareils très insuffisante » , dit le rapport parlementaire qui vient d’être publié par le Sénat le 2 juillet dernier.

Ce même rapport souligne « l’urgence de développer une filière industrielle française et européenne d’avions bombardiers d’eau ». Et il ajoute : « La location d’aéronefs afin de compléter sa propre flotte notamment lors des saisons des feux, cette politique ne doit être qu’une solution d’appoint et ne saurait se substituer à de nécessaires investissements en propre. »

Problème : en février 2024, le gouvernement dirigé par Gabriel Attal signe un décret retirant 52,8 millions d’euros au programme dédié à la Sécurité civile, contraignant ce service du ministère de l’Intérieur (de M. Retailleau) à retarder la commande des Canadair.

Le Maroc dépense comparativement dix fois plus pour ses Canadair

Le préfet de Corse, dont la région est particulièrement confrontée au risque incendie, déclare dans Corse Matin du 11 juillet : « Tous les pays européens sont confrontés au même défi ». Sans doute. Encore faut-il dire la vérité sur le nombre de Canadair détenus par ces pays : l’Italie en possède moitié plus (18) et des pays aux PIB 20 fois ou 35 fois inférieurs à celui de la France comme le Maroc ou la Croatie, en ont comparativement bien plus (respectivement 5 et 6).

Donc, c’est un choix politique.

Un Canadair, c’est environ 50 millions d’euros. Un chasseur-bombardier Rafale, c’est environ 120 millions d’euros (pour sa dernière version), auxquels s’ajoutent 4 millions d’euros par an pour son entretien, 30 millions pour son armement embarqué, et 15 000 euros l’heure de vol.

La France compte déjà 234 Rafale et Sébastien Lecornu, ministre des Armées, en a commandé 42 de plus à M. Dassault en janvier 2024, pour environ 5 milliards d’euros. Faut-il le préciser : les Rafale ne sont bien sûr pas faits pour éteindre les incendies, mais pour les provoquer.

« L’heure est aux économies. Même pour les pompiers »

Pendant ce temps, la Protection civile fait face à des restrictions budgétaires à tous les niveaux : « L’heure est aux économies. Partout. Même pour les pompiers » , confirme le lieutenant-colonel Alain Laratta, secrétaire général du syndicat Avenir Secours. « Le problème, c’est qu’aujourd’hui, les budgets alloués ne sont pas à la hauteur de l’intensité opérationnelle, qui explose. » Depuis le début de l’année, plus de 5 200 départs de feux de végétation ou de forêt ont déjà été recensés en France, d’après la Sécurité civile. Davantage qu’en 2024 à la même époque.

L’envolée des dépenses militaires s’est faite au son des envolées patriotiques, au nom de la « sécurité » des Français.

Vous avez dit « sécurité » ? Dans les Bouches-du-Rhône, faute de Canadair en nombre suffisant, 750 d’hectares de végétation sont partis en cendres, 71 habitations ont été touchées dont 10 détruites, 97 personnes blessées dont 46 admises aux urgences. Le bilan aurait pu être encore plus dramatique. Certes, pas autant que celui des plus de 100 noyés dont beaucoup d’enfants dans les inondations au Texas, autre « catastrophe naturelle » que l’impérialisme et les États à son service font subir à l’humanité. M. Trump s’est exprimé sur cette catastrophe, en fustigeant les critiques selon lesquelles les coupes budgétaires dans les services météorologiques nationaux ont porté atteinte à la fiabilité des prévisions et des alertes. Mais c’est la vérité, comme en France, où le service Météo-France est exsangue, confronté à une suppression continuelle de ses effectifs.

« Incivilité » ?

Trump et Macron le proclament et le revendiquent : l’heure est à la guerre, à l’économie de guerre, aux milliards pour le matériel militaire, pas pour sauver les peuples et leurs besoins sociaux.

Et M. Retailleau prévient : « On va vers un été à hauts risques ». Donc, ne vous étonnez pas, les feux, pardon les « incivilités » , ça va se multiplier. Ce discours trouve partout des relais : parmi eux, Jacques Attali dans son billet paru dans le journal patronal Les Échos du 11 juillet s’illustre particulièrement : « De fait, quand ce sentiment de civilité se dégrade, c’est la nation qui se dégrade ; et ne reste alors que la force et la peur pour imposer le respect des conditions du vivre ensemble : les rues des dictatures sont parfois mieux tenues que celles de bien des démocraties. »

« Incivilité » ? Sans aucun doute, la « non-civilisation », ce sont eux, Retailleau, Macron, Trump, Netanyahou. Il faut les combattre, les chasser.

Le meeting internationaliste qui va se tenir le 5 octobre à Paris, va regrouper, organiser, une importante force militante pour aider les peuples à s’engager dans cette voie.

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Source: https://infos-ouvrieres.fr/2025/07/17/incendies-pourquoi-si-peu-de-canadair/

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/incendies-pourquoi-si-peu-de-canadair-io-fr-17-07-25/

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