
Par Kaïs
À l’ombre des projecteurs, le milliardaire Pierre-Édouard Stérin construit patiemment une machine de guerre au service de l’extrême droite. Exilé fiscal en Belgique, ultra-catholique revendiqué, il finance des influenceurs, des écoles hors contrat, des médias réactionnaires et forme les futurs élus d’un gouvernement d’extrême-droite. Objectif : installer durablement une idéologie conservatrice et inégalitaire à la tête de l’État. Enquête sur un homme qui veut prendre le pouvoir… sans jamais se présenter aux élections. Notre article.
Une croisade ultra-conservatrice bien financée
Pierre-Édouard Stérin, fondateur de Smartbox, ne cache pas sa volonté de changer la société. Mais son « changement » est à sens unique : celui d’un retour aux années 1950. Avec sa fortune estimée à plus d’un milliard d’euros, il a lancé en 2021 le Fonds du Bien Commun, une fondation à l’apparence philanthropique, mais dont les financements servent principalement à soutenir des projets conservateurs : écoles hors contrat aux programmes catholiques, formation de journalistes réactionnaires, et campagnes hostiles aux droits des femmes et des personnes LGBTQ+.
Au cœur de cette stratégie : le réseau Acutis, un groupe d’influenceurs catholiques réactionnaires sponsorisés pour évangéliser TikTok, YouTube et Instagram. Le ton est moderne, le fond beaucoup moins : on y défend la soumission de la femme, la répression morale, et un rejet systématique des valeurs progressistes. L’un des visages phares du réseau, le frère Paul-Adrien d’Hardemare (voir l’enquête de StreetPress), a cofondé Acutis en 2022 avant de s’en retirer en mars 2025, dénonçant des dérives dans la gestion du réseau. Parmi les autres influenceurs soutenus figurent Yentl CG, Zeytooun, Lecathodeservice, Leana Daily, Amen Media, Mon expérience de Dieu, et le père Simon de Violet, animateur de la chaîne Catholand.
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Périclès : 150 millions d’euros pour préparer la prise de pouvoir
Mais la stratégie ne se limite pas à influencer la jeunesse. Avec le projet Périclès, Stérin entend désormais préparer l’arrivée au pouvoir d’une extrême droite formatée et professionnalisée. Ce programme, doté de 150 millions d’euros sur dix ans, se donne pour mission de former une élite conservatrice à tous les niveaux : élus municipaux, cadres administratifs, experts, communicants, juristes.
L’ambition est claire : occuper les mairies dès 2026, pour installer un réseau d’élus conservateurs sur tout le territoire. Périclès ne cache pas sa volonté d’imposer une nouvelle génération de responsables politiques formés « en rupture » avec l’héritage de 1968. Les stages proposés à ses futurs cadres mêlent apprentissage technique, endoctrinement idéologique et storytelling nationaliste. Le tout, dans une logique d’« accélération culturelle » inspirée des milieux néo-conservateurs américains.
Cette logique s’appuie sur un constat froid : une partie des institutions peut être conquise sans majorité dans les urnes, mais par le biais d’un quadrillage territorial, de l’ingénierie électorale, et d’un accompagnement professionnel de candidats soigneusement choisis. Une méthode qui emprunte davantage à la stratégie que Stérin a pratiquée dans le monde des affaires qu’au débat démocratique.
L’extrême droite institutionnelle dans la boucle
Si Stérin se défend de tout lien partisan, les faits parlent d’eux-mêmes. Son bras droit, François Durvye, est désormais conseiller économique de Marine Le Pen. Il a participé à la rédaction du programme du Rassemblement National pour les élections législatives de 2024. Et de nombreux cadres passés par la galaxie Périclès se retrouvent aujourd’hui dans les campagnes municipales du RN ou de la droite radicalisée.
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L’objectif est limpide : construire une union des droites sous pilotage idéologique, appuyée sur des moyens financiers que les partis classiques n’ont plus. Le terrain municipal est vu comme une rampe de lancement : implantation locale, discours sur la « sécurité », récupération des classes moyennes rurales, instrumentalisation de la religion. À la clef, un pouvoir institutionnalisé, prétendument propre, mais enraciné dans une vision autoritaire de la société.
Une offensive contre la démocratie
Pierre-Édouard Stérin ne se contente pas de former des troupes. Il cherche aussi à contrôler le récit. En 2023, il tente de racheter le journal Marianne, suscitant une vague d’indignation dans la rédaction. Son objectif n’était pas commercial : il s’agissait de s’assurer un levier d’influence médiatique pour diffuser les idées de l’extrême droite sous des formes plus présentables. Une stratégie bien connue : celle du cheval de Troie.
Au-delà des médias, il vise aussi à discréditer les contre-pouvoirs traditionnels : syndicats, associations, presse indépendante. Sa galaxie oppose systématiquement « la France d’en haut » à un « peuple enraciné » fantasmé, tout en étant financée par une fortune installée… en Belgique. Car oui, Stérin ne paie pas ses impôts en France. L’homme qui clame défendre les « vraies valeurs » est un exilé fiscal qui finance des campagnes contre l’impôt depuis Bruxelles. Le « bien commun » selon lui commence par la défiscalisation personnelle, et finit par l’ingérence politique d’une élite économique dans les institutions de la République.
Cette contradiction est centrale : derrière la rhétorique du « bon sens », c’est une vision oligarchique du pouvoir qui s’impose. Celle d’une minorité fortunée qui dicte au peuple ce qui est bon pour lui, tout en échappant à la solidarité nationale.
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La situation peut paraître triviale mais elle est grave : une extrême-droite moderne, riche et déterminée se structure à grande vitesse avec en toile de fond, un gouvernement Bayrou-Retailleau complice de ses idées. Périclès n’est pas un simple think tank : c’est une machine de guerre idéologique, un projet de société vertical, autoritaire et réactionnaire.
Face à cela, il convient de riposter sans attendre. Il faut alerter, dévoiler, documenter, mais aussi contre-attaquer. Le combat contre l’extrême-droite se joue sur tous les fronts : à l’école, dans les médias, sur les réseaux sociaux, dans les urnes. Ce n’est pas seulement une question électorale : c’est une bataille culturelle, sociale et morale. Un enjeu de société total.
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Source: https://linsoumission.fr/2025/04/18/pierre-edouard-sterin-extreme-droite/
URL de cet article: https://lherminerouge.fr/influenceurs-reacs-millions-deuros-liens-avec-marine-le-pen-pierre-edouard-sterin-le-parrain-invisible-dune-extreme-droite-en-croisade-li-fr-18-04-25/