Intelligence artificielle : le juge a ordonné à une entreprise de suspendre son déploiement à défaut d’avoir consulté le CSE (H.fr-18/03/25)

Par Meriem Ghenim, avocate

Alors qu’il est de nature à modifier profondément l’organisation du travail et les conditions de travail, le déploiement des outils d’intelligence artificielle dans les entreprises est souvent présenté comme une simple introduction d’outils nouveaux ne nécessitant pas une information et une consultation des institutions représentatives du personnel.

Pourtant ces outils, et notamment le management algorithmique, peuvent représenter des cas d’introduction de nouvelles technologies nécessitant une information consultation du comité social et économique au sens des dispositions de l’article L2312-8 alinéa 4 du Code du travail : « Le comité social et économique a pour mission d’assurer une expression collective des salariés. (…) Le comité est informé et consulté sur les questions intéressant (…) l’introduction de nouvelles technologies. »

C’est dans ces conditions qu’aux termes d’une ordonnance en date du 14 février 2025, le président du tribunal Judiciaire de Nanterre a ordonné à une entreprise de suspendre le déploiement d’outils d’intelligence artificielle à défaut d’avoir régulièrement informé et consulté le CSE. Ce dernier avait en l’espèce demandé à plusieurs reprises à être informé et consulté le sujet. Face au refus de la direction de satisfaire à ses obligations légales, le CSE assignait la société devant le juge des référés, estimant que l’attitude de l’employeur était constitutive d’un trouble manifestement illicite qu’il convenait de faire cesser. La société prétendait qu’il s’agissait d’une simple expérimentation ne nécessitant pas une information et/ou consultation du CSE.

Aux termes de la décision rendue, le juge des référés ordonnait à la société de suspendre sous astreinte le déploiement de l’outil, considérant que ce n’était pas une expérimentation mais une phase pilote du projet mettant en œuvre des outils d’intelligence artificielle et nécessitant l’information et la consultation du CSE.

Du point de vue des salariés, l’introduction des outils d’intelligence artificielle, notamment le management algorithmique, peut avoir des incidences très importantes en matière d’emploi, d’organisation du travail et d’atteinte aux libertés individuelles. Face à la multiplication de ces outils, il convient d’être particulièrement vigilants et exiger le respect des droits et prérogatives des institutions représentatives du personnel. Les dispositions du droit européen garantissant davantage ces droits doivent être transposées rapidement dans le droit français.

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Source: https://www.humanite.fr/social-et-economie/chronique-juridique/intelligence-artificielle-le-juge-a-ordonne-a-une-entreprise-de-suspendre-son-deploiement-a-defaut-davoir-consulte-le-cse

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