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« Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre; je ne suis pas venu apporter la paix, mais l’épée. Car je suis venu mettre la division entre l’homme et son père, entre la fille et sa mère. »
Evangile de Matthieu 10-34
Parmi les fantaisies idéologiques dont nous accablent la bourgeoisie et ses chiens de garde nous voudrions dire quelques mots sur un thème à la mode et qui a connu son apogée avant, pendant et après les Jeux Olympiques, que nous appellerons l’esprit d’apaisement. De quoi s’agit-il ? Il s’agit schématiquement, et très hypocritement, de promouvoir l’apaisement social, des relations sociales et politiques.
Les JO fédèrent, unissent et font « oublier tous les tracas. On ne nous parle pas de politique, ni de réforme, ni de parti. Il y a deux mois, c’était la fin du monde en France, et là on a l’impression qu’il y a ce sentiment d’insouciance, mais surtout ce sentiment fédérateur. »
Ces remarques du nageur Alain Bernard ont été déclinées de mille façons. De Macron à Tony Estanguet (concernant ce dernier avec plus de 22.000 euros par mois depuis 2022 on comprendra qu’il fut serein), sur toutes les chaînes de télé, sur toutes les radios, bref tous les médias publics et privés ce fut la même rengaine.
Si on réfléchit un tant soit peu au sens de ce discours et qu’on essaye de le traduire que nous dit-il ?
Il faut une dictature. En effet « pour ne plus parler politique, partis et réformes » rien de mieux qu’une bonne dictature. Nous savons bien que les pires dictatures fascistes ont eu une base de masse. Au Chili quand Pinochet renverse l’Unité populaire ils sont nombreux ceux qui sont soulagés: plus de grèves, de manifestations, d’affrontements entre la gauche et la droite, du MIR contre « Patrie et Liberté ». Bref l’Ordre. On aspire à ce qui cache, enterre les conflits qui traversent la société, à ce qui tient un discours d’union nationale par définition fallacieux. Nous sommes tous sur le même bateau, « il n’y a pas de politique de droite ou de gauche, il n’y a que de la bonne ou de la mauvaise politique » (Tony Blair).
Dépolitisation donc destruction de la démocratie car il n’y a pas de démocratie sans la politique qui en est le coeur battant. Apolitisme revendiqué comme si « l’analphabétisme était une vertu ».
L’unité pour nier les conflits d’intérêts, la lutte de classe, les féminicides, le pillage et la destruction de la nature. Comme si se « fédérer » avec Bernard Arnault ou Vincent Bolloré avait un sens. L’unité n’a de sens que lorsqu’elle se fait pour quelque chose. En soi elle ne veut dire que panurgisme des troupeaux que l’on mène aux abattoirs. La division dans la société n’est pas un concept c’est un fait.
« Oublier les tracas, le sentiment d’insouciance » quand des miliers de Palestiniens, d’enfants, de femmes et d’hommes, sont pulvérisés par les bombes israéliennes à trois heures d’avion de la vasque olympique. Non l’autruche n’évite pas le danger en plongeant sa tête dans le sable. Le tracas du monde empêchera le pire à condition que nous l’écoutions, le comprenions et le transformions en lutte pour un peu plus de justice, par exemple, pour le cessez-le-feu en Palestine ou une meilleure répartition des richesses, ici et partout.
Et rappelons tout de même qu’en 1936 quand les crétins de l’époque célébraient l’olympisme à Berlin, les communistes étaient assassinés et torturés depuis 3 ans dans le camp de Dachau. C’est vrai qu’en Allemagne on n’y parlait plus de « politique, partis et réformes ». C’était enfin l’unité : « ein volk, ein reich, ein führer ».
Quand on est une femme ou un homme libre il faut laisser l’insouciance à l’enfance. Car comme nous l’a dit le vieil Hugo « ceux qui vivent sont ceux qui luttent ». Tant pis pour la tranquillité de ceux qui ne pensent qu’à leur pomme sans d’ailleurs avoir la garantie qu’une mitraillette un soir d’été ne les fauche à la terrasse d’un café.
Apaisement…Lui aussi, Neville Chamberlain voulait « l’appeasement » avec Hitler. Et nous avons eu la guerre.
Le Christ, encore un qui emmerdait son monde, troublait tant l’unité et l’insouciance (de l’Empire et de ceux qui acceptaient le monde tel qu’il était) qu’on finit par le crucifier, n’opposait pas la paix à la guerre, mais la paix à l’épée. C’est-à-dire à la lutte. Car il n’y a pas de paix sans justice et pas de vie ni d’espérance sans contradictions, tracas, partis, politique et réforme.
Concluons avec Héraclite, ça nous changera d’un nageur écervelé, et de l’apprenti dictateur, « Le combat est père de toutes choses. »
Antoine Manessis
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