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Plusieurs Bourses mondiales – Paris, New York, Tokyo – ont décroché en début de semaine au point de faire souffler un vent de panique sur les marchés financiers. Dominique Plihon, économiste et membre d’Attac, revient sur ces chutes et analyse cette période « d’instabilité ».
Entretien réalisé par Samuel EYENE.
Les marchés financiers ont des sueurs froides. Lundi 5 août, la baisse des indices boursiers a touché toutes les grandes places financières du monde, à l’image de la chute vertigineuse de la Bourse de Tokyo. L’indice principal, le Nikkei y annonçait une chute de 12,4 % (sa pire dégringolade en nombre de points de son histoire) tandis que la Bourse de New York concluait sur une descente brutale : deux de ces trois principaux indices ont connu leur pire séance en deux ans.
En Europe, les marchés ont suivi la même trajectoire, mais avec une intensité moindre. Le CAC 40 et le DAX allemand ont fini la journée en repli de 1,42 % et 1,82 %. Des exemples inquiétants qui sèment un vent de panique sur les marchés et dans la presse spécialisée. Faut-il pour autant entrevoir les prémices d’une crise financière majeure ? Dominique Plihon, membre des Économistes atterrés et du conseil scientifique d’Attac, livre ses projections.
Comment expliquer les inquiétudes qui montent sur les marchés financiers depuis plusieurs jours ?
Il y a trois facteurs principaux. Le premier, c’est l’annonce que l’emploi se portait mal aux États-Unis. Cette incertitude sur l’évolution des prochains mois de l’économie américaine mêlée à un risque de récession a probablement fait office d’éléments déclencheurs.
Le deuxième facteur concerne les chamboulements dans les nouvelles technologies, notamment l’intelligence artificielle. Énormément d’investissements ont été réalisés dans ce secteur par les financeurs, créant une sorte de bulle spéculative sur l’intelligence artificielle (IA). Toutes les valeurs technologiques ont considérablement augmenté créant, aujourd’hui, une inquiétude parce que les résultats de ces énormes investissements tardent à se faire ressentir.
Conséquence : certains investisseurs n’hésitent pas à revendre leurs parts. Dernier exemple en date, Warren Buffett, un des principaux investisseurs américains, a vendu la moitié de ses titres d’Apple. Rappelons que cette entreprise américaine a, comme Google et d’autres, investi massivement dans l’IA.
Et puis, le troisième facteur, c’est le contexte géopolitique. Le monde entier est plongé dans une phase d’incertitude majeure avec la guerre en Ukraine qui se prolonge. Quant au Moyen-Orient, la situation risque de s’intensifier avec la riposte de l’Iran aux attaques israéliennes. Ces conflits dont personne ne connaît l’issue créent des inquiétudes sur les conséquences qu’ils peuvent engendrer sur le marché des matières premières.
Peut-il s’agir des prémices d’une crise financière majeure ou bien l’emballement vous paraît un peu précipité ?
Je ne pense pas qu’on puisse parler de crise. Pour le moment, rien de semblable à ce qui s’est passé, par exemple, en 2007 et 2008 avec la crise des subprimes. Mais il est plus judicieux d’y apercevoir le début d’une phase d’instabilité financière durable qui risquerait de secouer les États-Unis, l’Europe et d’autres grandes puissances mondiales, y compris des pays comme la Chine. Dans ce contexte, je préfère parler d’une phase durable d’instabilité financière tant que les éléments d’incertitude que j’ai mentionnés se maintiendront.
Dans le cas où nous en arriverions à une crise, quels seraient les points de vulnérabilité de la finance ? Les cryptomonnaies, par exemple ?
Les cryptomonnaies sont, en effet, un secteur éminemment spéculatif. Et donc il peut y avoir des faillites. Mais je ne crois pas, même si elles subissent à nouveau des soubresauts très graves, que ce soit de nature à conduire à une crise globale. Leur effondrement n’y contribuerait pas non plus.
En revanche, s’il y a des banques ou de grands fonds d’investissement, comme BlackRock, qui traversent des difficultés, alors la situation serait bien plus grave. Mais nous n’en sommes pas là. Je ne vois pas les signes d’une faillite ou de défaillance majeure. Mais, attention, ce n’est qu’une hypothèse.
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