La Chine refuse l’encerclement des USA. (Investig’Action – 06/10/24)

Par Saïd Bouamama

Non contents d’alimenter une guerre régionale au Moyen-Orient, les USA continuent d’énerver la Chine. Dans l’indopacifique, les « fins stratèges » US cherchent à « contenir » la première puissance économique mondiale via un encerclement militaire dont les Philippines sont l’un des pivots. Réponse des Autorités chinoises : un tir de missile hors de leur territoire, ne faisant aucune victime ni destruction. Néanmoins, le signal est clair : la Chine ne se laissera pas cornaquer par l’impérialisme US sans réagir… (I’A)

Notre chronique précédente était consacré à la guerre au Liban qui se situe dans une région constituant une nœud stratégique mondial. La région indopacifique constitue, indéniablement, un second nœud stratégique mondial.

L’indopacifique désigne l’aire géographique s’étendant de l’océan Pacifique à l’Océan Indien. Il constitue une des voies commerciales les plus importantes de la planète et recèle les principales réserves de la croissance mondiale. Ainsi, par exemple, les prévisions soulignent que l’indopacifique devrait constituer près de 60 % du Produit Intérieur Brut Mondial à l’horizon 2030.

Depuis Donald Trump, la notion d’indopacifique est explicitement reliée à une stratégie assumée dite de « China containment » ou d’endiguement de la Chine. Pour ce faire, les Etats-Unis s’appuient sur le QUAD ou dialogue quadrilatéral pour la sécurité, réunissant les Etats-Unis, le Japon, l’Australie et l’Inde et comprenant des accords stratégiques et des exercices militaires communs.

Un document du ministère français des Affaires étrangères présentait, comme suit, les enjeux de cette région en février 2022 : « L’Indopacifique s’impose de plus en plus comme l’espace stratégique du XXIème siècle. La montée en puissance de la Chine a bouleversé les équilibres traditionnels. Alors qu’un certain nombre de menaces persistent (prolifération nucléaire, criminalité transnationale organisée, terrorisme djihadiste, piraterie, pêche illicite…), la compétition sino-américaine s’intensifie et génère de nouvelles tensions ».

Le Pacifique militarisé


En avril dernier, les Etats-Unis ont obtenu des Philippines un accord pour le déploiement d’un nouveau système de missile à moyenne portée, appelé « Typhon », capable de lancer des missiles de croisière Tomahawk et des missiles antibalistique dit SM 66. L’installation immédiate de Typhon dans le Nord des Philippines – plus exactement dans l’île de Luzon – indique nettement les cibles potentielles de ces armes ; cette île se situant à environs 320 kilomètres de Taïwan.

Commentant cette installation, l’Etat-major états-unien expliquait dans un communiqué que « le déploiement du système Typhon aux Philippines est un jalon important qui démontre la croissance de l’interopérabilité, de la préparation et des capacités de défense en coordination avec les forces armées philippines ».

En dépit des réactions négatives de la Chine et de la Russie dénonçant la montée des dangers de guerre que constituent ces missiles, le conseiller philippin à la sécurité nationale, Eduardo Año, a annoncé, le 20 septembre, que le gouvernement philippin prévoyait une durée illimitée pour la présence de ces armes sur son territoire : « Le système de missile Typhon est durablement installé aux Philippines. Il n’y a aucun calendrier de retrait dans la mesure où nous avons besoin de ces installations à des fins d’entrainement ».

Cette décision fait des Philippines un des acteurs-clé de sa stratégie d’endiguement de la Chine; c’est-à-dire d’isolement et d’encerclement de ce pays. Rappelons qu’en 1961, les Etats-Unis ont failli faire sombrer le monde dans un conflit nucléaire en considérant que l’installation de missiles soviétiques à Cuba menaçait leur sécurité. Rappelons également que la distance entre Cuba et les Etats-Unis est du même ordre de grandeur que celle entre la Chine et les Philippines… Décidemment, le double standard est une habitude à Washington.

Des réactions logiques attendues


Comme cela était prévisible, les réactions chinoise et russe ne se sont pas fait attendre. Le Vice-ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Ryabkov, a ainsi déclaré dans une conférence de presse, le 20 septembre :

« Si les missiles américains à moyenne et courte portée ne sont pas transférés des Philippines vers les États-Unis, la Russie prendra toutes les mesures militaires nécessaires pour contrebalancer […] Sur la base de l’évaluation de la situation et de l’analyse des experts, nous prendrons toutes les décisions nécessaires [….]  Nous prendrons toutes les mesures pratiques nécessaires, y compris l’établissement direct d’un équilibre dans le domaine militaire ».  

Le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, a également avertit que le maintien des missiles états-uniens dans la région ne peut qu’entraîner une course aux armements dommageables pour tous les peuples de la région : « Le déploiement de missiles américains aux Philippines fragilise la paix et la stabilité régionale. Un tel déploiement n’est pas dans l’intérêt des pays et des peuples de la région ».

Le site d’infos chinois Global Times choisit de résumer, en ces termes, la position du gouvernement chinois : « À l’heure actuelle, les Philippines pensent que les États-Unis leur offrent des bonbons, mais ce que les États-Unis fournissent réellement, est toxique, empoisonnant les relations des Philippines avec la Chine et d’autres pays de la région ainsi que sapant la paix régionale ».

Passant des paroles aux actes, le gouvernement chinois a pris la décision d’effectuer, dans la nuit du 24 septembre, un tir de test de missile balistique intercontinental dans le Pacifique. Ce missile, qui n’emportait avec lui qu’une ogive factice, a été lancé de l’île de Hainan et s’est écrasé 11 700 kilomètres plus loin dans la mer. Certes, ce type d’exercice de la part de la Chine n’est pas nouveau mais d’habitude les tests étaient réalisés sur son propre territoire.

Message politique clair


L’opération a été présentée, comme suit, dans un communiqué de l’Armée populaire de Libération : « La Force des fusées de l’Armée populaire de libération a lancé avec succès le 25 septembre à 08 h 44 (00 h 44 GMT) en haute mer dans l’océan Pacifique un missile balistique intercontinental transportant une ogive factice d’entraînement. Il est tombé avec précision dans la zone maritime prédéterminée. Ce lancement de missile fait partie du programme annuel d’entraînement de routine de la Force des fusées. […] est conforme au droit et aux pratiques internationales et ne vise aucun pays ou cible spécifiques ».

En avertissant à l’avance les Autorités états-uniennes et françaises de cet essai, en décidant de le réaliser hors de son territoire et en le réalisant rapidement après l’annonce du maintien des missiles états-uniens aux Philippines, Pékin délivre un message politique clair : celui de sa détermination à réagir à la politique de containment états-unien.

Que ce soit au Moyen-Orient ou dans l’indopacifique, les dangers de guerre généralisée croissent considérablement. Plus que jamais le besoin d’un vaste mouvement populaire de la paix est une question posée et à résoudre.


Saïd Bouamama


Pour aller plus loin :

Chinese FM Criticizes US Missile Deployment in the Philippines, Sebastian Strangio, The Diplomat, 30 septembre 2024.

La stratégie française dans l’Indopacifique – mise à jour en février 2022ministère français des Affaires étrangères.


Source : https://investigaction.net/la-chine-refuse-lencerclement-des-usa/

URL de cet article : https://lherminerouge.fr/la-chine-refuse-lencerclement-des-usa-investigaction-06-10-24/

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