
La parole à Gérard Bauvert, président d’honneur du Comité international contre la répression (Cicr), pour la défense des droits syndicaux et politiques.
Par la rédaction d’IO
Bientôt 9 mois que Christian Tein et ses camarades sont en prison, où en est-on de la campagne ? Quelle est la situation ?
Gérard Bauvert : Plusieurs centaines de militants de différents horizons ont répondu à l’appel que nous avons publié, qu’il s’agisse de députés et dirigeants de LFI, de responsables kanak en France, du comité de défense des prisonniers, de militants syndicalistes à titre individuel, des intellectuels…
Sans oublier les principaux dirigeants syndicaux de Guadeloupe et de Martinique. C’est très important. Il y a également des initiatives locales organisées par le comité de défense des prisonniers, leur entourage devant les prisons de l’Hexagone.
Plusieurs organisations y participent et bien entendu partout où ils le peuvent, les membres du Cicr y sont. Nous avons organisé avec des signataires de l’appel une conférence de presse à la Bourse du travail de Paris qui a été relayée. En ce qui concerne les démarches auprès du ministère de la Justice, aucune réponse ne nous est parvenue. C’est un cynisme abyssal pour ne pas dire plus.
Et maintenant ?
G. B. : Nous avons à faire à la raison d’Etat, les militants ont été de fait kidnappés, menottés, mis dans des avions et incarcérés à 17 000 km de leur foyer. Constatons qu’alors qu’un certain nombre de discussions ont lieu, le président du FLNKS, Christian Tein, croupit dans une prison à Mulhouse, de même pour ses camarades, dispersés sur tout le territoire du territoire français.
Cela rappelle ce qui s’est passé en son temps avec Toussaint Louverture et depuis, ces pratiques de l’Etat colonial n’ont jamais cessé (déportation de militants indochinois, algériens, guadeloupéens, martiniquais, guyanais, réunionnais et d’autres).
Pour ses œuvres de basse police, l’Etat colonial jouit de la complicité des médias. Après les calomnies d’usage au début du rapt, un mur de silence est édifié autour des prisonniers qui trouve des relais grâce à diverses complicités. C’est le mot qui convient. Beaucoup préfèrent regarder ailleurs.
Détenir des prisonniers politiques, des militants, au secret depuis 9 mois est un acte de despotisme avéré qui n’a rien à envier à certains régimes dictatoriaux. J’observe que ces régimes sont régulièrement dénoncés par de nombreuses organisations, des personnes de renom et à juste titre.
Mais quel silence quand il s’agit des exactions du système colonial français ! On l’a d’ailleurs vu, pour mémoire, avec l’agression dont a été victime Elie Domota, leader du LKP, il y a trois ans de la part de la gendarmerie en Guadeloupe.
Nous refusons la criminalisation du combat politique qui n’est qu’un prétexte pour se débarrasser des opposants. Le Cicr, qui existe depuis 50 ans, ne s’est jamais incliné devant la raison d’Etat, quel que soit cet Etat. Au cours des décennies, nous nous sommes mobilisés sur tous les continents sans exception. Cela avec des moyens très limités.
Alors, nous allons amplifier la campagne pour la libération de Christian Tein et des emprisonnés du CCAT (Comité de coordination des actions de terrain). Nous renouvelons notre appel aux forces politiques, démocratiques, aux organisations du mouvement ouvrier, à tous ceux qui refusent d’abdiquer.
Chacun devrait se rendre compte qu’en défendant Christian Tein et ses camarades, nous nous défendons nous-mêmes, nous défendons notre propre liberté. A un moment où les ardeurs guerrières se manifestent ouvertement, dangereusement, où les menaces se précisent, refuser la raison d’Etat pour les prisonniers politiques kanak, c’est à l’évidence nous protéger nous-mêmes de l’arbitraire qui ne cesse de croître.
Par conséquent, nous continuons et nous avons l’intention de nous faire entendre par les autorités coloniales françaises en l’espèce par le ministre de la Justice. La défense des prisonniers politique kanak n’est pas une option. C’est un devoir sacré. Leur place est chez eux en liberté. Le peuple kanak et lui seul a le droit suprême et imprescriptible de choisir son chemin.
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