
Près de 200 personnes se sont réunies, vendredi 19 janvier 2024, à la mosquée de Morlaix, en réponse à l’appel de l’association Ti Salam. Peur, surprise ou résignation, les émotions se bousculent au sein de la communauté musulmane après la tentative d’incendie.
Par Maëlle DENIS.
« Stop à la haine », « Non à l’islamophobie ». Ce vendredi 19 janvier 2024, près de 200 personnes se sont rassemblées à partir de 14 h 15 à la salle de prière du pays de Morlaix, route de Callac, à Saint-Martin-des-Champs. Représentants des autres cultes, soutiens politiques, syndicaux ou associatifs et habitants se sont réunis autour de la communauté musulmane pour témoigner leur soutien.
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Comment se sentent les fidèles de la mosquée du pays de Morlaix une semaine après la tentative d’incendie ? Entre peur et surprise, jeunes et moins jeunes, hommes et femmes, racontent.
« J’avais un peu peur de venir aujourd’hui »
« On ne connaît pas les motivations de l’individu, mais je suis plutôt étonnée. Je suis convertie depuis dix ans et Morlaix c’est plutôt tranquille. On m’a déjà dit « Rentre chez toi ! » en voyant mon voile, je suis de Brest, donc bon… Mais on n’a vraiment pas de problème au quotidien, indique Mélanie, 36 ans, de Morlaix.
Ce qui m’a interpellée, c’est que la mosquée est vide 80 % du temps, et samedi, il est venu pendant la prière du matin. On est sur un acte, au-delà du bâtiment, qui porte sur les gens. Ce n’est vraiment pas anodin. Je dois dire que j’avais un peu peur de venir aujourd’hui, que ça puise attiser de la colère. »
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« Que ce soit une mosquée ou une école, l’acte est inadmissible »
« Je n’ai pas de crainte particulière après ce qu’il s’est passé samedi. On a toujours su que cette haine existait. Mais en venir à agir, c’est dommage, souffle Mélinda, 35 ans, de Morlaix.
On a tous le droit de ne pas être d’accord, mais on n’est pas obligé d’attaquer. Que ce soit une mosquée, une école, une maison de quartier, l’acte est inadmissible et nul. »
« Malgré la peur, je continuerai à venir »
« Je ressens principalement de la peur, j’aurais pu être là samedi matin. Une fois sorti de l’effroi, on se dit qu’heureusement il n’y a pas eu de dégâts, mais des vies auraient pu être détruites. On n’est plus en sécurité alors qu’il ne s’est jamais rien passé de particulier ici, rappelle Adam, 22 ans, de Saint-Martin-des-Champs.
Avec ce rassemblement, on ne se sent pas seuls. Des gens sont avec nous et nous soutiennent. Malgré la peur, je continuerai à venir. »
« Ni étonné, ni choqué »
« Ni étonné, ni choqué que ce type d’acte arrive dans avec le climat actuel. On entend parler des musulmans toute la journée dans certains médias… Ce qui nous dégoûte, c’est que la tentative d’incendie ne soit pas qualifiée de terroriste. Il y avait du monde à l’intérieur !, lâche Djaba, 30 ans, de Morlaix.
On se dit que l’espoir n’est pas perdu quand on voit le monde qu’il y a là aujourd’hui. On est content de voir cette France qui nous soutient, une France pas si minoritaire. »
« La gravité de l’acte me touche »
« La gravité de l’acte me touche. J’ai parfois été victime de regards insistants, du fait de mon voile, mais cet acte reste pour moi quelque chose d’isolé, confie Hannah, 29 ans, de Lannion.
Quand on voit certains discours d’incitation à la haine… Ce n’est pas mon quotidien, ces discours sont coupés de la réalité. Pourtant on voudrait nous faire croire que la population française est foncièrement raciste, ce n’est pas du tout le cas. Aujourd’hui, je me sens rassurée, on a le sentiment de ne pas être seuls. »
« J’ai peur pour moi et pour mes filles »
« Je suis en Bretagne depuis dix-huit ans, j’étais dans le Sud avant. Depuis quelques années, tout a changé, notamment le regard des gens, constate Amina*, 45 ans, de Saint-Martin-des-Champs.
En stage dans une chocolaterie, ma fille de 18 ans a fait face à une personne qui a refusé qu’elle la serve à cause de son voile. Ma fille de 14 ans est revenue du collège lundi en me disant que des jeunes se réjouissaient de ce qu’il s’est passé samedi matin. Je suis veuve, j’ai peur pour moi, pour elles. »
*Prénom d’emprunt
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