« La Meute » : Mélenchon, le Grand Méchant Loup ? 3/3 (LGS-25/05/25)

Par Plinthe CONTREX .

Le principal argument du livre est aussi sa faiblesse : 200 témoignages dont plus de la moitié se font sous anonymat. Or, quelle valeur informationnelle donner à la parole d’un témoin inconnu ?

On nous dit que la parole doit être entendue, qu’on ne peut la mépriser, au risque de mépriser la souffrance qu’elle charrie avec elle. Soit, mais on aura des critiques à formuler sur cette méthode, prégnante dans ce travail d’enquête. Alors écoutons-la, cette parole, et donnons-lui d’abord un contexte et un visage. Des visages. Tous et toutes ont croisé Mélenchon au cours de sa carrière politique. Beaucoup l’ont connu au Parti Socialiste et suivi au Parti de Gauche, certains ne l’ont rejoint qu’au PG puis se sont engagés à ses côtés dans l’aventure France Insoumise. La plupart de celles et ceux qui « parlent » aujourd’hui dans La Meute ont vécu avec lui une rupture politique et/ou affective et en ont gardé une certaine amertume voire de la rancoeur, soit parce qu’ils ont subi le mépris, le courroux et parfois la violence verbale du Vieux, soit parce qu’ils conservent de cette rupture un sentiment d’injustice. Mais les circonstances et les motifs derrière ces ruptures sont systématiquement éludés par Pérou et Belaïch pour la simple et bonne raison qu’ils permettraient alors de comprendre en profondeur au lieu de faire passer l’idée que le problème exclusif, ce serait le tempérament brutal de Mélenchon.

À quelques exceptions près – l’affaire des comptes de campagne pour laquelle les journalistes se sont contentés de recracher les éléments présents dans le dossier judiciaire en se gardant bien d’en préciser les conclusions partiellement rendues par la justice et l’affaire Quatennens qui a largement défrayé la chronique à l’époque – ce livre s’appuie essentiellement sur ces témoignages individuels. Un tel raz-de-marée de témoignages, pour beaucoup anonymes, que cela rend fastidieux à la fois la lecture et le tri informationnel. Toutefois, lorsqu’on parvient aux deux-tiers du livre, et si on prend un peu de recul, comme une œuvre pointilliste face à laquelle la distance éclaircit le regard, on s’aperçoit que de la forêt dense de ces paroles se détachent quelques voix redondantes.

Précédemment, on a vu que les ombres de Raquel Garrido et Alexis Corbière planaient au-dessus de ce livre, comme au-dessus du Complément d’enquête sur la France Insoumise. Afin de remettre leur parole en perspective, on a expliqué dans la deuxième partie les circonstances de leur scission d’avec la France Insoumise et de leur divorce politique fracassant d’avec Mélenchon. Il ne s’agissait pas de nier leur parole mais de lui donner un peu de contexte pour permettre une évaluation plus juste de sa portée. À la vérité, leur départ forcé de la France Insoumise a davantage à voir avec des trahisons répétées qu’avec, comme le prétend La Meute, la prétendue instabilité caractérielle de Jean-Luc Mélenchon ou d’une quelconque paranoïa mégalomaniaque. Clémentine Autain, qui est montée d’elle-même dans la charrette des condamnés pour mieux se draper de leurs oripeaux et qui était rompue aux fourberies post-électorales, ainsi qu’Hendrik Davi et Danielle Simonnet (dont la disgrâce est peut-être celle qui est objectivement la plus injuste parce qu’étant sans doute le fruit de rivalités internes) font, avec le couple Corbière-Garrido, partie de la chorale des « purgés » qui vocalise dans La Meute.

Mais il y a un autre groupe très loquace face aux sollicitations des deux journalistes qui a constitué dans la jeune histoire de la France Insoumise une première forme de dissidence en son sein. Il faut remonter à l’année 2019, année charnière de la doctrine insoumise. Depuis 2017 et l’émergence de la FI comme nouvelle force politique de gauche, la ligne populiste, souverainiste et laïciste du mouvement était portée par François Cocq et Georges Kuzmanovic. Fin 2018, un groupe d’appui parisien de la FI baptisé Groupe « JR Hébert », du nom d’une figure de la Révolution française, projette une soirée-débat sur le thème de « l’entrisme islamiste dans le mouvement syndical ». Face au tollé que provoque ce projet de débat au sein des instances de la FI, le groupe, dont fait partie le père de Georges Kuzmanovic, maintient son organisation ce qui se conclut par l’exclusion immédiate du groupe d’appui. En désaccord avec cette décision, Georges Kuzmanovic quitte la FI, suivi quelques semaines plus tard par François Cocq, pour des divergences similaires. À noter qu’Hélène Franco quittera elle aussi la FI en juillet de la même année après l’échec aux élections européennes et, l’année suivante, elle actera ses désaccords avec le Parti de Gauche, notamment pour la participation à la manifestation contre l’islamophobie de novembre 2019.

Cette séquence a marqué un tournant doctrinal à la FI qui s’est traduit par l’entérinement de la ligne consistant en l’abandon du populisme, le renvoi à l’arrière-plan de son euro-scepticisme et la mise en avant de la lutte anti-raciste face au renforcement de l’extrême-droite en France mais aussi en Europe. Le propos n’est pas de prendre position devant ces choix mais encore une fois de remettre en contexte une parole critique et en question l’impartialité de celle-ci. Georges Kuzmanovic et François Cocq prônent aujourd’hui un rapprochement transpartisan avec les souverainistes d’extrême-droite tels que Florian Philippot et Nicolas Dupont-Aignan. En aucun cas donc, leurs témoignages ne peuvent être dissociés d’une remise en contexte et c’est par commodité que Pérou et Belaïch ne la font pas, ce qui est récurrent au cours de leur enquête.

Il convient peut-être de jeter un regard objectif sur quelques-uns de ces témoignages et interroger leur valeur signifiante. Fut-ce au risque de se faire accuser de picorage (cherry-picking).

En 2022, lorsque la NUPES voit enfin le jour, un grand meeting est organisé à Aubervilliers. Mélenchon, qui va serrer quelques mains, croise Guedj et son fils qu’il a connu enfant. « T’as grandi ! » sourit-il à l’adolescent, une main sur l’épaule. Guedj sent les larmes monter mais Mélenchon, encore une fois, le salue comme un anonyme. Toutes les mains tendues resteront sans réponse. Mélenchon est trop loin pour les états d’âme. « Feu sur le quartier général ! », lance-t-il en reprenant l’un des slogans de la révolution culturelle chinoise, l’appareil socialiste en ligne de mire. (La Meute, Chapitre 4)

Cet extrait est un condensé de ce qui ne va pas dans La Meute : surinvestissement dans l’émotion, portrait d’un Mélenchon en mode empereur inspectant ses troupes, froid et admiratif des régimes autoritaires, arrangement avec la réalité pour les besoins de la narration. En effet, « Feu sur le quartier général ! » n’a pas été prononcé en 2022, mais le 19 octobre 2002 au Conseil national du Parti Socialiste.

Ce n’est pas une oraison funèbre mais un appel au combat militant qui provoque un malaise dans l’auditoire. Huit ans plus tard, avant de mourir, Bernard Pignerol préviendra ses amis : « Ne me faites pas l’enterrement de Delap. » Delapierre, lui, voulait cet enterrement politique. Ses proches s’étonnent tout de même de voir une partie de sa vie militante négligée. Sur les photos qui défilent sur l’écran géant installée devant le crématorium, ils cherchent les images de son passé à l’UNEF, à la FIDL ou à SOS Racisme. Adolescent, il y militait déjà en short et sandales. « François a été plus longtemps dans les orgas de jeunesse qu’avec Mélenchon » s’agace Frédéric Hocquard. « Il n’y avait qu’une photo avec son badge SOS. C’est une réécriture de l’histoire. » (La Meute, Chapitre 5)

Est-ce qu’ici les journalistes, qui vont jusqu’à accuser à demi-mot Mélenchon d’instrumentaliser pour son propre compte jusqu’à la mort de son meilleur ami, ne tendraient pas la main à Ariane Chemin, autrice, en mai 2017, deux ans après les funérailles de Delapierre, d’un portrait de Mélenchon dans les colonnes du Monde ? L’essayiste y décrivait de manière étrangement réminiscente une cérémonie aux relents… sectaires. Autre bobard facilement vérifiable sur Wikipédia : Delapierre a commencé sa carrière militante en 1986 et il a connu Mélenchon en 2000. Il est donc faux d’affirmer qu’il a « été plus longtemps dans les orgas jeunesse qu’avec Mélenchon ».

Pendant la « Guerre des étoiles », dans les années 1980, alors que les Étasuniens veulent ruiner l’URSS en l’entraînant dans une dispendieuse course aux armements, certains agents du KGB mettent en garde : il faut ralentir les dépenses. Mais le régime n’a pas envie d’entendre et les Cassandre sont licenciés. Ceux qui restent commencent donc à écrire de faux rapports, qui confortent le pouvoir, jusqu’au moment où tout s’effondre. « Quand les gens ont peur, ils s’autocensurent et ils finissent par y croire, analyse ce militant. Un jour, Mélenchon va se prendre la réalité en face et va dire :  » Mais pourquoi vous m’avez menti ?! Il fallait me dire la vérité !  » C’est le propre des autocrates : quand ils tombent, ils n’ont rien vu venir, ils ne comprennent pas ce qu’il s’est passé. » (La Meute, Chapitre 11)

Derrière les approximations historiques, on retrouve la volonté de dépeindre Mélenchon en faisant appel à l’anticommunisme primaire du lectorat. Un témoignage anonyme et non daté qui suppute mais qui ne dit rien d’autre que ça : Mélenchon est un autocrate qui n’écoute pas ses collaborateurs qui lui mentent parce qu’ils ont peur de lui.

« Ce sont des clones », se désole Luce Troadec une militante du Nord qui a quitté le mouvement. Avant d’être élus députés, certains avaient encore la distance nécessaire pour être critiques. « Mais au bout de deux ans enfermés à l’Assemblée, ils ne se rendent pas compte de ce qui se passe à l’extérieur. Ils se montent la tête, ils ont l’impression que le pays est au bord de la révolution ». Ils ont, aussi, le sentiment d’être des victimes, lâchés par le reste de la gauche, persécutés alors qu’ils détiennent une vérité à laquelle les autres n’ont pas accès. Une histoire de foi. Des croyants. « Ils sont comme lobotomisés, c’est le mot », raconte une collaboratrice parlementaire. (La Meute, Chapitre 12)

Il faut faire ici le tri dans des paragraphes qui mélangent citations de témoins et commentaires des auteurs. C’est une confusion entretenue tout le long du livre et qui rend sa lecture malaisée. On entrevoit l’extrême pauvreté argumentaire de l’objet dans une enquête qui tient plus de la collecte de persiflages que de l’analyse en profondeur.

« Moi aussi, je suis dans la secte, explique un député historique en 2024. Là, j’hésite à partir, mais je vais peut-être le croiser, parler avec lui et retomber dans le truc. C’est pour ça que je l’évite. Il y a toujours une part de moi qui se dit : si ça se trouve, la prochaine fois, c’est la bonne, peut-être que c’est lui qui a raison. » Un an plus tard, il est toujours à l’intérieur, toujours insoumis. (La Meute, Chapitre 12)

Un autre exemple de ce que sont les témoignages anonymes qui pullulent dans l’ouvrage : non content de ne rien vouloir dire, ils ont trois avantages : on ne peut pas savoir si le témoignage existe, on ne peut pas savoir si le témoin existe et il permet de semer la discorde et la suspicion au sein du groupe.

En 2012, cette militante suit la campagne présidentielle de Mélenchon avec le sentiment de voir émerger ce qu’elle attendait confusément depuis longtemps. Elle rejoint alors le Parti de Gauche et se rapproche de Bompard. « Il cherchait des troupes qui lui soient fidèles », raconte-t-elle. « C’était un ami. Enfin, je le croyais. » L’ex-militante se souvient encore de sa réponse, le jour où elle lui confie son inquiétude après le ralliement de l’insoumis Andréa Kotarac, au RN, en 2019, pendant la campagne des Européennes. « J’ai l’impression d’assister au grand effondrement, » dit-elle à Bompard après les perquisitions au siège du parti. « Pour moi, tout ça était lié, tout explosait », explique-t-elle aujourd’hui. « Tu te trompes », lui répond alors Bompard, un croyant qui ne doute pas. « EELV est extrêmement fébrile. Je suis persuadé qu’on fera mieux qu’aux législatives. » Manon Le Bretton finira par quitter le mouvement, sans un mot du lieutenant. (La Meute, Chapitre 13)

Ici, on verse à nouveau dans l’émotion : on nous parle d’une militante, visiblement très impressionnable pour qui le départ d’un autre militant vers le RN est signe d’effondrement. Le type n’était clairement pas à sa place, non seulement à la FI mais même à gauche… La Meute, se raccrochant à tout ce qu’elle peut trouver, revient de manière répétitive sur l’échec des Européennes de 2019 en les comparant avec les résultats obtenus en 2017. Une telle indigence analytique, et encore plus avec le recul de 2025, en dit long venant d’auto-proclamés « spécialistes de la gauche ».

On va s’arrêter là pour les exemples. On en trouve des brouettes à chaque page.

Ils mettent en évidence l’écueil fondamental de ce livre-enquête : la dépolitisation complète de son sujet, pourtant éminemment politique. Il est directement le produit de l’information-spectacle, dans son excroissance la plus pourrie : la presse-people. La Meute n’est pas l’héritière du prix Albert Londres mais de Gala ou Voici.

La violence, l’impunité et la dérive

La deuxième partie du livre, comptant 18 chapitres regroupés en trois partie sous les thèmes de « la violence », de « l’impunité » et de « la dérive », confirme véritablement le constat fait ci-dessus.

« La violence » consacre rien moins que 5 chapitres à Sophia Chikirou, sous l’angle de sa personnalité, de ses affaires judiciaires et de ses relations avec le Vieux. Il serait tout d’abord parfaitement légitime de se demander en quoi le caractère supposément autoritaire de Chikirou – c’est-à-dire tel qu’il est décrit par les journalistes – apporte une quelconque plus-value dans l’édifice argumentaire que constitue cette enquête sur les dysfonctionnements d’un des plus gros collectifs politiques français. Encore une fois, le livre ne construit son réseau de preuves et d’indices que sur des on-dit. Ensuite, il revient sur la procédure judiciaire dont Sophia Chikirou fait l’objet dans le cadre de ses fonctions au sein de sa société Médiascop. Cette procédure est le prolongement de l’« affaire des comptes de campagne » (à laquelle ils ont déjà consacré deux chapitres dans les pages précédentes) qui a démarré en 2018 avec les perquisitions, puis les mises en examen de quelques personnes de l’entourage de Mélenchon, dont Chikirou en personne. Après sept ans, la justice n’a toujours pas tranché et selon les termes de Sophia Chikirou elle-même, ces années ont été émaillées de fuites illégales dans la presse. Et puisque l’enquête, sortant des limites du secret de instruction, ne prend pas la peine de faire entendre la version de l’intéressée, donnons-lui la parole : « Cela fait 6 ans que je subis cette procédure sans accès au dossier alors que j’ai demandé au moins à deux reprises à être entendue et placée sous le statut de témoin assistée. Pourquoi ces demandes ? Non parce que je considère que cette affaire a lieu d’être : elle est totalement infondée et est une véritable stratégie de « lawfare » [NDA : guerre judiciaire]. J’ai fait ces demandes car pendant 6 ans, les médias comme Mediapart, Libération, Le Monde et Radio France ont été alimentés par des sources policières et judiciaires pour nuire à ma réputation et pour influencer la vie politique en salissant l’image de la France insoumise. Vous avez hérité de ce dossier en 2022, mais vous connaissez certainement l’historique : PV d’auditions intégralement livrés à la presse, photos des scellés, documents issus des scellés livrés aux journalistes. En aout 2022, sous la présidence du juge Dominique Blanc, le journaliste Fabrice Arfi publiait des extraits du rapport d’expertise judiciaire alors même que je n’y avais pas accès. Seul le cabinet d’expertise ou le cabinet du juge pouvait avoir transmis ce document. Les violations du secret de l’instruction dans ce dossier ont servi de prétextes à des articles de presse accusatoires, diffamatoires et toujours opportunément livrés suivant l’actualité politique. » Enfin, Pérou et Belaïch, comme à court de matériau à exploiter, tombent encore plus bas vers ce qu’il est d’usage de nommer la presse de caniveau, en exposant les liens intimes qui unissent les sujets de leur investigation, les rivalités et les conflits que de telles relations peuvent susciter dans tout groupe humain. Des choses qu’en définitive on souhaiterait ne pas savoir car la décence les remise au privé. Des journalistes sans pudeur ni morale, ça porte un nom.

On ne sait pas trop ce qu’ils cherchent à prouver ni en quoi ces « révélations » enrichissent leur argumentaire sur la personnalité soit-disant problématique de Mélenchon. Mais ce qui ressort, derrière l’acharnement médiatique que La Meute perpétue contre Sophia Chikirou et qui dissimule mal son racisme « rive gauche », c’est que nos deux journalistes se tirent une balle dans le pied en faisant montre d’un sexisme et d’une misogynie crasse qui réduisent certaines figures féminines qui ont croisé le Vieux à leur intimité avec lui et aux supposés privilèges que ces relations leur auraient procurés.

La partie 5, intitulée « L’impunité », consacre quatre chapitres aux affaires de violences sexistes et sexuelles qui ont eu lieu au sein de la France Insoumise, notamment bien sûr l’affaire Quatennens, et la manière dont ces affaires ont été gérées par le célèbre « Comité de suivi contre les violences sexistes et sexuelles ». Si le débat sur ces questions est extrêmement complexe et si l’existence de ce comité et de son fonctionnement posent le problème de son efficacité réelle, il semble que La Meute, à son corps défendant, matérialise tout à fait les incertitudes, les hésitations et les lacunes d’une démarche critique objective face à la prise en charge des violences sexistes et sexuelles au sein de n’importe quel collectif. Une première impression demeure tout de même : résolus qu’ils sont à dézinguer la FI et Mélenchon, Pérou et Belaïch tirent à boulets rouges sur l’ambulance puisqu’ils ont malgré tout affaire au seul groupe politique qui tente, aussi imparfaitement que ce soit, de prendre à bras-le-corps le problème des violences sexistes et sexuelles.

Au mépris le plus complet pour les faits – elle a été définitivement réglée à la fois judiciairement et en interne : Adrien Quatennens a été condamné par la justice et il s’est retiré de ses fonctions – l’affaire Quatennens demeure la pierre angulaire de ces chapitres en cela qu’elle a particulièrement touché le Vieux, que sa réaction a suscité des divergences de la base militante au sommet de l’appareil et qu’elle représente donc toujours une opportunité médiatique d’alimenter de nouvelles divisions. Si on peut critiquer l’indulgence de Mélenchon au moment des révélations des violences commises par Quatennens sur son ex-épouse, on ne peut toutefois pas la départir de la proximité affective entre les deux hommes. Salir le Vieux parce qu’il n’a pas eu le courage de se repaître sur la carcasse d’un ami ? Il y a de la vanité à se croire au-dessus de ces imperfections humaines et elle pousse à se demander si l’on voudrait pour amis ces deux journalistes.

Il y a aussi une contradiction – phénoménale ! – dans les non-dits de cette enquête. Certes, elle énumère les affaires de VSS au sein de la FI, bien que la plupart, tout en n’ayant toujours pas établi la culpabilité des accusés, voire en les ayant « condamnés » à tort, démontrent avant tout toute la difficulté de la prise en charge des accusations de violences sexistes et sexuelles, de leur évaluation et de l’application d’une sanction, particulièrement hors du cadre judiciaire, oscillant entre « justice répressive » pour les un(e)s et « justice réhabilitative » pour les autres. Mais ce qui devrait inviter à la plus grande prudence conduit La Meute à un aveuglement confinant à l’amnésie totale. En effet, l’une des plus graves affaires de violences sexistes et sexuelles qui a impliqué un membre de la France Insoumise – quoique dans le cadre de sa pratique professionnelle et non dans celui de ses activités militantes – c’est l’affaire Gérard Miller. Or, à aucun moment de leur enquête, Pérou et Belaïch ne l’abordent. Pire, ils consignent scrupuleusement les témoignages que Miller leur offre sur un plateau d’argent du moment qu’ils sont à charge contre Mélenchon, Chikirou et la France Insoumise. Une telle hypocrisie laisse pantois.

Soyons bref sur les deux derniers chapitres de « L’impunité », entièrement consacrés à Sébastien Delogu : nos deux journalistes, dont on ne doute pas qu’ils ont été bien élevés par leurs parents et bien instruits dans leurs écoles parisiennes, s’efforcent de nous le décrire comme une vulgaire « racaille » marseillaise, qui parle fort, qui parle mal et qui côtoie la rue : si l’on peut s’étonner du racisme et du sexisme dont il font la preuve flagrante dans les chapitres précédents, on est moyennement surpris par ce mépris de classe.

On n’ira guère plus avant dans cette lecture pénible. La dernière partie, baptisée « La dérive », après avoir creusé un peu plus profondément encore les sillons de la division entre Jean-Luc Mélenchon et François Ruffin, prenant naturellement le parti du second, dans l’indifférence continue des faits, c’est-à-dire des trahisons de celui qui a mordu la main qui l’avait nourri, voit Pérou et Belaïch questionner l’orientation anti-raciste de la France Insoumise. Si l’on peut au moins admettre que, pour la première fois dans leur ouvrage, la politique entre enfin en ligne de compte, c’est malheureusement pour constater qu’il s’aventurent sur les plates-bandes de la droite et de l’extrême-droite. Si le choix de cette nouvelle direction insoumise peut être débattue, il ne peut l’être en réfutant la centralité du programme ou en feignant de l’ignorer. Certes, l’anti-racisme est sur la ligne de front de la France Insoumise, mais la réalité du moment – islamophobie endémique et génocide des Palestiniens – lui donne amplement raison. Cela ne signifie aucunement la mise au placard de son programme de rupture dont les principales orientations sont avant tout sociales, économiques et écologiques. En dépit de ce que peuvent croire ou raconter celles et ceux qui vivent au rythme du métronome médiatique.

Résumé des derniers chapitres : islamogauchisme, Hamas, antisémitisme, Hamas, russophilie, Hamas. Cherchez l’intrus. Un grand absent : le Vénézuelaaaa. Quand on ne sait plus quoi raconter, on meuble. Il n’y a strictement rien à dire qui n’ait déjà été dit.

De quoi la démocratie interne est-elle le nom ?

Un constat qui fera office de conclusion : derrière cette charge anti-Mélenchon, il y a un agenda politique que les évènements de ces dernières heures rendent savoureux. Quoi qu’on en pense, torchon ou brûlot, La Meute est sans le moindre doute un livre de gauche, par la gauche et pour la gauche. Mieux : par le PS pour le PS. Parfaitement inutile pour un lectorat de droite, il vise à évincer Mélenchon pour le remplacer par une personnalité plus socialo-compatible que lui. L’appel à plus de démocratie interne, c’est le faux nez d’une défaite assurée. Des manoeuvres qui ont un goût de déjà-vu en plus : on connaît leur démocratie interne, elle s’appelle « primaires ». Ils peuvent garder leurs leçons de morale ou demander à Benoît Hamon son avis sur la question… Au fait, leur poulain Glücksmann, il en pense quoi de la démocratie interne ? Fermez le ban.

Les derniers mots du livre :

« Tribun d’un siècle, gourou insoumis. »

Ça aurait eu de la gueule comme titre.

Perles

Sur les finances de la France Insoumise :

« Ce qui compte, c’est la pérennité de la nébuleuse économique, au coeur du « système Mélenchon ».
(…)
Le chiffre est stupéfiant. Pour la présidentielle de 2017, Jean-Luc Mélenchon a déclaré à peine 8000 euros en salaires et autres cotisations patronales quand les autres candidats déboursaient, eux, entre un et deux millions d’euros chacun.
(…)
Un Harpagon des temps modernes. »

Sur les différences de traitements entre les militants et les députés FI :

« Les petites mains ont accepté de militer sans moyens, partageant parfois leurs chambres à plusieurs dans de modestes hôtels lors des déplacements – une pratique pourtant interdite par le Code du travail – quand les députés, eux, pouvaient s’offrir le confort d’un Mercure. »

(Quelqu’un les a prévenus que militant, c’est pas un boulot ? Un Mercure, c’est pas le Hilton non plus…)

Dixit Clémentine Autain :

« Nous faire passer pour des gens qui font de la politique pour un mandat ! »

Mélenchon, la terreur des bacs à sable :

« Je ne peux pas aller aux anniversaires de mes potes insoumis du premier cercle parce qu’ils ont peur d’être vus avec moi. »

Mélenchon Folamour :

« Putain, c’est chaud s’il gagne, il a quand même son petit caractère, avec un bouton nucléaire et la police à ses ordres, tu ne sais pas où ça va »

(« Mélenchon » et « police aux ordres » dans la même phrase, y a un loup…)

Mélentchong :

« Mélenchon, c’est Mao. »

Saint-Jean-Luc :

« Le modèle de Mélenchon, c’est le pape aux JMJ »

L’empereur Lucius Mélenchus et sa garde prétorienne :

« Les insoumis aiment se faire craindre. Ils cultivent cet air austère, ces regards fermés, sourcils froncés, bouches fermés, montrent qu’ils sont habités, en mission, pour la cause. À force, la peur s’est invitée au coeur de leurs relations avec leurs partenaires, qui savent que les hommes de Mélenchon peuvent les désigner comme des traîtres, impurs, décidant qui est de gauche et qui ne l’est pas. Pollice verso [pouce vers le bas]. »

À l’asile !

« Le problème de Mélenchon, c’est qu’il est fou. »

Place à l’oubli maintenant.

Plinthe CONTREX

°°°

Source: https://www.legrandsoir.info/la-meute-melenchon-le-grand-mechant-loup-3-3.html

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/la-meute-melenchon-le-grand-mechant-loup-3-3-lgs-25-05-25/

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *