La mystification de la retraite par points défendue par le Parti Socialiste (LI.fr-22/01/25)

Retraites. L’insoumission.fr et Informations Ouvrières s’associent pour proposer à leurs lecteurs des contenus sur les résistances et les luttes en cours aux quatre coins du pays. À retrouver sur tous les réseaux de l’Insoumission et d’Informations ouvrières.

Par Claire GUELMANI.

Décidément, la machine à remonter le temps est une spécialité des gouvernements Macron qui proposent invariablement, et ce quels que soient les résultats des élections diverses et variées caractérisées particulièrement par un rejet massif de la contre-réforme des retraites, le même remède pour, selon eux, « sauver les retraites ».

Or, non seulement, elles n’ont pas besoin d’être sauvées, car les régimes par répartition « marchent » parfaitement bien et ont prouvé leur efficacité depuis plus de 70 ans. Cependant, elles ont simplement besoin que soit rétablie la cotisation sociale dans son entièreté, c’est-à dire que soient supprimées les exonérations patronales qui représentent 80 milliards de pertes de financement de ces régimes pour 2024.

Mais au-delà de ce mensonge sur le prétendu déficit des régimes de retraite, il y a un autre mensonge aussi énorme véhiculé par le gouvernement, mais aussi, notamment, par les socialistes, c’est celui d’une substitution de ces régimes par un régime universel par points dont la vertu, selon eux, seraient essentiellement d’éliminer la question épineuse du report de l’âge légal puisqu’il n’y aurait plus d’âge légal. Notre article.

« Remplacer le système actuel pour que le financement des retraites ne repose plus sur le report de l’âge légal » (Olivier Faure)

Il y a eu cette déclaration de l’ancien ministre des Sports de François Hollande et actuel président du groupe socialiste au Sénat, Patrick Kanner (France Info, 10 janvier), qui préconise un « changement de système » qui pourrait passer par le régime de retraite par points. « C’est peut-être ce qui sortira de la négociation que nous aurons, nous sommes ouverts », affirme-t-il, ajoutant : « Nous sommes une gauche de responsabilité, qui a gouverné, nous savons qu’il y a un problème financier. Nous sommes prêts à regarder toutes les solutions alternatives avec les partenaires sociaux. ».

Puis, dans la foulée, il y a eu ce tweet d’Olivier Faure du 12 janvier : « nous voulons remplacer le système actuel pour que le financement des retraites ne repose plus sur le report de l’âge légal, qui pénalise celles et ceux qui ont eu des carrières longues et pénibles ».

Clairement, la suspension de la réforme d’Élisabeth Borne aurait pour objet la mise en place d’un régime par points. Chaque salarié déciderait de son âge de départ à la retraite sur la base de son nombre de points, sans autre considération. Sauf que ces régimes par points ne sont que des régimes complémentaires, en quelque sorte supplétifs au régime de base de la Sécurité sociale. En aucun cas, ils ne fixent l’âge légal de départ à la retraite mais s’alignent sur celui fixé par le régime général.

Pour aller plus loin : « Le jour des petites cuillères » – L’analyse de Jean-Luc Mélenchon sur les revirements du Parti socialiste sur les retraites

Régime par points : la différence avec les retraites complémentaires

Pour mémoire, le régime de l’Agirc a été créé en 1947 dans la foulée de la retraite du régime général en 1945 pour compléter celle des cadres qui ne cotisent qu’à hauteur du plafond de la Sécurité sociale. L’ARRCO a été mis en place en 1961 pour les non-cadres car la retraite du régime général n’atteignait pas les 75 % du dernier revenu d’actif comme celle de la fonction publique. Par conséquent, ils ont toujours eu et ont toujours vocation à être un revenu complémentaire, mais en aucun cas une retraite principale qui définit les conditions d’âge.

De plus, le calcul de la retraite complémentaire s’effectue sur la totalité de la carrière quand
celui du régime général est basé sur les 25 meilleures années. Les points sont calculés en
fonction d’un salaire de référence déterminé chaque année tout comme la valeur du point
retraite par le Conseil d’administration de l’AGIRC ARRCO.

Si demain un régime universel par points devait voir le jour, ce serait l’État qui déciderait dans le PLFSS (Projet de Loi de Finances de la Sécurité sociale) de ces deux critères avec comme objectif, l’équilibre des comptes publics. Quand on sait les économies que réclame aujourd’hui le gouvernement et les attaques contre les retraitées (notamment la remise en cause de l’abattement de 10 % dont ils bénéficient), on peut aisément imaginer comment il sera facile de baisser le niveau des droits acquis par les actifs en augmentant, d’une part, le prix d’achat du point et, d’autre part, ceux des retraité-es, en gelant la valeur du point retraite.

Pour aller plus loin : Retraités : le Gouvernement sauvé par le RN et le PS veut les taxer

L’exemple de la Suède

Sans faire appel à notre imagination, il suffit de constater les dégâts causés par un système universel par points mis en place en 2001 en Suède. Les retraités n’ont jamais été aussi pauvres. Les pensions suédoises sont nettement plus faibles qu’en France : le « taux de remplacement », c’est-à-dire le pourcentage de son ancien salaire que l’on perçoit à la retraite, n’y est que de 53 %, contre 74 % pour les Français. Le nombre de « retraités pauvres », les personnes de plus de 65 ans qui reçoivent une aide publique, car leur revenu est insuffisant, a doublé dans les quinze dernières années.

Enfin, un rapport publié en mars montrait que les Suédoises, dont les carrières sont en général moins linéaires et les salaires plus faibles que les hommes, recevaient en moyenne seulement 68 % du montant des retraites des hommes. Cela s’explique en partie par le système à points, qui promet « une couronne de pension pour chaque couronne cotisée ».

Autre point qui cristallise les critiques : la fluctuation de la valeur du point selon la conjoncture économique afin d’éviter à tout prix un déficit budgétaire. Ainsi, si les cotisations sont trop faibles en raison, par exemple, d’une baisse du nombre d’actifs, un mécanisme d’équilibrage entraîne la baisse automatique du montant des pensions. Ce fut le cas notamment en 2010, 2011 et 2014.

Le système par points permet de baisser le niveau des pensions chaque année

Oser dire que la suppression d’un âge légal de départ à la retraite est une réponse en termes de justice sociale pour celles et ceux qui ont eu une carrière longue et pénible sans tenir compte du nombre de points, de leur valeur au moment du départ à la retraite est proprement scandaleux. C’est exactement le contraire puisque c’est le nombre de points qui va déterminer le montant de la retraite.

Or, un petit salaire génère mécaniquement moins de points, donc moins de droits. Par conséquent, ce sont les salarié-es les moins bien payés, souvent travaillant dans des conditions pénibles et/ou avec des carrières fracturées par le chômage ou la maladie qui seront les plus impactés par un tel système.

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François Fillon devant les patrons, alors candidat à « la primaire de la droite », 10 mars 2016 (Public Sénat) : « Le système par points, en réalité, ça permet une chose qu’aucun homme politique n’avoue : ça permet de baisser chaque année le montant des points, la valeur des points, et donc de diminuer le niveau des pensions ».

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Source: https://linsoumission.fr/2025/01/22/ps-retraite-ponts-mystification/

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