L’Agence régionale de santé (ARS) a mandaté Air Breizh pour déterminer l’origine des fortes concentrations d’ammoniac dans l’air, à Saint-Malo. L’organisme a établi un lien entre les mesures effectuées en zone industrielle, et l’entreprise de fertilisation agricole décriée, Timac Agro.
Depuis 2006, l’organisme agréé par le ministère chargé de l’Environnement pour la surveillance de la qualité de l’air en Bretagne, Air Breizh, a mené six études autour de la qualité de l’air à Saint-Malo agglomération. Elles confirment toutes une particularité du secteur malouin, avec la proximité du littoral et des installations industrielles et portuaires.
Celle de 2019 indique que les niveaux de particules fines PM10 à Saint-Malo sont plus élevés qu’à Rennes et jugés préoccupants au regard des valeurs guides de l’OMS. L’ARS (Agence régionale de santé) a alors sollicité Air Breizh pour affiner ces mesures, en étudiant les niveaux de particules PM2,5 (plus fines et plus dangereuses pour la santé) et d’ammoniac (NH3).
De fortes concentrations d’ammoniac à Saint-Malo
Ce gaz incolore « contribue activement à la pollution de l’air et notamment à la formation de particules », indique Air Breizh dans son rapport de 50 pages, publié sur son site. « Le contrôle des émissions de NH3 est important afin de réduire les concentrations en PM10 et PM2,5. »
Pendant six mois, de novembre 2020 à mai 2021, des mesures d’ammoniac ont été réalisées sur plusieurs sites en Bretagne et en trois endroits à Saint-Malo, où « les concentrations moyennes les plus fortes ont été observées. »
En Bretagne, l’ammoniac est émis principalement par les activités agricoles. « À Saint-Malo, commune peu agricole, le premi er secteur émetteur d’ammoniac est l’industrie (57 %), l’agriculture (25 %) et le traitement des déchets (16 %). »
Une nouvelle étude d’Air Breizh
Fin 2021, l’ARS mandate à nouveau Air Breizh pour mener une étude sur ces niveaux de pollution afin de préciser leurs origines. De mars à mai 2022, des mesures (PM10, PM2,5 et NH3) sont effectuées à Rocabey, au nord de Saint-Malo, en zone péri-urbaine.
Des prélèvements, analysés en laboratoire, sont également réalisés à côté de la chambre de commerce et d’industrie (CCI), proche de la zone industrielle, et au cœur de cette zone (où se situe l’entreprise Timac Agro) pour mesurer les niveaux d’ammoniac.
Des niveaux plus élevés en 2022 qu’en 2021
Pour la majorité des prélèvements d’ammoniac (63 %), les concentrations maximales sont mesurées au point de la zone industrielle. « La proximité immédiate de l’industrie spécialisée en nutrition végétale et rejetant de l’ammoniac (Timac Agro) explique les niveaux plus forts rencontrés au point ZI, précise le rapport. Les résultats sont également plus forts sur l’ensemble des points de mesures en 2022 par rapport à 2021. »
Les mesures en continu relevées à Rocabey indiquent « une variabilité horaire forte à Saint-Malo et confirment l’influence des industries malouines émettrices de NH3 en fonction des conditions météorologiques ».
Pour un analyseur d’ammoniac permanent
Les niveaux moyens des particules les plus fines (2,5) relevés sur le capteur en continu à Rocabey, sont proches de ceux mesurés à Rennes et Saint-Brieuc. En revanche, l’analyse des profils journaliers met en évidence un pic en début de journée, peu après minuit.
L’impact des activités industrielles Timac sur les niveaux de PM n’a pas pu être mis en avant dans cette étude. « Seules les heures de fonctionnement mensuelles ont été fournies. Ainsi la corrélation entre les pics horaires d’ammoniac mesurés à Rocabey et les émissions industrielles n’est pas réalisable », conclut le rapport, qui préconise l’installation d’un analyseur permanent d’ammoniac « étant donné la problématique locale ».
Eau et Rivières : les Malouins surexposés aux particules fines
L’étude réalisée par Air Breizh a fait réagir l’association Eau et rivières de Bretagne. « Elle livre des informations sanitaires importantes. Les Malouins sont surexposés à la pollution aux particules fines type PM10. »
« À Rocabey, la valeur journalière recommandée par l’Organisation mondiale de la santé pour les PM2,5 de 15 ig par m³ (valeur qui ne doit normalement pas être dépassée plus de quatre jours par an), avait été dépassée durant 30 % de la période de mesure, soit 16 jours. »
Timac Agro ne souhaite pas réagir à cette étude
« Elle nous informe également que l’influence des émissions de l’industrie Timac située à proximité du point de prélèvement ZI est constatée. »
« Les alertes de notre association sont confirmées, poursuit Rozenn Perrot, de la commission de suivi de site de la Timac, nous attendons de l’administration qu’elle prenne des mesures pour faire cesser cette menace pour la santé des Malouins. »
Contactée, l’entreprise Timac Agro a souhaité « ne pas réagir à cette étude ».
Auteur : Nadine PARIS.