L’A69 relancée : la lutte reprend de plus belle (reporterre-29/05/25)

Des rassemblements ont eu lieu le 28 mai partout en France (ici à Paris) contre l’autorisation par la justice de la reprise du chantier de l’autoroute Toulouse-Castres. – © NnoMan Cadoret / Reporterre

Après l’annonce de l’autorisation de reprise du chantier de l’A69, les opposants à cette autoroute ont organisé des rassemblements partout en France. À Paris et Toulouse, les militants étaient sidérés mais restaient combatifs.

Par Emmanuel CLEVENOT, Justin CARRETTE (rédacteurs), NnoMan CADORET et Antoine BERLIOZ (photographies).

Toulouse et Paris, reportage

« Un espoir fou, brisé brutalement. » Les mains agrippées à la hampe d’un drapeau sur lequel figure une genette — un petit carnivore — armée d’une tenaille, Daphné ne connaît pas le territoire tarnais, où doit être construite l’autoroute A69. L’étudiante poitevine tenait pourtant à être là, à Paris, au pied du Conseil d’État, par solidarité. « Nous sommes à un moment charnière des luttes écologistes », dit celle qui se mobilise d’ordinaire contre les mégabassines.

Le 28 mai au soir, une vingtaine de rassemblements spontanés ont éclos aux quatre coins de la France. De Castres à la capitale en passant par Bordeaux, Lille, Lyon, Saint-Brieuc ou Arles, des militants ont crié leur écœurement face à l’annonce de la reprise du chantier de l’autoroute A69.

«  Certains députés sont englués dans l’aveuglement  », assure Anne Stambach-Terrenoir, élue LFI. © NnoMan Cadoret / Reporterre

Plus tôt dans la journée, la cour administrative d’appel de Toulouse a accordé le « sursis à exécution » demandé par l’État et le concessionnaire Atosca. Grâce à lui, la construction de cette langue de bitume de 53 kilomètres peut désormais se poursuivre, en dépit de « l’annulation totale » de l’autorisation environnementale du projet actée en février en première instance. Et ce, avant même l’appel et le jugement définitif sur le fond, devant intervenir d’ici à quelques mois.

À Paris, le temps de la sidération

À Paris, rendez-vous avait été donné sur la place du Palais-Royal, caressée par les lueurs crépusculaires. « L’A69 résonne pour moi avec la même puissance que Sainte-Soline [cette commune des Deux-Sèvres où la lutte antibassines est centrale], poursuit Daphné, 19 ans. Nous ne pouvons pas rester sans rien faire. L’envie de faire du commun, de cultiver la joie, doit dépasser notre sidération. »

Restée jusqu’alors anonyme au cœur de l’assemblée, l’artiste Mathilde Caillard, aka McDansePourLeClimat, s’empare du micro pour entonner un bref refrain avec son acolyte de Planète Boum Boum. « Difficile, ce soir, d’avoir l’humeur à la fête, concède-t-elle. Mais nous ne devons pas subir cette défaite, seuls derrière nos écrans. Soyons soudés, le collectif crée du pouvoir », dit-elle à Reporterre.

«  Nous sommes à un moment charnière des luttes écologistes  », dit Daphné, étudiante poitevine. © NnoMan Cadoret / Reporterre

Médecin généraliste, Marie Guirguis a, elle, accueilli la nouvelle avec un abattement profond : « L’État cherche à nous épuiser. J’ai d’abord pensé qu’il fallait arrêter de réagir dans l’urgence, qu’il valait mieux lui laisser cette victoire. » Au fil de la journée, une émotion chassant une autre, elle a toutefois décidé de ne pas « baisser les armes » : « Nous devons continuer à prendre soin des personnes sidérées par ces attaques répétées. Or, se rassembler y participe. »

« Soyons soudés, le collectif crée du pouvoir »

Il y a un an et demi, Reporterre avait déjà rencontré la médecin au beau milieu de la nuit, sur la passerelle Senghor traversant la Seine. Elle veillait alors sur Thomas Brail, l’un des « écureuils » alors en grève de la soif contre l’A69. Le grimpeur s’était évanoui, avant d’être hospitalisé en urgence.

«  L’État cherche à nous épuiser  », assure Marie Guirguis. Nous devons prendre soin des personnes sidérées par ces attaques. Or, se rassembler y participe.  » © NnoMan Cadoret / Reporterre

Le 28 mai, en découvrant la décision de la cour administrative, il a décidé de réitérer son geste. « Par cet acte, il illustre à quel point l’État met en danger nos santés avec ses positions anachroniques », ajoute Marie Guirguis, émue.

À Toulouse, les opposants pensent déjà à la suite

Six cents kilomètres plus au sud, à Toulouse, le visage de Thomas Brail est apparu parmi les centaines de personnes rassemblées sur le parvis de la gare Matabiau. Dans la foule, des banderoles sont brandies, des slogans scandés et d’autres figures bien connues de la lutte contre l’A69 se relaient au micro pour penser la suite du combat.

« Nous sommes sidérés par cette décision, sans véritable argument juridique », affirme Geneviève Azam, économiste et militante altermondialiste, «  mais ce n’est pas une sidération qui nous laisse sur place. On a envie désormais de réfléchir à ce que l’on va faire. Si le chantier redémarre, les actions sur le terrain risquent aussi de reprendre. Elles seront même nécessaires, puisque les travaux pourraient de nouveau être arrêtés lors de l’appel sur le fond à la fin de l’année. »

Plusieurs opposants à l’autoroute anti-écologique et antisociale se disent prêts à riposter. © Antoine Berlioz / Reporterre

Certains craignent que, d’ici là, le concessionnaire choisisse d’accélérer pour avancer le chantier au maximum et combler une partie du retard accumulé. Face à cette menace, plusieurs opposants à l’A69 se disent prêts à riposter.

«  La lutte sur le terrain, qui a duré deux ans, nous a beaucoup fatigués, avoue à Reporterre Melissa, du collectif La Voie est libre. Mais je pense que cette décision incompréhensible va remobiliser les troupes, même s’il nous faudra du temps pour digérer. On ressent beaucoup de colère, et cela amplifie notre détermination à nous battre. »

Deux dates clefs se profilent

Et ce, dès les 4, 5 et 6 juillet. Dates auxquelles un événement baptisé la « Turboteuf » aura lieu dans le Tarn. « Nous espérons rassembler des milliers, voire des dizaines de milliers d’opposants à l’A69 », dit à Reporterre Arthur Grimon, pour Les Soulèvements de la Terre. «  Ce sera un moment important pour décider collectivement quelle direction la lutte prendra », ajoute Ollie, membre du Groupe national de surveillance des arbres. «  On sera obligés de se réinventer et de retrouver une pluralité dans nos moyens d’action. C’est cette multiplicité des luttes qui nous a permis d’obtenir la victoire de février. »

Une autre bataille s’ouvrira toutefois bien plus tôt, dans les travées de l’Assemblée nationale. À compter du 2 juin, une proposition de loi visant à valider l’autorisation environnementale — pourtant invalidée par la justice — doit être examinée au Palais Bourbon.

Mi-mai, les sénateurs ont adopté un texte afin de permettre la reprise du chantier de l’autoroute Toulouse-Castres. Cette «  loi de validation  » sera débattue à l’Assemblée nationale la semaine du 2 juin. © Antoine Berlioz / Reporterre

« Les parlementaires s’allient à l’exécutif pour piétiner le pouvoir judiciaire, s’alarme la députée insoumise de la Haute-Garonne, Anne Stambach-Terrenoir, présente au rassemblement parisien.

L’écharpe tricolore en bandoulière, elle délaisse le mégaphone capricieux et poursuit à la seule force de sa voix : « Si cette loi venait à être adoptée, cela créerait un précédent catastrophique pour l’État de droit. Certains députés sont englués dans l’aveuglement. Nous ferons tout pour les empêcher de parvenir à leurs fins. »

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Source: https://reporterre.net/L-A69-relancee-la-lutte-reprend-de-plus-belle

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