
Le ministre de l’Intérieur a mis en branle une opération dans les gares et les bus, ce mercredi 18 juin, avec « 4 000 gendarmes, des policiers, des douaniers, des forces Sentinelle pour interpeller des clandestins ». Une chasse aux exilés qui doit se poursuivre jusqu’à jeudi, vivement critiquée à gauche et par des associations de défense des droits humains.
Par Julia HAMLAOUI.
La chasse aux migrants ordonnés outre Atlantique par Donald Trump et les descentes de l’ICE à Los Angeles auraient-elles donné des idées à Bruno Retailleau ? Le ministre de l’Intérieur n’a sans doute même pas eu besoin d’une telle inspiration pour mettre en branle une opération massive dans les gares et les bus ce mercredi 18 juin, qui doit se poursuivre jusqu’à jeudi. « Dans ces 48 heures, on va mobiliser 4 000 gendarmes, des policiers, des douaniers, des forces Sentinelle (armée, NDLR) pour interpeller des clandestins », a annoncé le Vendéen sur les chaînes du groupe Bolloré CNews et Europe 1.
Comme ses prédécesseurs, Gérald Darmanin, et plus lointainement Nicolas Sarkozy, le locataire de la place Beauvau entend jouer à fond la carte de la communication et s’est donc rendu dans la foulée gare du Nord à Paris pour assister à certains de ces contrôles, revendiquant avec fierté 47 000 interpellations « depuis le début de l’année ».
La politique du chiffre, conduite au détriment des vies humaines en jeu, se retrouve aussi dans la note interne adressée par le ministre aux préfets. Le patron des Républicains célèbre dans ce document, consulté par l’AFP, une « augmentation conséquente d’interception d’ESI (étrangers en situation irrégulière, NDLR) ces dernières semaines (+ 28 %) » et une « opération nationale de contrôle des flux » ayant conduit à plus de 750 arrestations en mai.
« Une grande campagne de discrimination raciale »
Y est également détaillée l’opération du jour qui doit notamment concerner « des trains à destination des pays voisins et des grandes métropoles françaises, en arrivée comme en départ ». Si personne ne doutait de sa course à l’échalote avec l’extrême droite sur le terrain de l’immigration rendue responsable de tous les maux, le ministre a tout de même tenu à préciser ce mercredi : « Ce que je veux dire, c’est que les clandestins ne sont pas les bienvenus en France de la façon la plus ferme et la plus définitive. »
Un message et une opération spectacularisée vivement dénoncés par les associations de défense des droits humains et par la gauche. « Le ministre de l’Intérieur lance une grande campagne de discrimination raciale et d’abus de pouvoir. Ce n’est pas écrit comme ça, mais on le sait (et comme il en est très fier, il le dit à tout le monde) », a fustigé sur X Utopia 56.
La secrétaire générale de la Cimade, Fanélie Carrey-Conte, a, elle, condamné, mercredi sur Franceinfo, « l’inspiration trumpiste du ministre de l’Intérieur autour de cette mise en scène, de cette communication sur cette opération de traques de celles et ceux qui sont désignés comme des ennemis ». « Cette désignation permanente de cette figure de l’ennemi, cette assimilation permanente entre personnes étrangères et personnes dangereuses, délinquantes, elle sature aujourd’hui notre société », regrette-t-elle.
La CGT est également montée au créneau pour blâmer une « escalade nauséabonde, visant des travailleurs et travailleuses qui se rendent sur le lieu de travail et qui, un peu plus que d’habitude, le feront la peur au ventre », rappelant « qu’une partie des personnes étrangères sur notre territoire, sont sans titres de séjours à cause des durcissements successifs des politiques migratoires et des conditions de traitement de leur dossier ».
« Les étranger.es ne viennent pas profiter de notre système social, ils et elles viennent travailler, dans les conditions les plus difficiles, la plupart du temps sans aucuns droits, tout en s’acquittant des cotisations et impôts », ajoute, dans un communiqué, le syndicat tout en saluant « l’initiative de la fédération CGT des cheminots appelant les agents à ne rien faire qui ne soit pas dans leurs prérogatives ».
« Cela rappelle les heures sombres de notre pays »
« L’appel du 18 juin de Retailleau : organiser une chasse aux étrangers dans les trains ! », a également taclé, sur X, la députée communiste Elsa Faucillon, en référence à l’appel du général de Gaulle que le Premier ministre, François Bayrou, doit célébrer au même moment lors du 85e anniversaire au Mont-Valérien.
« Bruno Retailleau organise pendant deux jours une grande traque aux étrangers dans les gares et les trains de tout le pays. Cela rappelle les heures sombres de notre pays. Bravo aux cheminots qui refusent de se rendre complices de cette opération raciste », ajoute son collègue insoumis Thomas Portes, estimant que le ministre « est un danger pour le pays ».
Sans que le hasard n’y soit pour rien, Bruno Retailleau a choisi le même jour pour lancer une campagne d’adhésion à LR censée s’adresser aux « honnêtes gens ». Autre cible mais même logique de boucs émissaires qu’avec les exilés, ce sont cette fois les soi-disant « assistés » qui sont dans le viseur du ministre. « Moi, je veux m’adresser à la majorité, à ceux qui travaillent dur et qui en ont marre de voir que d’autres abusent du système et qui vivent au crochet de la société », a-t-il lâché dans les médias Bolloré.
Pour donner le change, il inclut les « étrangers » dans cette catégorie mais à condition qu’ils partagent sa vision, soit ceux « qui sont venus parfaitement légalement chez nous, qui se sont parfaitement intégrés et -j’ose dire le mot- assimilés et qui en ont marre de voir des clandestins qui viennent et qui vont bénéficier » de l’Aide médicale d’État. La haine à tous les étages.
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