Refusant l’intimidation et bravant l’interdiction, le rassemblement s’est tout de même déroulé comme prévu, le 4 juillet. Les interventions se sont succédé pendant plus d’une heure et ont toutes été écoutées avec une émotion palpable des 300 participants.
Par le correspondant IO.
Comme un état de siège au Chambon-sur-Lignon ce 4 juillet 2025. Quel évènement valait un déploiement de dizaines de gendarmes avec des véhicules bloquant la circulation à toutes les entrées du bourg dans cette commune de 2 600 habitants de Haute-Loire, au cœur du plateau cévenol ? Il s’agissait tout simplement d’un rassemblement pacifique à l’appel d’un collectif d’habitants de soutien au peuple palestinien, interdit par le préfet.
« Ici des gens ont désobéi en conscience, cette mémoire ne peut rester un mythe »
Ici, où la mémoire des persécutions et massacres subis par les protestants reste vive, dans tous les villages furent cachés et protégés les premiers Allemands refusant le nazisme, comme les républicains espagnols fuyant le franquisme, puis les réfugiés juifs et les maquisards. C’est pour cela que la commune s’est vue décerner le titre de « Juste parmi les nations ». Quoi de plus naturel dès lors que de refuser le génocide du peuple palestinien ?
Et pourtant le préfet a osé motiver son arrêté par « une très forte recrudescence des actes à caractère antisémite dirigés contre des personnes ou des biens », affirmant que « le choix de la commune du Chambon témoigne d’une volonté de provocation ».
Refusant l’intimidation et bravant l’interdiction, le rassemblement s’est tout de même déroulé comme prévu. Les interventions se sont succédé pendant plus d’une heure et ont toutes été écoutées avec une émotion palpable des 300 participants.
Pour le collectif organisateur : « Ici comme ailleurs, des hommes et des femmes simples – paysan.nes, institeur.trices, artisan.es, pasteurs – ont refusé de plier face à l’innommable. Ici des gens ont désobéi en conscience et ont fait passer l’humanité avant les lois de l’État. Cette mémoire ne peut rester un mythe. C’est pourquoi nous nous rassemblons pour dénoncer le silence et la complicité de la France avec le gouvernement d’Israël et pour demander le cessez-le-feu immédiat, la fin de l’occupation et de laisser passer des convois humanitaires. Car un peuple est à nouveau persécuté, pourchassé, affamé, assassiné. »
Pour l’oratrice suivante : « Ce que nous entendons ou lisons dans les médias n’est pas normal, il n’est pas normal de ne pas parler d’un génocide dans lequel principalement les enfants et les femmes sont assassinés, il n’est pas normal de ne pas pouvoir exprimer d’opinions sans être diffamé, il n’est pas normal de continuer à vendre des armes au pays génocidaire ».
Les organisations syndicales CGT, FO, FSU, Solidaires, Unsa avaient appelé leurs adhérents à être présents au rassemblement, malgré l’interdiction. Le délégué syndical d’une usine de la métallurgie proche a lu leur lettre ouverte adressée l’avant-veille au préfet.
C’est ce passage qui a été chaleureusement applaudi : « Nous n’acceptons pas l’amalgame que vous faites entre cette action, que nous soutenons, et l’antisémitisme. Les vrais antisémites ce sont les néo-nazis que le ministre de l’Intérieur protège lorsqu’ils manifestent dans Paris. »
À noter que la Cimade, association de « solidarité active avec les opprimés et les exploités » fondée en 1939 par des responsables de l’Église réformée, hostiles au nazisme, avait également condamné l’interdiction de la manifestation, tout comme l’a fait la pasteure du Chambon-sur-Lignon au cours de sa prise parole sur la place.
Pour la Société d’histoire de la Montagne, dépositaire des archives de la résistance du plateau, « Les héritiers des acteurs de la résistance civile des années 1940 sont ceux qui se mobilisent aux côtés de populations palestiniennes de Gaza et de Cisjordanie. Les héritiers du régime de Vichy sont ceux qui voudraient interdire cette manifestation aujourd’hui et son incitation à penser librement. »
Cette tradition de résistance populaire et ouvrière qui perdure, le représentant du gouvernement Macron-Bayrou-Retailleau a voulu l’interdire. Celles et ceux qui se sont rassemblés, dont des dizaines d’insoumises et insoumis venus de tout le département, sont fiers de l’en avoir empêché et le lendemain, nombre d’entre eux ont répondu présents à l’appel du Collectif 43 de soutien au peuple palestinien à manifester jusqu’à la préfecture au Puy-en-Velay.
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