« Le dialogue existe » : Au large du Finistère, ce parc marin où pêcheurs et scientifiques sont sur la même ligne (LT.Fr-22/02/25)

« On a désormais plusieurs exemples qui attestent que des goémoniers, des pêcheurs sont capables de décaler leurs plans de pêche pour ne pas nuire à des espèces protégées, à des habitats marins », déclare Philippe Le Niliot, directeur adjoint du Parc naturel marin d’Iroise, (Photo Lionel Le Saux)

Les pêcheurs et l’équipe du Parc naturel marin d’Iroise disent dialoguer pour viser un équilibre satisfaisant entre l’effort de pêche et la protection de la ressource et des habitats marins. Avec des limites.

Par Bruno SALAÜN .

La vedette du Parc naturel marin d’Iroise progresse dans une mer hachée, à ne pas discerner un aileron de grand dauphin, dans l’archipel de Molène (29). Elle met le cap sur l’île de Morgol où plusieurs dizaines de phoques gris se reposent au soleil, à l’abri du vent. Nous sommes au cœur de la réserve naturelle foisonnante du Parc. Pas de pêcheurs à l’horizon, ils sont ailleurs.

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Environ 80 bateaux artisanaux se révèlent très dépendants du Parc naturel marin d’Iroise, une aire marine protégée de 3 500 km2, où sont tolérées des activités humaines, à condition que leur impact soit « limité ou raisonné » sur l’environnement. Des fileyeurs, caseyeurs, ligneurs, bolincheurs, coquilliers, goémoniers… Peu de chalutiers : 14 licences seraient utilisées par des Bigoudens sur 42 disponibles. Des navires de 18 mètres, au plus. « Selon les années, entre 120 et 200 bateaux extérieurs au Parc y passent aussi prélever des ressources, qui y sont abondantes, parce que la biodiversité y est riche, avec des poissons à haute valeur ajoutée », signifie Philippe Le Niliot, directeur délégué général adjoint du Parc.

La pointe Saint-Mathieu depuis la mer d’Iroise.
La pointe Saint-Mathieu depuis la mer d’Iroise. (Photo Lionel Le Saux)

« Leurs diagnostics posent de vraies questions »

Dans d’autres aires marines protégées, des ONG, comme Bloom ou Greenpeace, documentent, avec des scientifiques, des pêches jugées illégales, au chalut de fond notamment, qui contribuent à dégrader les écosystèmes marins. « Leurs diagnostics, même s’ils ont des limites techniques, posent de vraies questions parce que la ressource est déjà dégradée, qu’il faut la reconquérir, maintenir l’environnement en l’état et aligner l’effort de pêche à ce qui reste, avec des engins qui permettent de conserver des capacités de pêche. C’est la raison pour laquelle on pousse, ici, à la diminution des licences de chalut et à la diversification, mais ces conversions sont difficiles », commente celui qui est aussi le responsable du service ingénierie du Parc.

Ça m’amène à tourner sur mes lieux de pêche, à respecter des jachères et donc à limiter la pression sur les milieux.

Qu’en est-il en Iroise ? « Je crois que l’on se rejoint, avec la plupart des pêcheurs, sur l’idée que l’on doit viser cet alignement. On a désormais plusieurs exemples qui attestent que des goémoniers, des pêcheurs sont capables de décaler leurs plans de pêche pour ne pas nuire à des espèces protégées, à des habitats marins. En fait, on a un destin commun, qui nécessite un dialogue, avec des impératifs économiques, sociaux et écologiques. C’est de la dentelle ! », poursuit Philippe Le Niliot.

Un bateau de pêche rentrant au port, près de Lanildut (29), sur la côte du Pays d’Iroise.
Un bateau de pêche rentrant au port, près de Lanildut (29), sur la côte du Pays d’Iroise. (Le Télégramme/Lionel Le Saux)

« Le dialogue existe, y compris avec des scientifiques »

« Le dialogue existe, y compris avec des scientifiques, que j’embarque régulièrement. J’ai une culture marine, avec des connaissances en océanographie, en hydrographie. Ça m’amène à tourner sur mes lieux de pêche, à respecter des jachères et donc à limiter la pression sur les milieux », témoigne Philippe Perrot, un pêcheur ligneur de Portsall (29) et coquillier en rade de Brest. Il siège au conseil de gestion du Parc marin.

« Les phoques, de plus en plus nombreux, à l’affût des poissons dans les filets, amènent les pêcheurs à déplacer leurs plans de pêche », explique Philippe Perrot, pêcheur ligneur de Portsall.
« Les phoques, de plus en plus nombreux, à l’affût des poissons dans les filets, amènent les pêcheurs à déplacer leurs plans de pêche », explique Philippe Perrot, pêcheur ligneur de Portsall. (Le Télégramme/Lionel Le Saux)

A-t-il l’impression que ses collègues adoptent ce réflexe ? « De plus en plus, je dirais. Et puis, par exemple, les phoques, de plus en plus nombreux, à l’affût des poissons dans les filets, amènent les pêcheurs à déplacer leurs plans de pêche. Sans oublier que les tempêtes, les marées nous imposent des fenêtres de repos biologiques, au-delà des réglementations plutôt strictes en vigueur. »

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Il entrevoit un obstacle, cependant, à cette quête d’équilibre entre effort de pêche et protection de la biodiversité. « En dehors des algues, on manque de données récentes publiques sur ce qui est pêché et débarqué en Iroise. C’est la pesée en criée qui permet de gérer les stocks », revendique-t-il, alors que la plus récente des études de l’Ifremer, qui donne des ordres de grandeur, remonte à 2010. Il désigne une autre limite : « La flambée des coûts et des charges fait que l’outil de travail est devenu très cher et incite à aller pêcher davantage pour compenser ».

« J’ai la fibre écolo »

De son côté, Erwan Brung est le patron d’un fileyeur caseyeur, depuis 2009, à Camaret (29). Il est l’un des 18 pêcheurs partenaires du Parc marin, signataires d’une charte d’engagement pour rendre les pratiques de pêche plus vertueuses. « J’utilise des filets plus sélectifs pour la sole et le rouget, j’ai mesuré et marqué des homards, j’embarque des observateurs à bord », décrit-il.

« J’ai la fibre écolo, je suis contre le chalutage dans les aires marines protégées. Je souhaiterais que tous les pêcheurs soient partenaires pour qu’on avance plus vite ensemble. Je trouve que le dialogue s’est un peu effiloché ces dernières années, que le comité des pêches est plus écouté que nous », pointe Erwan Brung.

Dans le Parc naturel marin d’Iroise, les activités humaines côtoient une biodiversité riche. Ici, un cormoran huppé.
Dans le Parc naturel marin d’Iroise, les activités humaines côtoient une biodiversité riche. Ici, un cormoran huppé. (Le Télégramme/Lionel Le Saux)

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Source: https://www.letelegramme.fr/economie/mer/le-dialogue-existe-au-large-du-finistere-ce-parc-marin-ou-pecheurs-et-scientifiques-sont-sur-la-meme-ligne-6764163.php

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