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1936 – 2024
Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat
Fou qui songe à ses querelles
Au coeur du commun combat
Aragon
Nous devons faire vivre le nouveau Front populaire.
Et pour cela supporter que le Front englobe des Roussel ou des Hollande. Le réseau FVPCF et Dieu sait quels autres illuminés et opportunistes.
Le Front populaire historique ce fut Thorez et Blum mais aussi Daladier. Sans le parti Radical, pas de Front populaire vainqueur. Et sans la victoire électorale du Front populaire qui peut affirmer qu’il y aurait eu les grandes grèves et les occupations de 1936? Qui à part les gauchistes “qui n’aiment rien tant que se réfugier dans leurs fantasmagories ” et dont les “ossifications dogmatiques (…) mènent à “la perte de tout contact avec les situations concrètes *.”
La haine recuite de Mélenchon, à droite et à gauche, est probablement due à ce que le leader historique de la FI les renvoie à leur médiocrité de petits bureaucrates obsolètes. S’admettre inutiles voire nuisibles leur est difficile. Détester de la France Insoumise au point de refuser l’union populaire ou de la saboter, l’incapacité de cessez-le-feu contre la FI, est l’expression d’un dérèglement politico-psychiâtrique. Non que les Insoumis ne puissent être critiqués, au contraire, la critique et l’autocritique sont indispensables quand on se dit de gauche et à plus forte raison marxistes. Sur NBH nous n’épargnons pas la FI de nos critiques (hier encore) et le culte de la personnalité ce n’est pas exactement notre boutique. Mais nous ne confondons pas les calomnies et les insultes avec les critiques même rudes.
Reste que nous avons besoin que le Front soit le plus large possible. Certains, peut-être conscients de ce qu’ils sont, s’excluent d’eux-mêmes, comme disait le PCF quand il excluait ses contestataires. On pense à Cazeneuve ou Valls ou Guedj qui sachant ce qu’ils sont, des sociaux-démocrates ni sociaux ni démocrates et même un tantinet d’extrême-droite, ne veulent pas renforcer le NFP. Que voulez-vous ils ont aussi une généalogie qui remonte à Noske et ses amis, les massacreurs des Spartakistes, de Rosa et de Karl.
Cela étant si nous ne comprenons pas la nécessité du compromis, il faut immédiatement cesser toute activité politique et se retirer dans un couvent. ou dans une secte. Car l’alternative au compromis c’est le néo-fascisme, ce que décrit avec une grande force de suggestion l’ami Frederic Lordon:
“On va voir la police fasciste, on va voir ses autorisations de tirer à balles réelles dans les banlieues, sur les manifestants ou contre les « écoterroristes ». On va voir les « refus d’obtempérer » et le devenir chilien des sous-sols de commissariat. On va voir la justice fasciste aussi : sa politique pénale, ses instructions spéciales, ses nominations dans les parquets. En fait on va voir ce que c’est qu’une administration infestée de cadres racistes, spécialement aux niveaux intermédiaires, loin des nominations décidées en conseil des ministres — après avoir vu ce qu’elle donnait dans la forme de l’infestation managériale — : proviseurs, directeurs d’hôpitaux, commissaires, présidents de tribunaux, officiers d’active, etc. Les inconscients qui bercent leur légèreté en se figurant qu’allez, on aura un équivalent de Meloni et que ça ne sera pas si terrible, n’ont aucune compréhension de ce que c’est que l’État français.
L’exercice d’imagination cependant restera très incomplet s’il s’arrête aux limites de l’appareil d’État stricto sensu. Car dans un fascisme bien ordonné, on est soucieux de travailler les « à-côtés », à qui l’on remet tout ce que l’État, tout de même tenu à quelques obligations formelles de conduite, ne peut pas faire : milices en roue libre, néonazis dans les rues, qui ne seront plus surveillés — mais peut-être informés — par les services de renseignement, descentes à gogo, militants de gauche identifiés et pourchassés, avec la bénédiction de la police en service et le concours de policiers hors-service — et c’est peut-être là le plus effrayant : la fusion des deux milices, celle de la rue et celle de l’État. S’il faut avoir le cœur convenablement accroché, on conseille de revoir Salò ou les 120 journées de Sodome pour se représenter convenablement l’essence du fascisme : déchaînement pulsionnel et violence politique sans limite. N. B. : la violence politique sans limite, ça va jusqu’à l’assassinat.”
Surtout notre soutien au NFP tient à notre conception du Front et son devenir : le Front populaire sera ce que nous en ferons. Ce n’est pas une organisation figée. C’est une coalition anti-fasciste qui sera ce que le peuple, les classes populaires, leur mobilisation, leur conscience politique, leurs luttes, les syndicats, les organisations politiques, les associations populaires en feront.
Ce qui veut dire que refuser, franchement ou lâchement, le nouveau Front populaire c’est avoir une conception a-historique (ou une ignorance crasse) de ce que fut le FP historique et une conception militaro-dogmatique de ce qu’est le NFP. C’est rompre absolument avec “l’âme vivante du marxisme” que Lénine définissait avec justesse comme “l’analyse concrète de la situation concrète.”
Que des guignols irresponsables s’auto-proclamant révolutionnaires présentent des candidats contre le NFP, cela démontre deux choses: que ce sont des guignols et qu’ils sont irresponsables.
Et enfin répétons-le car ces choses doivent être comprises. Dire qu’il arrive que la France Insoumise fasse des “conneries” n’empêche nullement de penser qu’elle est , comme on l’a déjà dit, le coeur et la tête aujourd’hui du NFP et plus largement du combat émancipateur. Comme le disait Francis Scott Fitzgerald “La marque d’une intelligence de premier ordre, c’est la capacité d’avoir deux idées opposées présentes à l’esprit, en même temps, et de ne pas cesser de fonctionner pour autant.” Une bonne définition de l’approche dialectique…
Antoine Manessis
* Frédéric Lordon in blog Monde Diplo
URL de cet article : https://lherminerouge.fr/le-front-populaire-sera-ce-que-nous-en-ferons-nbh-17-06-24/