Le geste du député Delogu : apartheid et démocratie (VDD-30/05/24)

Par Benoit GIRARD.

Je trouve extraordinairement révélateur des impensés de notre système politique l’argument qui vient aussitôt à la bouche de ceux qui font profession de haïr la France Insoumise. Ses représentants seraient des « démagogues », travaillés par la passion du « chaos » et mus par un « électoralisme » de bas étage.

Il y aurait donc deux catégories de candidats :

– Des candidats « gentils » qui agissent par pur sacrifice de soi à « l’unité nationale », sans jamais chercher à convaincre le moindre électeur.

– Des candidats « méchants » qui se présentent à des élections avec le projet étrange de les gagner.

Au-delà de ses expressions farcesques, cette crise de mauvaise foi fait apparaître que le système électoral représentatif repose sur une contradiction intenable : l’affirmation que le pluralisme concourt au bien commun ; l’idée qu’il y aurait un « cercle de la raison », signalé par tous les attributs distinctifs d’une autorité « naturelle », et qui serait légitime à déterminer ce qui ressortit ou non à ce « bien commun ». Le pluralisme n’aurait donc jamais été que le périmètre extrêmement restreint à l’intérieur duquel s’organise une confrontation ritualisée entre des mêmes.

Cette contradiction constitutive de la démocratie représentative peut durer aussi longtemps que son périmètre de délimitation fait l’objet d’un consensus qui lui donne le statut d’évidence. De ce point de vue, la situation actuelle ne se présente pas comme une crise de la démocratie représentative mais comme sa vérité. Quand le périmètre apparaît pour ce qu’il est, c’est-à-dire comme une discrimination radicale entre ceux qui sont dedans et ceux qui sont dehors, le débat peut commencer mais il n’est plus possible.

A cet instant, on comprend que non seulement la démocratie représentative n’est pas antinomique avec les systèmes d’apartheid mais qu’elle en constitue la forme de fonctionnement la plus aboutie. On ne se met à parler d’apartheid, avec toutes les formes symboliques que cela peut prendre, qu’au moment où ça commence à se voir et à craquer. En France, comme souvent, la fuite devant le réel prend la tournure savoureuse des inversions accusatoires : sont réputés « racistes » ceux qui ont été enfermés dans les catégories de la domination et qui ont l’outrecuidante vulgarité de les faire apparaître au grand jour. Il se produit alors, au cœur même du langage et de ses dispositifs de contrôle, une cascade de révélations dévastatrices.

Vivons comme une opportunité d’émancipation ce moment béni mais douloureux où la vérité explose dans la bouche de ceux qui ne veulent pas la voir.

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Source: https://www.vududroit.com/2024/05/le-geste-du-depute-delogu-apartheid-et-democratie/

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