
Les chiens & hyènes de guerre reviendront tôt ou tard. Le sang sera encore versé. Mais un tabou suprême aura été brisé : le culte mortifère d’Asie occidentale a bel et bien été atteint en plein coeur.
👁🗨 Le kabuki du cessez-le-feu
Par Pepe Escobar, le 25 juin 2025
Au final, comme on pouvait s’y attendre, le directeur de cirque a fait TACO (Trump Always Chickens Out : “Trump se dégonfle toujours”).
Au final, comme on pouvait s’y attendre, le directeur de cirque a fait TACO.
Il a été effrayé par trois développements cruciaux basés sur la réalité.
- Le message iranien sur la fermeture du détroit d’Ormuz. La CIA a averti Trump que la Chine était viscéralement opposée au blocage du détroit. C’est l’une des raisons, selon un vétéran de l’État profond, pour laquelle Trump a quand même décidé de poursuivre son opération théâtrale “spectaculaire” (sic) à Fordow. Mais lorsque le spectre d’un détroit d’Ormuz bloqué détruisant l’économie mondiale est devenu réel, il a fait TACO.
- L’avertissement iranien transmis par le bombardement de la base d’Al-Udeid au Qatar, joyau militaire de la couronne impériale en Asie occidentale. Même des sources atlantistes à Doha confirment que les dégâts causés à la base – évacuée – sont “monumentaux”, avec au moins trois missiles ayant atteint leurs cibles. Téhéran a clairement fait savoir qu’il peut frapper n’importe où, n’importe quand, avec n’importe quoi. Et vos laquais du Conseil de coopération du Golfe vous en tiendront responsables.
- La raison principale est sans doute que les génocidaires de Tel-Aviv étaient à court d’intercepteurs, et ce à un rythme alarmant. En fait, l’ensemble de leur réseau de défense aérienne, particulièrement perméable, était en difficulté. Lors de la dernière salve substantielle de missiles iraniens sur la Palestine occupée lundi matin, le taux d’interception était tombé en dessous de 50 %, et l’Iran a commencé à cibler le réseau électrique d’Israël. La nouvelle directive de l’Iran – l’offensive stratégique, pas la patience – visait à paralyser complètement l’économie israélienne. Pour couronner le tout, les génocidaires avaient déjà supplié Téhéran de “mettre fin à la guerre”. Téhéran a répondu que le moment n’était pas encore venu. Ce qui a poussé les génocidaires à supplier papa Trump de venir à leur secours.
La série d’événements qui a abouti au cessez-le-feu reste obscure. Un facteur clé a certainement été la rencontre personnelle entre Poutine et le ministre iranien des Affaires étrangères Araghchi au Kremlin lundi.
S’exprimant au nom de l’ayatollah Khamenei, Araghchi a peut-être demandé un approvisionnement conséquent en armes et surtout en systèmes de défense. Cependant, cela prend du temps, d’autant que le partenariat stratégique récemment approuvé par la Douma et le Majlis à Téhéran n’est pas officiellement une alliance militaire.
Pourtant, selon des sources moscovites informées de la rencontre, Poutine a bien placé la Russie au centre d’une possible résolution, écartant ainsi Washington. L’équipe Trump 2.0 a été furieuse. Trump s’est vanté que l’Iran et Israël l’auraient appellé presque simultanément pour organiser un cessez-le-feu. C’est absurde : seul Tel-Aviv l’a fait. En réaffirmant clairement que la Russie soutiendra l’Iran, Poutine a indirectement offert une porte de sortie à Trump.
Fidèle à lui-même, le directeur du cirque a sauté sur l’occasion pour vendre son propre cessez-le-feu, à la manière d’une émission de téléréalité. Et cela seulement deux jours après s’être réjoui que le programme nucléaire iranien ait été “anéanti” (il insiste sur ce point alors même que les services du renseignement américains admettent que le programme n’a probablement été retardé que de quelques mois).
Un tabou suprême a été brisé
L’Iran a appris quelques leçons importantes à ses dépens, en payant un prix terriblement élevé. Téhéran s’est montré beaucoup trop transparent et raisonnable face à cette bande de gangsters : en autorisant l’AIEA à surveiller ses installations nucléaires, ce qui s’est avéré être un moyen pour Israël d’accumuler de précieuses informations, et en croyant à la diplomatie et au respect des accords purement et simplement bafoués.
Il n’y a plus de diplomatie lorsqu’il s’agit de traiter avec le Léviathan/Béhémoth impérial, surtout lorsqu’il constate avec horreur que son empreinte s’amenuise dans tout le Sud.
Sur le plan intérieur, cependant, l’Iran passe à la vitesse supérieure. Au moins trois factions se font face : l’ayatollah Khamenei et son cercle restreint, plus le CGRI. Les réformistes, incarnés par la présidence modérée de Pezeshkian. Et ceux que l’on pourrait qualifier de nationalistes laïcs, qui veulent un Iran fort, mais pas une théocratie.
Le CGRI détient désormais tout le pouvoir. La défense de la patrie contre l’axe sioniste meurtrier, y compris l’Empire, a cristallisé un sentiment généralisé d’unité nationale et de fierté. Tous les pans de la société iranienne – 90 millions de personnes, que quelqu’un le dise à ce pathétique Marco Rubio – se sont ralliés autour du drapeau.
Conceptuellement, le cessez-le-feu – dont personne ne sait combien de temps il durera – est défavorable à l’Iran, car il lui fait perdre sa capacité de dissuasion en pleine expansion. Israël va fébrilement réapprovisionner ses défenses aériennes tandis que l’Iran, seul, aura besoin de mois, voire d’années, pour se reconstruire.
Le modus operandi impérial reste le même. Le directeur du cirque a vu se profiler une humiliation monstrueuse – quelque chose comme le Vietnam d’Israël : il a donc annoncé un cessez-le-feu unilatéral et a pris la fuite.
Mais la configuration des prochaines batailles a changé. Si Washington décide de nouvelles escalades ou recourt à la pratique éprouvée des proxies terroristes, l’Iran, en tant que leader de facto de la Résistance, ripostera résolument. Le mythe de l’invincibilité génocidaire a été brisé à tout jamais. L’ensemble du Sud global l’a bien compris et en tire désormais les conclusions qui s’imposent.
La question reste ouverte de savoir si Téhéran finira par opter pour le modèle nord-coréen afin de contrer la mise en place, jusqu’ici infructueuse, du modèle libyen et/ou syrien. L’enrichissement d’uranium se poursuivra, avec un rebondissement digne d’un film noir : personne ne sait où est l’uranium.
Comme on pouvait s’y attendre, l’Empire du chaos ne s’arrêtera jamais, à moins que l’ensemble du Sud global ne s’unisse avec une volonté et la force nécessaires pour l’en empêcher. Les conditions ne sont pas encore réunies.
Quant au cessez-le-feu entre l’Iran et Israël, il ne marque pas la fin de la guerre. Au contraire, il signifie la fin – incertaine – de la première bataille. Les chiens et les hyènes de guerre reviendront tôt ou tard. Le sang sera encore versé. Mais au moins, un tabou suprême aura été brisé : le culte mortifère qui règne en Asie occidentale a bel et bien été atteint en plein cœur.
Source originale :
Traduction et source : https://ssofidelis.substack.com/p/le-kabuki-du-cessez-le-feu
URL de cet article : https://lherminerouge.fr/le-kabuki-du-cessez-le-feu-sfos-25-06-25/