
Les tensions montent entre l’exécutif et les collectivités locales, alors que doit se tenir à Paris le Congrès des maires, du 18 au 21 novembre. Michel Barnier s’est dit prêt à atténuer les économies demandées, sans convaincre.
Par Cyprien CADDEO.
Catherine Vautrin doit essuyer la tempête que le gouvernement a provoquée. La ministre du Partenariat avec les territoires est attendue les armes à la main par les élus locaux qui se réunissent, du 18 au 21 novembre, à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine) pour la partie consacrée aux outre-mer, puis à Paris, à l’occasion de la 106e édition du Congrès des maires. Elle devra défendre le projet de loi budgétaire porté par Michel Barnier et les 5 milliards d’euros d’économies demandées à des collectivités locales déjà exsangues.
À tous les étages de l’édifice administratif local, cette nouvelle cure d’austérité est vécue comme le coup de butoir de trop. Un budget « inadmissible, incompréhensible et injuste », a résumé le président des départements de France, François Sauvadet (UDI).
Côté régions, le ton est le même. « Le projet de Michel Barnier est injuste et lourd de conséquences pour les territoires, déplore la présidente socialiste d’Occitanie, Carole Delga, qui verrait son budget amputé de 187 millions d’euros. D’autant plus que nous avons joué le jeu dans l’après-Covid en augmentant nos investissements de 26 %. » Illustration par l’exemple de cette injustice : dans la région méridionale, l’austérité se traduira par le désengagement partiel de l’investissement sur le rail, alors que le retour des petites lignes, alternatives au tout-voiture, est un jalon de la transition écologique.
La « main tendue » de Barnier et Larcher
Mais c’est du côté des maires que le cri d’alarme est le plus retentissant, les édiles étant en première ligne et en contact direct avec la population pour constater l’effet de l’effondrement des services publics communaux. Des finances réduites se traduisent automatiquement par des choix radicaux et délétères. « C’est un risque d’augmentations tarifaires, de fermetures de services, d’aides minorées pour les associations, de reports, voire d’annulations de constructions d’équipements publics comme une crèche, une école, une aire sportive », résume dans Ouest-France Gilles Leproust, maire PCF d’Allonnes (Sarthe) et président de l’association Ville & Banlieue de France. Des choix cornéliens et mal vécus, quoi qu’il arrive, par les habitants.
Face à cette fronde largement transpartisane, le gouvernement et la coalition majoritaire Macronie-LR ont tenté de montrer des signes d’ouverture, ces derniers jours. Le premier ministre, Michel Barnier, s’est dit, vendredi 15 novembre, prêt à une « diminution significative » des efforts demandés aux départements, après que certains ont agité la menace d’une « grève » du versement du RSA et de la prise en charge des mineurs non accompagnés (via l’aide sociale à l’enfance), deux dispositifs qui relèvent de leurs compétences.
Puis, dimanche 17 novembre, dans l’hebdomadaire d’extrême droite le JDD, le président LR du Sénat a appelé à réduire l’enveloppe demandée aux collectivités de 5 milliards d’euros à 2 milliards. La chambre haute, où la droite est majoritaire, est le réceptacle privilégié des colères des élus locaux – ces derniers composent le collège électoral des sénateurs.
« Décoloniser les collectivités »
Ces inflexions apparentes ne suffisent pas à rassurer André Laignel. « Cela reste flou et, quand c’est flou, il y a un loup. Le gouvernement a conscience qu’il y a une colère forte et tente surtout d’atténuer la potion amère, soupire, désillusionné, le vice-président (PS) de l’Association des maires de France (AMF). Mais, même s’il suivait les recommandations de Gérard Larcher, on serait loin du compte et cela resterait le pire budget, pour les collectivités, qu’on ait jamais eu. »
Pour celui qui est aussi, depuis 1977, maire d’Issoudun (Indre), la facture présentée par le gouvernement est de surcroît erronée. « Cinq milliards, c’est un mensonge d’État ! » gronde-t-il. Selon le calcul des élus locaux de l’AMF et de nombreux parlementaires, l’effort demandé par l’État se chiffrerait plutôt entre 10 et 11 milliards d’euros, en prenant en compte les charges et les normes nouvelles, ainsi que les crédits annulés.
« Tous les jours, on découvre de nouvelles lignes de budget, s’agace encore André Laignel. On réclame par exemple 500 millions d’euros d’économies aux outre-mer, alors qu’on voit bien quelle est la situation sociale là-bas… » Le vice-président de l’AMF appelle ainsi, dans les territoires ultramarins comme en Métropole, à « décoloniser les collectivités locales ». C’est-à-dire « à cesser ce mépris qui consiste à nous considérer comme des variables d’ajustement ou des supplétifs de la politique de l’État ».
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