
Agriculteurs. « La loi Duplomb consacre une capitulation politique, celle de la bifurcation écologique », dénonce la députée LFI Aurélie, présidente de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale. Ce 26 mai 2025, l’Assemblée nationale commence l’examen de la proposition de loi Pesticides, dite « Duplomb ». Prétendant répondre à la crise profonde qui touche l’agriculture française, elle ne permettra toujours pas à ceux qui travaillent la terre et nous nourrissent, de vivre dignement, avec des revenus décents. Cette loi vise notamment à l’introduction des néonicotinoïdes, des pesticides tueurs d’abeilles, dangereux aussi bien pour la biodiversité que pour ceux qui les utilisent, dans un contexte où les cancers pédiatriques sur les enfants se multiplient partout en France.
Cette proposition de loi contient également de nombreuses régressions environnementales. Elle prévoit de mettre sous-tutelle l’Office Français de la Biodiversité et de supprimer l’ANSES, qui permet d’évaluer les risques sanitaires liés aux pesticides. « La voie choisie est claire : non pas la protection d’une agriculture familiale respectant des normes ambitieuses, mais une restructuration accélérée vers une agriculture de très grandes exploitations pilotées par des managers, jouant sur les économies d’échelle et l’accaparement des ressources pour tenir face à la concurrence international », résume Aurélie Trouvé. L’insoumission relaie dans ses colonnes sa tribune, publiée dans Le Monde.
Pesticides : « La loi Duplomb consacre une capitulation politique, celle de la bifurcation écologique »
Avons-nous, en tant que législateurs, déjà renoncé ? C’est la question brutale, mais légitime, que soulève la proposition de loi « visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur » (autrement nommée « loi Duplomb » [du sénateur Les Républicains (LR) de la Haute-Loire Laurent Duplomb]). Car sous ses airs de texte technique et de bon sens rural, elle consacre en réalité une capitulation politique : celle de la bifurcation écologique.
Ce texte nous dit ceci : la bifurcation, on ne sait pas faire, alors tant pis. Tant pis pour les enfants qui naîtront avec des malformations. Tant pis pour les agriculteurs piégés dans un modèle à bout de souffle, avec des rendements qui s’effondrent à force de monoculture et de résistance aux produits phytosanitaires. Tant pis pour les abeilles, qui pollinisent pourtant les trois quarts des cultures que nous mangeons, et que l’on condamne à mort en réautorisant des substances comme l’acétamipride.
L’agrobusiness peut compter sur un obscurantisme insidieux, qui gagne en puissance au sommet de l’Etat : la ministre de l’agriculture affirme que l’acétamipride ne créerait « pas de désordres observés sur la mortalité et le comportement des abeilles », quand bien même le contraire a été largement prouvé par les études scientifiques sur le sujet.
La substance peut persister plus de 60 jours dans l’environnement. Il y a tout juste un an, l’Agence européenne de sécurité sanitaire révisait drastiquement les seuils de résidus tolérables dans l’eau et l’alimentation humaine – en les divisant par 5 –, et appelait à poursuivre les recherches quant aux risques de neurotoxicité de la molécule.
Pour aller plus loin : « Le salon de l’Agriculture rouvre ses portes, les agriculteurs vont toujours aussi mal » – Aurélie Trouvé dénonce la culpabilité de Macron
Une soumission à la concurrence internationale
L’abdication, gouvernementale comme parlementaire, est justifiée au nom de la souveraineté alimentaire. Mais il n’y a pas de souveraineté alimentaire quand la reproduction des plantes alimentaires et la santé des travailleurs de la terre sont sacrifiées pour une toute petite minorité de producteurs. Ni dès lors que les fermes-usines, facilitées par la loi Duplomb, accapareront la terre au détriment de l’agriculture familiale.
La loi Duplomb, c’est aussi l’abandon de la souveraineté du peuple français. Ses défenseurs, jusqu’à l’extrême droite, ne cessent de fustiger la « surtransposition », c’est-à-dire le choix du législateur français de faire mieux que le plancher imposé par Bruxelles, plus petit dénominateur commun des Vingt-Sept le plus souvent. Ils proposent donc de se plier systématiquement aux normes moins-disantes de l’Union européenne, quitte à mettre en danger notre santé et nos écosystèmes !
Cet abandon de souveraineté est en fait une soumission à la concurrence internationale. En commission, une majorité de députés a ainsi rejeté un amendement pour interdire l’importation de produits traités avec des pesticides interdits en France. La voie choisie est claire : non pas la protection d’une agriculture familiale respectant des normes ambitieuses, mais une restructuration accélérée vers une agriculture de très grandes exploitations pilotées par des managers, jouant sur les économies d’échelle et l’accaparement des ressources pour tenir face à la concurrence internationale.
Recherche démonétisée
Pour s’imposer, la loi Duplomb consacre un nouveau vocabulaire : le droit devient une contrainte, les protections (de la santé et du vivant) deviennent des entraves (pour les agriculteurs). La science, la santé, la démocratie environnementale ne sont plus des boussoles, mais des obstacles. La recherche est démonétisée, les agences sont court-circuitées, le doute scientifique est instrumentalisé.
Enfin, la loi Duplomb peut compter sur l’influence de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) retrouvée auprès des élus, même si ses résultats aux dernières élections des chambres d’agriculture n’ont jamais été aussi faibles.
Face à cette capitulation, notre responsabilité est immense. Il existe une autre vision, que nous défendons : celle qui considère que le vivant et l’humain ne sont pas négociables. Celle qui s’appuie sur la science. Celle qui choisit la bifurcation et protège celles et ceux qui doivent la faire. La bifurcation écologique est une nécessité pour toutes et tous.
Mais pour qu’elle ne soit pas vécue comme une punition par les agriculteurs, elle doit reposer sur un nouveau compromis entre eux et la société, entre eux et l’Etat : la bifurcation contre la protection. La loi Duplomb entérine l’inverse : la résignation sans protection.
Lors de la semaine d’examen de la loi dans l’Hémicycle, nous devrons refuser de signer cet acte de résignation.

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Source:https://linsoumission.fr/2025/05/26/agrobusiness-loi-duplomb-agriculteurs/
URL de cet article: https://lherminerouge.fr/le-plaidoyer-daurelie-trouve-contre-la-loi-pesticides-dite-loi-duplomb-dangereuse-pour-les-agriculteurs-et-les-citoyens-li-fr-26-05-25/