Le plan de licenciements d’Auchan, qui prévoyait 2400 suppressions d’emplois, invalidé par la justice (H.fr-23/09/25)

Cette décision est une mauvaise nouvelle pour le groupe, déjà épinglé à plusieurs reprises cette année pour son utilisation de l’argent public. © Marie Hubert Psaila/ABACAPRESS.COM

L’un des plus gros PSE de l’année vient d’être invalidé par le tribunal administratif de Lille. Une décision potentiellement historique, qui doit encore être confirmée, mais qui pourrait mettre la richissime famille Mulliez dans l’embarras.

Par Cyprien BOGANDA.

C’est un petit séisme qui s’est produit à Lille ce mardi. Le géant Auchan, propriété de la richissime famille Mulliez, qui avait enclenché l’un des plus gros PSE de l’année, a été désavoué par la justice : le tribunal administratif a invalidé la restructuration prévoyant 2 389 suppressions d’emplois. La direction du groupe a fait appel, « l’affaire sera rejugée par la cour administrative d’appel de Douai, qui rendra un arrêt dans les trois mois», a-t-elle indiqué dans un communiqué.

Dans le détail, le tribunal administratif de Lille estime que la direction n’a pas respecté la procédure. Par exemple, ce PSE, conclu au niveau du groupe et signé en mars 2025, aurait dû être signé par les représentants syndicaux de chacune des cinq composantes du groupe. « Un article du Code du travail prévoit qu’un accord d’entreprise peut être signé au niveau du groupe, nous précise Judith Krivine, l’une des avocates des salariés. Mais dans le cas d’un PSE, pour que ce dernier soit valable, il faut que les délégués de chacune des entités composant le groupe (entreprise ou unité économique et sociale) le signent également. » Dans le cas d’Auchan, la direction avait considéré qu’une signature des seuls délégués de groupe suffisait.  

Une très mauvaise nouvelle pour les Mulliez ?

La décision du tribunal administratif, que nous avons consultée, contient une autre bombe, qui pourrait embêter la famille Mulliez, à en croire Damien Condemine, avocat de la CGT. La justice a estimé qu’Auchan Retail France s’était limité à fournir aux élus du personnel des informations économiques concernant l’ensemble des sociétés placées sous le contrôle de Suraumarché, l’une des têtes de pont de l’empire Mulliez qui s’occupe des supermarchés. Il aurait fallu fournir des informations plus étendues, et inclure trois sociétés, Acanthe, Valorest et Cimofat.  

Pour comprendre la portée de cette décision, il faut rappeler comment est structurée la tentaculaire galaxie Mulliez (Auchan, Decathlon, Jules, Boulanger, Saint-Maclou…), qui occupe une place de poids dans l’économie française. Au sommet, l’association familiale Mulliez (AFM) chapote l’ensemble. A l’étage du dessous, trois sociétés, Acanthe, Valorest et Cimofat, détiennent chacune environ 30% de holdings organisant la galaxie par secteur d’activité : supermarchés, magasins de bricolage, etc. C’est par le truchement de cet organigramme complexe que les Mulliez considèrent que leur galaxie ne constitue pas un «groupe» en soit. Et que donc, en cas de PSE frappant une entité, il ne peut exister de solidarité entre les différentes filiales.   

«Jusqu’à présent, à chaque fois qu’un PSE visait une entité, on tenait compte uniquement de la situation financière de l’entité visée, résume Damien Condemine. Mais le tribunal administratif de Lille vient d’affirmer au contraire que les élus du personnel devaient être informés de la situation économique de toutes les entreprises de la galaxie. Autrement dit, demain, il se peut que lorsqu’un PSE concernera Auchan, on regardera comment se porte Decathlon (qui engrange les bénéfices, ndlr)…C’est une décision potentiellement historique, qui doit encore être confirmée en appel.»   

Cette décision, si elle était confirmée, pourrait en tout cas permettre aux salariés déjà licenciés de se retourner contre la direction devant les prud’hommes et d’obtenir des indemnités, au moins équivalant à six mois de salaires. Ils pourraient également tenter d’obtenir leur réintégration.

De son côté, la direction du géant de la grande distribution assure que son PSE n’est pas remis en cause sur le fond. À l’issue d’une précédente audience, elle expliquait qu’il s’agissait d’une « contestation sur un manque d’informations alors même que l’accord a été signé à 75 % par les organisations syndicales présentes dans l’entreprise et cela après 6 mois de procédure, de dizaines de réunions et cinq expertises économiques et sociales ».

Des centaines de millions d’euros d’argent public

Il n’empêche que cette décision est une mauvaise nouvelle pour le groupe, déjà épinglé à plusieurs reprises cette année pour son utilisation de l’argent public. Devant la commission d’enquête sénatoriale pilotée par Fabien Gay (également directeur de l’Humanité), la direction avait fait preuve en mars 2025 d’une (rare) volonté de transparence. Dans son audition, Guillaume Darrasse, directeur général d’Auchan Retail et président d’Auchan France, avait révélé que le groupe avait perçu « 636 millions d’euros d’aides fiscales», principalement sous forme de crédit impôt compétitivité emploi (CICE) et d’allègements de cotisation sociales.  

Le dirigeant avait affirmé que cette manne avait bénéficié aux salariés, par le biais d’une amélioration des conditions de travail, de recrutements et de primes. Mais les premiers concernés restent dubitatifs. Il faut dire que selon des données récupérées par l’Humanité en novembre 2024, les effectifs d’Auchan Retail France ont fondu entre 2019 et 2023, passant d’environ 64 700 à moins de 55 000, soit 9 700 postes détruits. Comme souvent, les aides publiques ne suffisent pas à éviter la casse sociale…

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Source: https://www.humanite.fr/social-et-economie/auchan/le-plan-de-licenciements-dauchan-lun-des-plus-gros-de-lannee-invalide-par-la-justice

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/le-plan-de-licenciements-dauchan-qui-prevoyait-2400-suppressions-demplois-invalide-par-la-justice-h-fr-23-09-25/

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