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« Parce que, camarades, quand un mouvement de masse se construit sur une ligne de rupture, on ne regarde pas ailleurs, on y va à fond. » Jérôme Legavre député POI-LFI-NUPES
Nous voudrions revenir sur un fait politique à propos duquel peu de choses ont été dites.
Le POI (parti ouvrier indépendant) a un député à l’Assemblée nationale. C’est Jérôme Legavre qui est député de la 12e circo de Seine Saint Denis.
Le POI s’est rapproché de la France Insoumise depuis 2017 et participe en 2022 à son « parlement » de l’Union populaire.
Le POI prend sa place au sein du rassemblement et se rend utile par son expérience politique, ses relais syndicaux (en particulier à FO), ses locaux et permanences mis à la disposition de la FI, son service d’ordre efficace mais aussi par la cohérence de ses interventions politiques qui tranchent avec le « gazeux » ambiant.
C’est que le POI est l’héritier direct d’un des principaux courants trotskistes en France. Il est issu du parti ouvrier internationaliste (POI- section français de la IVe internationale) fondé en 1938. Puis vint le temps des scissions légendaires du mouvement trotskiste…Réunifiés brièvement en 1945 au sein d’un POI, les trotskistes se divisent de nouveau.
En 1952 a lieu la « grande scission » entre lambertistes* (dont le POI actuel est l’héritier) et les pablistes* (dont le NPA actuel – ex-LCR- est l’héritier). Cela étant la scissionite poursuit son oeuvre, le POI a connu sa dernière scission avec le POID (2015) et le NPA avec Révolution permanente (2021). Sans parler des groupuscules indépendants (une bonne dizaine au minimum) et des tendances au sein des orgas existantes (une dizaine aussi).
Tout cela pour en revenir à notre député trotskiste, sans doute une première historique en France et dans bien d’autres pays.
Comment un petit groupe, même s’il a plus de 80 ans, a-t-il pu par son intelligence politique parvenir à ce résultat?
Signalons quelques facteurs d’explication.
L’effondrement et le déclin du Parti communiste français. Pour les trotskistes un espace se libère. Mais le mouvement est contradictoire. Si les trotskistes ont toujours été anti-communistes dans le sens d’une assimilation du communisme organisé (le MCI) au stalinisme, ils sont considérés aussi comme des communistes et donc subissent les effets de l’échec du « socialisme réellement existant ». Le trotskisme comme « communise chic » comme le décrivait Cavanna reste un communisme et l’histoire de l’ armée rouge, la répression de Kronstadt comme la volonté de militariser les syndicats ne présage pas de la part du fondateur, Lev Davidovich Bronstein, qu’il eut été autre chose qu’un autre Staline, le contexte historique pesant beaucoup plus que les personnalités.
Reste qu’à un moment donné (2002) ils arrivent (ensemble) à représenter environ 10% du corps électoral. Ce que les groupuscules des autres obédiences (orthodoxes, marchaisiens, maoïstes, hodjistes, etc) ne sont jamais parvenus à obtenir.
Mais l’apparition d’une gauche de gauche (Parti de Gauche, Front de gauche, France Insoumise) autour de Jean-Luc Mélenchon, ancien trotskiste lui-même, écrase le paysage politique à gauche et brise les rêves inconsidérés du mouvement trotskiste.
L’intelligence politique du POI a été de prendre en considération cette donnée politique. Et de jouer sa carte en accompagnant le mouvement. En soutenant Mélenchon et en mettant en valeur ce que le POI apportait sans exigences particulières. Ces trotskistes, qui ont toujours proclamé leur référence au Front unique contre le Front populaire, comprenait – enfin! – ce que signifiait une dynamique politique. D’autres, tels les jdanoviens et d’autres orthodoxes, qui soutenaient Mélenchon en 2017 ont pris le chemin inverse se réclamant du Front populaire mais en tournant le dos à son incarnation (imparfaite, il manque le mouvement syndical) au XXIe siècle à savoir l’Union Populaire et sa traduction institutionnelle la NUPES.
Il semble que le NPA, débarrassé de son aile sectaire, veuille aussi prendre acte de rapports de forces incontestables et porteurs, possiblement et non inéluctablement, d’une alternative de transformation sociale.
Soulignons aussi la capacité du POI de conserver son autonomie. Ainsi Jérôme Legavre est le seul député à voter contre une proposition de résolution affirmant le soutien militaire de l’Assemblée nationale à l’Ukraine, estimant que l’aide militaire alimentait la guerre, cohérent avec la dénonciation de la guerre impérialiste. Il déclare que Zelenski « ne défend pas le peuple ukrainien et est le représentant d’un système qui amasse des fortunes colossales sur la base du pillage et de la destruction de tous les droits. »
On aurait aimé constater la même compréhension de la situation politique et des ouvertures qu’elle permet de la part des autres composantes se réclamant du marxisme. Ce n’est pas le cas. Au contraire certains passent leur temps à proférer des imprécations contre les Insoumis.
Seul aspect préjudiciable: le POI s’affirme, vis à vis de son dominant partenaire de la FI, grâce à son organisation, à son « centralisme démocratique », à sa discipline, à la diffusion systématique de son journal, son militantisme issu de la matrice bolchevique. Ce qui fait que le POI n’est pas pressé de voir la France Insoumise se doter d’une véritable organisation de combat militant et démocratique puisque, tant que c’est « gazeux », ce qui est le plus solide se rend d’autant plus utile…Un esprit de chapelle survit encore.
En tous les cas, une leçon politique que certains devraient méditer.
Auteur : Antoine Manessis.
* Pierre Boussel, plus connu sous son pseudonyme de Pierre Lambert ou tout simplement Lambert (1920-2008).
* Michalis Raptis plus connu sous le pseudonyme de Michel Pablo (1911-1996).
Source : Le POI et l’Union Populaire – NBH-pour-un-nouveau-bloc-historique.over-blog.com