
La puissance coloniale ne lâche rien. Sa crise est terrible, mais elle n’entend pas céder du terrain. Ni en Kanaky, ni à Mayotte d’ailleurs. Liberté immédiate pour Christian Tein et ses camarades !
Par Gérard BAUVERT.
Le nouveau maître des colonies a adressé une lettre « aux élus et institutions de Nouvelle-Calédonie », cosignée par Bayrou. Ce que dit cette lettre en résumé : soit vous vous engagez à « réaliser les réformes » jusqu’au bout et nous finirons le versement du « prêt pour la reconstruction », soit vous serez punis. Ajoutons que dans toutes les hypothèses, comme il s’agit « d’un prêt », la punition sera au rendez-vous.
Un petit retour en arrière pour comprendre le scenario ourdi par l’État colonial français.
Acte I
Fin novembre, le président du gouvernement calédonien, l’indépendantiste Louis Mapou, passe une dizaine de jours à Paris, à la tête d’une « délégation transpartisane ». À ce moment, Barnier est encore Premier ministre. Lui-même, Macron et les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat français passent un accord avec la « délégation transpartisane ». Louis Mapou se déclare à l’époque satisfait de son voyage. Le deal : l’État se portera garant d’un prêt de 27 milliards de francs Pacifiques (1 euro équivaut à 119,33 francs Pacifique) si trois réformes sont mises en œuvre. L’augmentation de la CSG ainsi que de la TVA locale (TGC) et l’instauration d’un jour de carence pour les fonctionnaires.
Acte II
Le gouvernement calédonien de Louis Mapou et une majorité des forces politiques du pays approuvent les trois mesures, non sans turbulences.
Acte III
Le Président indépendantiste est contraint à la démission ainsi que l’ensemble des onze membres de son gouvernement. Entre-temps, M. Barnier est tombé suite à une motion de censure. Ainsi, « faute de temps » la troisième mesure exigée par l’Élysée (l’augmentation de la TVA locale) n’a pu être approuvée – le gouvernement calédonien étant tombé. Quant à la puissance coloniale, elle n’a pas de budget non plus.
Acte IV
Manuel Valls, devenu gouverneur colonial, prend sa plume et menace les élus et collectivités de Nouvelle-Calédonie dans une lettre le 20 décembre 2024. Il confirme le versement de « l’aide d’urgence » et précise qu’« il trouve regrettable l’absence de vote sur la TGC » et indique en conséquence que « considérant que deux des trois conditionnalités requises avaient été adoptées » et que « la plupart des forces politiques du congrès étaient engagées dans une démarche de soutien aux réformes proposées les deux tiers de l’aide versée », au lieu de 27 milliards de francs Pacifiques ce sera 18 milliards. Prêt à rembourser bien sûr. Un diktat aux institutions de Nouvelle-Calédonie qui n’a rien à envier à ceux imposés par le FMI dans toutes les régions du monde (Afrique, Amérique latine, Europe…).
Ainsi, le gouvernement calédonien a eu beau adapter deux des mesures décidées par l’Élysée. Deux, ce n’est pas trois. Et un prêt, de toute façon, cela se rembourse. À bon entendeur.
Acte V
9 janvier 2025, nouveau gouvernement dirigé par Alcide Pongo soutenu par les loyalistes (parti des colons) et les différentes variantes de droite dite classique et locale. Alcide Pongo déclare : « Il faut aller vers l’austérité, on sera obligé. On est capable d’aller chercher des économies partout. » Certes, mais l’un de ceux qui viennent de le désigner à la tête du gouvernement déclare d’emblée qu’il a deux lignes rouges « les milliards du prêt que nous refusons parce que nous voulons que ce soient des aides et « deuxième » ligne rouge « pas d’augmentation des impôts en contrepartie des aides ».
Le lendemain de la désignation du nouveau président Pongo le congrès décide que ce 10 janvier, la réforme de la TVA ne sera pas examinée avant la semaine suivante. La chaîne Nouvelle-Calédonie la 1re : « Le congrès calédonien préfère botter en touche ».
Les tractations pour les postes de ministre vont bon train et tant qu’un vice-président n’est pas désigné aux côtés d’Alcide Pongo, rien n’est possible.
La crise du régime en France accélère la dislocation de la Nouvelle-Calédonie
Et cette dernière à son tour aggrave et rejaillit sur les donneurs d’ordre de la puissance coloniale.
Référendums, coups tordus, répression, rien n’y fait, le système est aux abois1? La puissance coloniale ne lâche rien. Sa crise est terrible, mais elle n’entend pas céder du terrain. Ni en Kanaky, ni à Mayotte d’ailleurs.
Mais surtout elle raccourcit la laisse autour des colonies et elle serre davantage encore le collier autour du cou du peuple kanak, étranglé, étouffé. Tant que la Kanaky sera dans les griffes de l’État colonial français d’une façon ou d’une autre l’exploitation, la misère, le mépris et la répression s’exerceront.
Mais que devient Christian Tein, président du FLNKS ? Que deviennent ses camarades du CCAT qui comme lui croupissent en prison en France depuis 8 mois. Présumés innocents, ils sont exilés à 17 000 km de leur foyer. Que deviennent-ils ? Car un silence aussi épais qu’étrange (qui ne date pas d’aujourd’hui d’ailleurs) s’est installé. S’agirait-il d’un odieux consensus qui tel une chape de plomb aurait été scellé dans les coulisses du pouvoir élyséen ? Bien entendu les avocats des prisonniers kanaks, leurs camardes de lutte, leurs familles les soutiennent, agissent, les aident. Mais peut-on penser que cela suffira pour qu’ils retrouvent la lueur du soleil, celle de leur pays ?
Assez de tergiversations : liberté immédiate pour Christian Tein et ses camarades. Assez du silence complice. Le Cicr avec des centaines de militants, des syndicalistes, des députés s’est adressé au ministre de la Justice pour être reçus.
C’est urgent.
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