
Dans les hôpitaux rendus exsangues par une politique de fermeture de lits, les « plans blancs » se multiplient, sous prétexte de l’épidémie de grippe. Les personnels dénoncent cette situation et, dans plusieurs établissements, obtiennent la satisfaction de leurs revendications.
Par Marie-Paule LEMONNIER
Le 10 janvier, 87 établissements hospitaliers en France ont déclenché un plan blanc pour faire face à l’afflux de malades dans leurs services d’urgence, à la suite de l’épidémie hivernale de grippe1, un décompte qui augmente de jour en jour.
Ces plans blancs permettent aux hôpitaux de déprogrammer les opérations jugées non urgentes, de rappeler les personnels en congés et de les affecter dans des services qui ne sont pas les leurs. Initialement prévu pour faire face à une catastrophe exceptionnelle (accident, attentat…), le plan blanc, déclenché été comme hiver, est devenu banal, intégré dans le fonctionnement « normal » de l’hôpital pour faire face à un grand nombre de passages aux Urgences.
Les personnels déplacés dont les congés sont supprimés, les malades dont les interventions sont reportées deviennent ainsi les variables d’ajustement pour que l’hôpital, rendu exsangue par une politique de restriction budgétaire et de fermeture de lits, ne peut faire face à une épidémie de grippe hivernale pourtant prévisible.
« Le problème majoritaire, c’est le manque de lits d’hospitalisation »
Le nouveau ministre de la Santé, Yannick Neuder, a reconnu que cette multiplication de plans blancs « traduit bien l’état de tension dans lequel se retrouve notre système de santé… Une de mes priorités sera de favoriser tout ce qui peut produire du soin sur le territoire », pour « éviter le recours systématique aux urgences ». (AFP, 7 janvier). Ce même Yannick Neuder était rapporteur en décembre 2024 de la commission mixte paritaire de l’Assemblée nationale pour le PLFSS (Projet de loi de financement de la Sécurité sociale) 2025 qui prévoyait le maintien de l’étranglement financier des hôpitaux. Le vote-censure de ce projet de loi, que le gouvernement voulait imposer par le 49.3, a fait tomber le gouvernement Barnier.
Ainsi, pour le ministre, les responsables de l’état de tension du système, ce seraient les patients « qui ont un recours systématique aux urgences » tandis qu’une campagne nationale cherche à stigmatiser la population qui n’est pas vaccinée.
Pas un mot du ministre sur les fermetures de lits alors que c’est bien là qu’est le problème.
103 000 lits d’hospitalisation ont été fermés en 20 ans dont 30 000 entre 2017 (date de la première élection d’Emmanuel Macron) et 2023, selon le rapport d’octobre 2024 de la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques), et comme le pointe du doigt Agnès Ricard-Hibon, porte-parole du syndicat Samu-Urgences de France, « Le problème majoritaire, c’est le manque de lits d’hospitalisation, comme toujours » (AFP).
Le 7 janvier, à l’hôpital Tenon (Paris), 20 patients, dont l’état de santé nécessitait une hospitalisation, attendaient une place sur des brancards. « Ce ne sont pas des gens qui attendent qu’on les examine, ce sont des gens qui ont été examinés et pour lesquels on attend un lit et qui peuvent rester plusieurs jours sur ce lit brancard. » précise Gilles Pialoux chef du service des maladies infectieuses et tropicales le 8 janvier sur France info, alors que la mortalité des patients de plus de 75 ans augmente de 40 % après une nuit aux urgences, selon une étude de la SFMU (Société française de médecine d’urgence).
Résistance des personnels
Les personnels dénoncent cette situation, résistent avec leurs syndicats et font céder leur direction dans plusieurs hôpitaux.
Ainsi, après deux mois de grève, les personnels de l’hôpital Beaujon à Clichy-sous-Bois (92) ont obtenu la satisfaction de leurs revendications avec, entre autres la création, de quatre postes d’aides-soignants dont 3 24 heures sur 24.
A Villeneuve-Saint-Georges (94), le personnel des urgences a arraché la création de 14 postes après 11 jours de grève reconductible avec le soutien du syndicat CGT de l’hôpital, de l’union départementale et de la fédération CGT Santé Action sociale. Le taux de grévistes était de 100 %.
A Nantes (44), depuis début 2024, le syndicat Force ouvrière du CHU multiplie les communiqués de presse et les avis de danger grave et imminent devant les dégradations des conditions de travail et la mise en danger des patients. Plusieurs patients sont morts aux urgences faute de place dans l’hôpital, dont 4 cet été, bien avant l’épidémie de grippe, faute de place dans l’hôpital.
Les alertes du syndicat et la pression constante mise sur la direction ont permis l’obtention pour le service des urgences d’un poste d’infirmière de jour 7 jours sur 7, d’une infirmière de nuit 7 jours sur 7 et d’une aide-soignante de nuit 7 jours sur 7. Les services de néonatologie, de réanimation pédiatrique et de psychiatrie du CHU continuent la grève, dénonçant la mise en danger et la maltraitance à l’encontre des enfants y compris des bébés et réclamant l’ouverture de postes d’infirmières et aides-soignantes.
°°°°
Source: https://infos-ouvrieres.fr/2025/01/10/le-scandale-des-plans-blancs-a-repetition-a-lhopital/
URL de cet article:https://lherminerouge.fr/le-scandale-des-plans-blancs-a-repetition-a-lhopital-io-fr-10-01-25/