
Après avoir été tant décrié, la fin est peut-être arrivée pour le SNU. Mais c’est loin d’être une bonne nouvelle.
C’était l’un des projets les plus emblématiques du premier quinquennat Macron : la militarisation des esprits devait passer par un embrigadement de la jeunesse. Inauguré par Gabriel Attal en 2018 alors qu’il était secrétaire d’État à l’éducation et la jeunesse, le Service National Universel était une sorte de vitrine de l’engagement des jeunes pour la nation. Une espèce de camp de vacances militariste, où le racisme et le sexisme se cumulaient au dressage de la jeunesse, à travers l’apprentissage de bonnes vieilles valeurs «républicaines» qui ressemblaient à s’y méprendre à celles du régime de Vichy.
Ce SNU, où les lycéens et lycéennes sont obligés de porter des uniformes et lever le drapeau tricolore encadrés par des militaires, est inspiré des «chantiers de la jeunesse», créés par le Maréchal Pétain. Sous l’Occupation, les jeunes français devaient accomplir, en uniformes, des travaux forestiers et autres tâches dans une ambiance militaire, encadrés par des soldats.
Oui mais voilà, le SNU se fondait jusqu’à présent sur le «volontariat». Et malgré toutes les démarches du gouvernement pour rendre le SNU attractif – en dispensant les élèves de seconde de stage en entreprise ou en donnant des points bonus sur Parcoursup par exemple – les candidat-es étaient bien peu nombreux-ses. Pire, le SNU recrutait une bonne partie de ses jeunes esprits à formater du côté des enfants de flics ou militaires : c’était prêcher à des convertis.
Un coût financier exorbitant (entre 2 et 3 milliards d’euros par an), des résultats à peu près nuls, mais des polémiques à n’en plus finir – agressions sexuelles par des militaires, propos racistes, blessures et malaises d’adolescents – et une image d’autoritarisme renforcée pour le gouvernement : il fallait arrêter les frais, le SNU faisait plus de mal que de bien à la macronie. La proposition de généraliser le dispositif, qui alimente les bruits de couloirs depuis des années, n’a jamais été populaire et paraissait plus que jamais impossible à réaliser. Pour autant, l’extrême droite capitalo-militariste reste au pouvoir, et elle n’en démord pas : «Nous sommes en guerre». Et puisque le pouvoir en a décidé ainsi, et il faut «réarmer» les corps et les esprits.
Le quotidien Libération annonçait ainsi, le 17 avril, la fin du SNU qui pourrait être remplacé par « un service militaire volontaire ». Loin d’être une bonne nouvelle, on se retrouverait avec une mesure récupérant le pire du SNU et évacuant les aspects « positifs » qui lui servaient de vitrine. Exit donc le volet « éducation populaire » ou l’engagement contre les discriminations, bonjour l’encasernement militarisé et l’intégration directe dans les contingents de l’armée. Le bruit court également d’une obligation de service pour accéder aux grandes écoles ou aux formations prestigieuses : le projet serait avant-tout de militariser les esprits des dirigeants, des décideurs, tandis que l’économie de guerre met au pas les classes populaires.
Partout en Europe, les gouvernants pensent à réintroduire le service militaire. Le 10 mars, un sondage commandé par le quotidien Ouest-France contribuait à alimenter la propagande de guerre : 61% des Français seraient «favorables au rétablissement d’une forme de service militaire obligatoire». Quelques jours plus tôt la chaîne LCI, possédée par le milliardaire Bouygues, diffusait un autre sondage expliquant que «57% des jeunes» seraient «prêts à s’enrôler en cas de guerre». Fin janvier, lors de ses vœux aux armées, Macron avait évoqué le «sens du sacrifice» dont devraient faire preuve les «jeunes générations» et son souhait de «mobiliser» davantage de jeunes volontaires «en renfort des armées». L’annonce du jour s’inscrit dans la même logique.
Dès 2023, le compte Twitter de l’armée française publiait des photos d’adolescents en tenues militaires avec des armes de guerre, avec la légende : «Enfiler le treillis et les rangers dès 15 ans pour vivre le quotidien d’un soldat ? Une vingtaine de jeunes l’ont fait dans le cadre de leur service national universel». Les enfants ont notamment appris à démonter puis et remonter des fusils d’assaut HK 416 F. Le SNU était une première étape pour habituer les lycéens à la guerre. Finalement, le gouvernement envisage directement d’incorporer les jeunes dans l’armée.
En Allemagne, le nouveau chancelier allemand Friedrich Merz annonce que son pays doit se préparer «au pire scénario» et envisage de remettre en place le service militaire. Alors qu’il était Premier ministre britannique, Rishi Sunak estimait que les jeunes de 18 ans pourraient choisir «entre un placement à temps plein de 12 mois dans les forces armées» ou «un week-end par mois pendant un an de volontariat au sein de leur communauté». Le nouveau gouvernement belge, qui comprend l’extrême droite, imagine aussi de remobiliser les jeunes dans son armée. Le Premier ministre polonais veut carrément créer un programme pour que tous les hommes en Pologne suivent une formation militaire. Il s’agit selon lui de «préparer une formation militaire à grande échelle pour que chaque homme adulte en Pologne soit formé en cas de guerre».
Pour le moment, un rétablissement du service militaire 2.0 n’est pas officialisé, mais faisons confiance au gouvernement pour choisir l’option qui sera la plus militariste et socialement dangereuse. Pourquoi faire mieux quand on peut s’enfoncer dans le pire ?
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Source: https://contre-attaque.net/2025/04/18/le-snu-est-mort-vive-le-service-militaire/
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