
Par Mikhail Gamandiy-Egorov
A ce titre, le Togo envisage sérieusement d’adhérer à l’union sahélienne. Quelles sont les chances de ce candidat potentiel ?
La Confédération des Etats du Sahel représente une alliance de plus en plus attractive non seulement pour un très large nombre de citoyens de nombreux pays africains, mais aussi et désormais pour les dirigeants de certains Etats de la région.
En mars de cette année, le ministre togolais des Affaires étrangères, Robert Dussey, avait annoncé la volonté de son pays à rejoindre l’Alliance-Confédération des Etats du Sahel (AES), qui regroupe le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Il avait notamment indiqué que l’option d’adhésion à l’Alliance des Etats du Sahel constituerait une décision stratégique susceptible de renforcer la coopération régionale et d’assurer l’accès maritime aux actuels pays membres de l’AES. Une démarche qui suscite l’intérêt et marque un tournant dans la politique africaine, avait-il ajouté.
la sortie potentielle du Togo de la Cedeao et son entrée au sein de l’AES représentent par la même occasion un renforcement de l’attractivité régionale, et pas seulement régionale
Les faits
Il convient de noter qu’après l’annonce du chef de la diplomatie togolaise, les avis au sein de la communauté des experts africains — tant dans les pays membres de l’AES que dans d’autres – étaient partagés. Certains ont vu dans ces déclarations un renforcement de l’autorité et de l’attractivité de l’Alliance-Confédération des Etats du Sahel auprès de ses voisins régionaux, tandis que d’autres se sont demandés si le Togo était réellement en phase avec les orientations et les priorités des leaders du Mali, du Burkina Faso et du Niger. Notamment en ce qui concerne un positionnement sans équivoque en faveur des valeurs panafricaines, de la lutte contre le néocolonialisme occidental et d’une alliance avec les principales forces de l’ordre mondial multipolaire, particulièrement la Russie.
Depuis lors, cette question est restée ouverte, mais sans attention prioritaire. Mais il y a quelques jours, elle est revenue dans l’actualité avec un développement fort intéressant. Comme l’écrit l’agence africaine d’informations spécialisée dans les questions économiques Agence Ecofin – ont été récemment publiés les résultats d’un sondage réalisé auprès des citoyens du Togo sur la question de l’adhésion de leur pays à l’Alliance-Confédération des Etats du Sahel.
Et les dits résultats, il faut bien le dire, sont très intéressants. Concrètement, plus de la moitié des citoyens togolais interrogés (54%) estiment qu’il serait préférable pour le Togo à quitter la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), dont sont d’ailleurs officiellement sortis cette année le Mali, le Burkina Faso et le Niger, et de rejoindre l’Alliance des Etats du Sahel. Ce résultat provient d’un sondage réalisé en novembre 2024 par Afrobarometer auprès de 1200 citoyens togolais de différentes régions du pays. 25% des citoyens du Togo interrogés sont quant à eux contre voire catégoriquement contre, et 21% ne sont ni pour ni contre, ou ne sont pas suffisamment informés de la question.
Le soutien est plus élevé en faveur de l’adhésion dans l’AES au sein des zones urbaines (59%). En ce qui concerne les régions administratives du pays, le soutien le plus élevé se trouve dans la région Centrale (74%), au niveau de la capitale du pays à Lomé Commune (64%) et dans la région des Savanes (60%), la région la plus septentrionale du Togo, partageant une frontière commune avec le Burkina Faso. Autres données intéressantes : à la question de savoir si les répondants considèrent l’Alliance des Etats du Sahel comme un obstacle pour l’intégration régionale en Afrique de l’Ouest, les avis des personnes sondées sont partagés. 39% déclarent qu’ils sont en désaccord ou en total désaccord avec ladite affirmation, 37% affirment qu’ils d’accord ou tout à fait d’accord, 24% ont choisi quant à eux comme réponse d’être ni en accord, ni en désaccord ou à ne pas être suffisamment informés.
Les perspectives
Comme le note Agence Ecofin, au moment où les relations entre l’AES et certains membres de la Cedeao sont devenues fort tendues, le Togo (membre de la Cedeao) renforce au contraire ses liens avec la nouvelle alliance. Ainsi, le port de Lomé, la capitale togolaise, est devenu un axe de transit stratégique pour les importations du Burkina Faso et du Niger, au détriment du port de Cotonou au Bénin.
En ce qui concerne maintenant les perspectives. D’une part, l’adhésion potentielle du Togo au sein de l’Alliance-Confédération des Etats du Sahel possède des avantages assez évidents. Le Togo, ayant l’accès à l’océan Atlantique au sud et une frontière commune avec le Burkina Faso au nord, peut contribuer à résoudre la question de l’accès maritime pour les pays membres de l’AES. Par ailleurs, la sortie potentielle du Togo de la Cedeao et son entrée au sein de l’AES représentent par la même occasion un renforcement de l’attractivité régionale, et pas seulement régionale, de l’alliance qui représente aujourd’hui l’un des principaux alliés de la Russie et du monde multipolaire sur le continent africain.
D’autre part, il est important de connaître les véritables motivations du Togo. Bien entendu, la République togolaise bénéficierait grandement du volet économique de l’interaction active avec les pays de l’AES. Pour autant, il faudrait aussi savoir si le Togo serait prêt à adhérer pleinement à l’agenda géopolitique et géostratégique du Mali, du Burkina Faso et du Niger dans le cadre d’une approche véritablement révolutionnaire, axée sur de véritables valeurs panafricaines, une rupture avec les régimes néocolonialistes occidentaux et une pleine adhésion à l’ordre mondial multipolaire. La question reste largement ouverte. Y compris d’ailleurs en tenant compte du fait que si ceux des Togolais interrogés qui sont contre la sortie de la Cedeao et l’adhésion à l’AES sont certes minoritaires, ils constituent néanmoins un quart des répondants. Il serait donc hautement souhaitable que le soutien parmi les Togolais en faveur de l’AES soit encore plus élevé qu’il ne l’est actuellement.
Compte tenu de tous ces facteurs, il est encore tôt pour évoquer la possibilité pour le Togo à pouvoir adhérer potentiellement au sein de l’Alliance-Confédération des Etats du Sahel. En revanche, si le Togo définit clairement à l’avenir ses orientations stratégiques et opte pour les mêmes orientations en termes de développement que le Mali, le Burkina Faso et le Niger, dans ce cas la candidature togolaise sera évidemment intéressante et nécessaire. Pour le moment, il est encore tôt à pouvoir aborder cette étape.
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