Le « trou » de la sécurité sociale, le déficit de l’hôpital public : un choix politique (PRC-25/05/26)

Macron, le 13 mai sur TF1, faisant écho à son 1er ministre, aux média et nombre d’économistes, est revenu sur le poids de « notre généreuse protection sociale… le cœur de la bataille c’est de garder une réforme des retraites efficace et de freiner les autres dépenses sociales…le financement repose trop sur le travail » et il demande « qu’une conférence sociale s’installe sur le financement de notre modèle social ».

L’objectif de Macron-Bayrou est de mener à son terme ce que tous les gouvernements, réformes après réformes, ont entrepris depuis sa création en 1945 : la casse de la Sécurité Sociale.

En 2024, le déficit des régimes de base de la sécurité sociale et de la solidarité vieillesse (FSV) s’élève à 15,3 milliards d’euros, en 2025 il devrait, selon les prévisions de la Cour des comptes, dépasser 22 milliards d’euros. (Les Echos, 17 03 2025).

La baisse de la « dette sociale » est le cheval de bataille enfourché par tous les tenants d’une « politique économique responsable » pour imposer une politique austéritaire qui ne bénéficie qu’aux profits du capital.

Leur argument, sans cesse répété, est que pour sauver la Sécurité Sociale il faut la réformer et la réformer c’est faire des économies. Le gouvernement Macron-Bayrou, la Cour des comptes, le Medef veulent imposer 20 milliards d’euros d’économies d’ici 2029…

En 2024, le déficit des établissements publics de santé a été de 3,5 milliards d’euros1. En réduisant encore le budget de la sécurité sociale c’est sciemment la casse du service public qui est programmée

Financement des dépenses de santé

  • Le PIB de la France entre 1980 et 2024 est passé de 453 milliards d’euros en 1980 à 2.917,4 milliards d’euros et la part des services public dans le PIB n’a pas augmenté « plus une société est riche, plus elle consacre de l’argent pour l’éducation, la santé, la culture …ce sont les terres d’excellence des services publics Il y a beaucoup plus de bacheliers aujourd’hui que dans les années 1980, on aurait donc dû consacrer plus d’argent à l’éducation. On ne l’a pas fait, la population vieillit on aurait dû augmenter les dépenses de santé2».  C’est une politique austéritaire qui s’est installée et aggravée année après année.
  • La Sécurité sociale, le service public de santé ont subi de plein fouet les conséquences de cette politique. A la fin des années 1980 La protection sociale était financés à 90% par les cotisations sociales des salariés et les cotisations sociales des entreprises payées avec les richesses crées par les travailleurs ; en 2021, la Sécurité sociale était financée à 79,5% par les cotisations sociales3 et en 2023 celles-ci ne représentaient plus que 48 % des recettes.
  • Le total des exonérations sociales en 2024 est de 91,3 milliards d’euros4, la baisse des recettes s’est accompagnée de son corollaire : la hausse de la CSG qui est passée de 116 milliards d’euros en 2018 à 147 milliards d’euros en 20235.

Macon, pour diminuer le « trou » de la sécurité sociale, ressuscite l’un des vieux serpents de mer du débat politique français6 : la TVA sociale. Elle a le soutien des organisations patronales Medef et CPME et donc du président. Elle consiste à réduire les cotisations sociales des entreprises, à augmenter le taux de la TVA C’est une taxe régressive qui pèse sur les classes populaires.

Le but des gouvernements droite, gauche, gauche-droite ou droite-gauche qui se sont succédés, ont comme objectif fondamental la maîtrise des dépenses de santé afin de de respecter les normes européennes de baisse des déficits. Tous les gouvernements ont mis en place la politique exigée par le capital, une politique de recul de la Sécurité Sociale et de privatisation du système de santé. 

Ils se sont dotés d’un outil pour limiter les dépenses de santé et les contrôler : l’Objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam)7. L’État fixe les objectifs en matière de Sécurité sociale et nomme les directeurs des Agences Régionales de Santé (ARS) et les directeurs des CHU chargés de les appliquer.

L’Ondam a généré une pénurie de moyens et l’étranglement budgétaire de l’hôpital. Les dotations aux hôpitaux publics ont toujours été inférieures aux évolutions inévitables des dépenses de santé (vieillissement de la population, innovations médicales, renouvellement des équipements et des infrastructures…).

Depuis 2010, les soins de ville dépassent régulièrement le budget qui leur est attribué, le respect de l’Ondam est obtenu par une amputation de l’enveloppe votée pour l’hôpital lui imposant des économies drastiques qui l’asphyxient financièrement.

Les hôpitaux publics paient une « taxe sur les salaires » de 5 milliards d’euros tous les ans, soit l’équivalent de 90.000 postes. Cet impôt ponctionne la masse salariale des personnels hospitaliers alors que les collectivités territoriales et les administrations publiques sont exonérées de la taxe sur les salaires.

En s’appuyant sur les Key performance Indicators (indicateurs-clés de performance) qui déterminent les décisions pour améliorer la rentabilité de l’hôpital, gérer les coûts et assurer la viabilité financière à long terme. Les directeurs des CHU, qui gèrent l’hôpital comme une entreprise et le soumet à des exigences de productivité et de rentabilité, suppriment des lits diminuent le nombre d’infirmières, d’aides-soignants, imposant à ceux qui restent des rythmes de travail accrus, associés à une gestion à tir tendu des soignants, qui peuvent être mobilisés à tout moment de façon imprévue dans n’importe quel service, alors que la spécificité et la technicité nécessaire à maîtriser est différente dans chacune des différentes spécialités. Ces conditions de travail entraînent une augmentation du taux d’absentéisme, les accidents de travail explosent depuis la suppression des CHSCT depuis 2022, des départs à la retraite anticipés par invalidité et des démissions provoquent des fermetures de lits et parfois même de service entier. Les suppressions de lits entraînent la réduction de personnels et la réduction de personnels des suppressions de lits…c’est un cercle vicieux !

La dégradation financière compromet directement la qualité des soins et les conditions de travail. Ce n’est pas une crise de l’hôpital public mais une casse de l’hôpital : l’objectif final est de livrer l’hôpital public au privé et la financiarisation du système de santé.

Financement des travaux bâtimentaires.

Pour tous nouveaux projets, le financement des travaux bâtimentaires se fait par l’auto-financement, les subventions publiques et par l’emprunt sur les marchés financiers à des taux exorbitant.

Le CHU de Toulouse pour des travaux de transformation, d’un montant de 550 millions d’euros, rembourse 60 millions d’euros par an, dont 12 millions d’intérêts, aux banques commerciales, soit l’équivalent de plus de 1.000 postes ; la reconstruction du CHU de Caen : 572 millions d’euros, subventionnés à 70% par l’État ; CHU de Reims montant des travaux 564 millions d’euros, financés à 30% par l’État ; CHU de Rennes 585 millions d’euros 87 millions d’euros d’aides de l’État.

La palme revient au CHU de Nantes, le transfert de l’hôpital sur l’Île de Nantes8 est un des projets publics les plus coûteux de ces dernières années. Le coût prévisionnel évalué, à l’origine à 953 millions est passé aujourd’hui à 1,25 milliards d’euros, un dérapage de 240 millions d’euros. Les travaux sont financés : par l’État pour 175 millions (14%), par l’Agence régionale de Santé 23 millions (1,84%), par l’emprunt : 636 millions et 1/3 par autofinancement, soit 416 millions d’euros. La Chambre régionale des comptes des Pays de la Loire9 a produit un second rapport alarmant sur les conditions dans lesquels le CHU va pouvoir financer son transfert à 1,25 milliard d’euros : des surcoûts non anticipés, l’inflation et la hausse des taux d’intérêts d’un côté, et une baisse des recettes de l’autre, rendent l’équation impossible pour le financement du nouvel hôpital.

Ces exemples montrent que le taux d’endettement des hôpitaux publics conduit dans une impasse financière qui freine leur développement, les empêche d’investir dans les nouvelles technologies ; impasse préjudiciable pour les professionnels et les patients.

Les hôpitaux sont et doivent restés propriété de l’État, qui doit financer dans son intégralité tous les travaux. La sécurité sociale n’ayant jamais eu vocation à financer le béton !

Il y a une réelle volonté politique des habitants, usagers, hospitaliers pour défendre l’hôpital public. La Sécurité sociale et le système de santé sont un bien commun, la mobilisation convergente : salariés, habitants, usagers, hospitaliers est le moyen pour imposer un service public hospitalier qui réponde aux besoins de tous, il faut aller beaucoup plus loin que des manifestations de mécontentements. Seule la lutte unie permettra d’arrêter la casse de l’hôpital public et d’obtenir les moyens financiers pour développer le système de santé qui réponde aux besoins de tous.

Notes:

1.1,3 Milliard d’euros de déficit pour les CHU, 2,2 milliards d’euros pour les centres hospitaliers. En 2022 le déficit des établissements de santé était de 200 millions d’€, en 2023 il s’élevait à 1,91 M€.

2. « On a une image totalement déformée de la dépense publique », Christophe RAMAUX, maître de conférences à l’Université Paris I, chercheur au Centre d’économie de la Sorbonne.

3. Cotisations sociales :198 milliards d’euros), 0,6% par l’État (1,5 milliards d’euros), 12,4% par les complémentaires (30,9 milliards d’euros) et 7,5% (18,6 milliards d’euros) par le reste à charge des patients.

4. Rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale, 2024

5. En 1991, Rocard 1er ministre socialiste instaure la CSG (« adoptée » par le 49.3), de 1,1% à l’origine, elle sera portée progressivement à 2,4 % en 1993, à 3,4 % en 1996, à 7,5 % en 1998 et 9,2% en 2024.

6. En janvier 2012 : le président Sarkozy avait fait voter un projet de TVA sociale qu’Hollande avait abrogé pour en créer une sous une forme légèrement différente : le Crédit d’Impôt pour la Compétitivité et l’Emploi (CICE) baisses d’impôts sur les entreprises financées par une hausse de la TVA.

7. L’Ondam, créé par les ordonnances du 24 avril 1996 de Juppé, est mis en place en 1997 par Jospin, premier ministre socialiste du gouvernement de coalition (PS, PCF, Ecologiste…) de Chirac.

8. Projet, datant de plus de 20 ans d’Ayrault alors maire de Nantes et validé en 2023 par Marisol Touraine

9 Cour Régionale des comptes, Rapport d’observation Centre Hospitalier Universitaire de Nantes

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Source: https://www.sitecommunistes.org/index.php/france/social/3387-le-trou-de-la-securite-sociale-le-deficit-de-lhopital-public-un-choix-politique

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