Léa Balage El Mariky : « Il faut un contrôle démocratique des gouvernements démissionnaires » (H.fr-16/12/24)

Léa Balage El Mariky, députée écologiste et rapporteure d’une mission flash sur l’encadrement des gouvernements démissionnaires.© Livia Saavedra pour l’Humanité

Pour la deuxième fois en moins de six mois, la France a, à sa tête, des ministres démissionnaires chargés de la gestion des affaires courantes, sans que le Parlement puisse suivre la légitimité des actes pris. La députée écologiste Léa Balage El Mariky vient de rendre un rapport sur la question.

Entretien réalisé par Emilio MESLET.

Si François Bayrou vient d’être nommé à Matignon, les ministres démissionnaires continuent de gérer les « affaires courantes », jusqu’à la nomination du prochain gouvernement. Une situation qui risque de se reproduire plus fréquemment. Quel est leur périmètre d’action ? Quels risques démocratiques ? Quel rôle du Parlement ? Entretien avec Léa Balage El Mariky, députée écologiste et rapporteure d’une mission flash sur le sujet.

Craignez-vous des abus de la part du gouvernement démissionnaire ?

D’un point de vue légal, le secrétariat général du gouvernement fixe le périmètre, et les juridictions administratives, lorsqu’elles sont saisies, peuvent retoquer les décisions qui dépassent le cadre des affaires courantes ou urgentes. Mais avec quelle légitimité ses actes sont-ils décidés ? Il faudrait un contrôle du gouvernement démissionnaire par le Parlement pour vérifier qu’on ne tombe pas dans l’arbitraire.

Prenons deux exemples récents. Bruno Retailleau indiquait, la semaine dernière, vouloir suspendre les demandes d’asile des ressortissants syriens, alors que cela relève de la compétence de l’Ofpra en tant qu’autorité indépendante et que c’est un choix très politique. Même problème avec Guillaume Kasbarian, qui a tenté de poursuivre sa réforme des trois jours de carence (avant d’y renoncer sous la pression des syndicats – NDLR).

Pendant soixante-sept jours cet été, le gouvernement démissionnaire de Gabriel Attal a géré les affaires courantes. Quelles leçons tirer de cette période ?

Le périmètre des affaires courantes et urgentes a plutôt été respecté et aucun acte n’a été annulé. Mais, puisque le Parlement ne siégeait pas pendant cette période, il y avait un risque de dérive illibérale. Un gouvernement démissionnaire conserve des prérogatives en matière de nomination et de pouvoir réglementaire dont le contrôle ne peut se faire qu’a posteriori en cas de dissolution.

Il faut combler ce trou dans la raquette car il y aura d’autres gouvernements démissionnaires. On le voit aujourd’hui. Si nous instaurons le scrutin proportionnel, la formation de coalitions gouvernementales prendra plus de temps car les discussions se font après l’élection. Il faut donc prévoir ces périodes de transition, avec un contrôle démocratique.

Que recommandez-vous ?

À l’issue de la mission flash, nous faisons onze propositions pour des évolutions de pratique, législatives et institutionnelles. En tant que parlementaires, nous devons pouvoir continuer à envoyer des questions écrites aux ministres démissionnaires mais aussi pouvoir les auditionner.

Le cadre législatif doit bouger : le Parlement a plus de prérogatives lors du déclenchement de l’état d’urgence que dans une situation où le gouvernement est démissionnaire. Il faut une commission de suivi des actes pris par un tel gouvernement, avec un rapport remis aux députés, lesquels auraient un intérêt à agir pour contester ces décisions.

Enfin, l’Assemblée devrait pouvoir se réunir, en dehors d’une session parlementaire, au bout d’un délai déterminé après la démission d’un gouvernement. Au vu de la réception de notre rapport, nous allons pouvoir engager ce travail transpartisan, puisque même le groupe Ensemble pour la République évolue pour un renforcement des droits du Parlement.

°°°

Source: https://www.humanite.fr/politique/assemblee-nationale/lea-balage-el-mariky-il-faut-un-controle-democratique-des-gouvernements-demissionnaires

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/lea-balage-el-mariky-il-faut-un-controle-democratique-des-gouvernements-demissionnaires-h-fr-16-12-24/

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *