« Leaders mafieux » : l’État criminalise la CCAT pour mieux réprimer le peuple kanak. (RP – 16/05/24)

« Leaders mafieux » : l'État criminalise la CCAT pour mieux réprimer le peuple kanak
Crédit photo : capture d’écran France 2

L’État a lancé une campagne contre la Cellule de Coordination des Actions de Terrain (CCAT), qui a organisé la mobilisation du camp indépendantiste kanak contre le dégel du corps électoral pendant plusieurs mois. À coup d’accusations délirantes de « meurtre » et de « pillages », le gouvernement se prépare à réprimer l’ensemble du mouvement indépendantiste et à durcir encore la répression des jeunes révoltes.

« Une organisation de voyous qui se livre à des actes de violence caractérisés avec la volonté de tuer des policiers, des gendarmes, des forces de l’ordre. La Cellule de Coordination des Actions de Terrain (CCAT) met les gens dans le malheur ». Ces mots, prononcés ce mardi 14 mai en conférence de presse, sont ceux de Louis Le Franc, Haut-Commissaire de la République en Kanaky.

Face aux révoltes qui ont éclaté dans l’île en réaction à la provocation coloniale de Macron, le dégel électoral étant la dernière manœuvre d’une longue liste d’attaques contre le droit du peuple kanak à l’autodétermination, l’État et la presse bourgeoise ont revêtu l’habit colonial. Les interviews de miliciens caldoches, qui seraient déjà responsables de la mort d’au moins deux Kanaks ces derniers jours, les accusations de « racisme anti-blanc » à l’encontre d’un peuple colonisé depuis 170 ans ponctuent les annonces répressives : état d’urgence, déploiement de l’armée, censure de TikTok, assignations à résidence.

Dans ce contexte, la CCAT est devenu le bouc émissaire idéal pour l’État qui concentre ses menaces et sa répression contre ses militants. Cette coordination regroupant les différentes sensibilités réunies du Front de Libération Kanak et Socialiste (FLNKS) organise depuis novembre 2023 la campagne de sensibilisation et de mobilisation contre la réforme du corps électoral. « Le 25 novembre 2023 on était 3 000, le 28 mars on était près de 15 000, et le 13 avril nous avons organisé un sit-in historique, place de la Paix, avec 60 000 personnes » rappelle Romuald Pidjot, dirigeant de l’Union Calédonienne, composante du FLNKS, lors d’un meeting organisé en urgence mercredi à Paris.

Un front que les acteurs au plus haut sommet de l’État tentent désormais de fracturer en lançant une campagne de criminalisation et de différenciation des organisations indépendantistes. « Je différencie cette CCAT du FLNKS, des formations politiques indépendantistes, des autres organisations politiques, qui ont toute leur légitimité, mais cette structure n’a plus lieu d’être » avance ainsi Louis Le Franc. Jeudi matin, sur France 2, Gérald Darmanin ajoutait : « Le CCAT est différent du FLNKS. Le CCAT est un groupuscule qui se dit indépendantiste et qui, en fait, commet des pillages, commet des meurtres, commet de la violence. Il ne faut pas le confondre avec les militants politiques ».

Des accusations délirantes contre un organe qui est l’émanation des organisations indépendantistes, avec l’objectif clair de dépolitiser la contestation et de commencer à criminaliser une partie des organisations, pour séparer « les bons et les mauvais » indépendantistes et légitimer la répression en cours. « Je m’adresse là à Christian Tein [dirigeant de la CCAT et membre de l’Union Calédonienne] » menaçait ainsi le Haut-Commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, « il a intérêt à siffler la fin de la récréation parce que moi je vais le rendre responsable de tout ce qui se passe ici dans le Grand Nouméa ». Des menaces déjà suivies d’effet, puisque Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur et des Colonies, déclarait ce jeudi matin sur France 2 avoir assigné à résidence « dix leaders mafieux du CCAT » et préparer des dizaines de nouvelles assignations contre ses militants ainsi que des perquisitions administratives.

Par la voix de Christian Tein, la CCAT a répondu ce matin en lançant « un appel au calme » et en condamnant « les débordements », des propos qui avaient déjà été exprimés dans un communiqué du 15 mai. La CCAT y rappelait également que les « « exactions » commises sur les commerces, les sociétés, les bâtiments et les équipements publics n’étaient pas nécessaires mais ils sont l’expression des invisibles de notre société qui subissent les inégalités de plein fouet et qui sont marginalisés au quotidien. »

Lors d’une conférence de presse parisienne, Roch Haocas, membre de la CCAT et coordinateur général du Parti Travailliste a de son côté noté à propos des révoltes : « il faut être bien conscient de la situation coloniale. Ce sont des jeunes qui viennent des régions du nord et des îles pour s’installer à Nouméa pour le travail, sauf que il n’y a pas d’insertion, il n’y a pas de formation, il n’y a pas d’accès à l’école, au logement. Nouméa est divisée en deux, au Sud beaucoup d’européens et au Nord beaucoup d’océaniens. Ce sont des jeunes qui sont connectés. (…) Ils savent que le pays est riche, ils sont bien conscients de la situation coloniale. »

Dans le contexte de défoulement répressif et de traque de militants par les milices coloniales caldoches, l’offensive contre la CCAT vise à la fois à légitimer la répression de cette jeunesse en colère et à réprimer par ricochet les organisations kanaks, tout en exerçant une pression à leur égard. Une offensive menée conjointement par l’État, mais aussi par les milices caldoches, dont certaines s’adonnent à une véritable « chasse à l’homme » a dénoncé Dominique Fochi, secrétaire de l’Union calédonienne, lors de la conférence de presse à Paris.

Alors que Dupond-Moretti s’apprête à publier une circulaire pénale pour garantir, selon les mots de Darmanin, « les sanctions les plus lourdes contre les émeutiers et les pillards », construire la solidarité la plus totale des organisations du mouvement ouvrier et du mouvement social est une urgence absolue. Il faut dénoncer cette campagne honteuse contre la CCAT, mais également dénoncer la répression brutale contre la jeunesse kanak en révolte qui est une composante à part entière des mobilisations pour le droit à l’auto-détermination du peuple kanak.

Auteur : Joël Malo

Source : https://www.revolutionpermanente.org/Leaders-mafieux-l-Etat-criminalise-la-CCAT-pour-mieux-reprimer-le-peuple-kanak

URL de cet article : https://lherminerouge.fr/leaders-mafieux-letat-criminalise-la-ccat-pour-mieux-reprimer-le-peuple-kanak-rp-16-05-24/

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