Les « bons » chiffres du chômage ? Bons pour qui ? (IO.fr-25/02/23)

Les vrais faux chiffres du gouvernement Macron/Borne sur le chômage au service de leur propagande sur la prétendue nécessité de la réforme des retraites. Décryptage et explications.

« Au troisième trimestre 2022, le nombre de chômeurs au sens du BIT diminue de 17 000, par rapport au trimestre précédent, à 2,3 millions de personnes. Le taux de chômage au sens du BIT est ainsi quasi stable (- 0,1 point) à 7,3 % de la population active en France (hors Mayotte). Il oscille entre 7,3 % et 7,4 % depuis le quatrième trimestre 2021, à un niveau inférieur de 0,7 point à celui du troisième trimestre 2021 et de 0,9 point à celui d’avant la crise sanitaire (fin 2019). » (Publication Insee).

Quels critères ?

Rappel : l’Insee produit ces chiffres selon les critères du Bureau international du travail (BIT), à savoir : un chômeur est une personne âgée de 15 ans ou plus : sans emploi durant une semaine donnée ; disponible pour travailler dans les deux semaines ; qui a effectué, au cours des quatre dernières semaines, une démarche active de recherche d’emploi ou a trouvé un emploi qui commence dans les trois mois.

Certes, il faut bien trouver une définition à une situation socio-économique, mais à la lecture de ces critères, on imagine fort bien qu’il est tout à fait possible d’être sans emploi et de ne pas être considéré, pour autant, comme demandeur d’emploi.

Pôle emploi ne procède pas de la même façon pour comptabiliser les chômeurs. L’institution, combinée de la fusion ANPE-Assedic, voulue par Nicolas Sarkozy (« la main qui indemnise doit être la même que celle qui sanctionne » – sic ), continue de publier des chiffres par l’actualisation des demandeurs d’emploi dûment inscrits. Ce qui exclut, bien entendu, tous ceux qui ne sont pas inscrits pour quelque raison que ce soit, mais le décompte s’effectue par catégorisations. Sans reprendre les longs comptages souvent décryptés dans ce journal, il convient de redire que les chiffres commentés par les médias (et, osons le dire, par ceux qui les commandent ou les rétribuent) concernent la seule catégorie A.

Presque autant de « chômeurs à temps partiel » que de personnes sans emploi

Le ministère du Travail (et du « Plein emploi » – sic ) ne publie plus les chiffres mensuellement, mais en moyenne trimestrielle. Au quatrième trimestre 2022, en France métropolitaine, le nombre de personnes inscrites à Pôle emploi et tenues de rechercher un emploi (catégories A, B, C) s’établit à 5 113 400. Parmi elles, 2 834 000 personnes sont sans emploi (catégorie A) et 2 279 300 exercent une activité réduite (catégories B, C). En clair, il y a presque autant de « chômeurs à temps partiel » que de demandeurs de la catégorie A.  Le nombre de personnes exerçant une activité réduite courte (catégorie B) augmente de 5,2 % par rapport au trimestre précédent, et, sur la même période, celui des personnes en activité réduite longue (catégorie C) croît de 2,3 %.

Bien entendu, les commentateurs et le gouvernement n’évoquent que la seule catégorie A, qui décroît, mais jamais les catégories B et C, qui augmentent, et qui sont pourtant le signe de la précarisation de l’emploi dans le pays.

A noter que nous ne parlons, là, que de la France métropolitaine, les chiffres de ce que l’on appelle les Dom-Tom sont quant à eux tour à fait catastrophiques, quelles que soient les catégories.

L’Insee poursuit : « Le taux de chômage des jeunes est nettement supérieur à celui du reste de la population. En 2021, il atteint 18,9 % en moyenne sur l’année chez les 15-24 ans, contre 7,1 % chez les 25-49 ans et 5,7 % chez les 50 ans ou plus. Le taux de chômage est calculé au sein des seuls actifs. Or, avant 25 ans, la plupart des jeunes sont encore en études et peu sont donc actifs. Rapportée à la population totale, la part des chômeurs parmi les 15-24 ans (7,5 %) se rapproche de celle mesurée parmi les 15-64 ans (5,8 %). »

Un record de radiations établi en 2022

Ces chiffres sont cruels pour le gouvernement, à l’heure où il cherche à prendre deux ans de vie de repos aux salariés en instaurant « les 64 ans », prolongeant, de fait, les dispositions de Mme Touraine, ministre de François Hollande et de Manuel Valls. L’argument qui consiste à laisser les seniors au travail ne tient pas debout : ou bien ils sont encore au travail, ou bien ils sont au chômage ; un nombre important d’entre eux « bénéficiant » de minima sociaux ou n’étant plus indemnisés du tout (l’allocation de solidarité spécifique, ASS, est accordée si les droits au chômage sont épuisés, mais les ressources mensuelles ne doivent pas dépasser un plafond de 1 252,89 euros pour une personne seule et 1 968,82 euros pour un couple. Cette réglementation balaie le principe des droits ouverts, en tant que tels, par la personne salariée).

Pour finir : « La main qui indemnise doit être la même que celle qui sanctionne », disait Sarkozy. Ses successeurs l’ont écouté scrupuleusement. Macron a exigé un contrôle renforcé des demandeurs d’emploi. Un nouveau record a été établi en novembre 2022 avec 58 100 radiations. Parmi elles, des salariés, parfois âgés, dont personne ne veut dans l’industrie et les commerces. Une obscénité à propos de laquelle il faudra bien un jour exiger des comptes.

Les auto-entrepreneurs L’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) a publié les statistiques sur les créations d’entreprises, début 2022, pour l’année 2021 : près d’1 million d’entreprises individuelles, plus précisément 995 900, ont vu le jour en France en 2021. Une année record pour la création d’entreprises. Ce qui porte ce succès ? L’essor du statut d’auto-entrepreneur, dont les créations ont augmenté de 17 % entre l’année 2020 et 2021. Sur un total de 995 900 entreprises individuelles, 641 500 d’entre elles étaient des auto-entreprises (soit 64,42 %). Les entreprises individuelles classiques connaissent, elles, une augmentation beaucoup plus faible (+ 2 %) de 2020 à 2021. Une journaliste de FranceInfo s’enthousiasmait, il y a quelque temps, à propos des auto-entrepreneurs : « Un peu plus d’un tiers des auto-entreprises fonctionnent encore après 3 ans d’existence. » Autrement dit, près des deux tiers ont disparu. L’ubérisation des emplois, une grande autosatisfaction du président Macron, trouve là ses limites. Ces centaines de milliers d’auto-entrepreneurs, ubérisés ou non, ne sont pas comptabilisés comme étant sans emploi… C’est bien ce qui compte.

Gérald FROMAGER

source: https://infos-ouvrieres.fr/2023/02/25/les-bons-chiffres-du-chomage-bons-pour-qui/

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