Les Chiliens vont voter pour tourner la page Pinochet (LH.fr-2/09/22)

Référendum. Après les victoires électorales de la gauche au Chili, ces deux dernières années, le projet d’une nouvelle Constitution doit être tranché dimanche. Ce texte remplacerait celui rédigé par la junte militaire dans les années 1980. La droite est prête à tout pour son rejet.

Le Chili est au pied du mur. Ce dimanche, les Chiliens voteront pour ou contre une nouvelle Constitution de 178 pages, qui remplacera celle de Pinochet. Elle avait été imposée par la force des armes en 1980 durant la dictature militaire. « Le pire, c’est la violence de la Constitution actuelle, qui ne nous permet pas d’agir et nous emprisonne continuellement socialement et politiquement », affirme José.

L’inquiétude demeure. La droite n’a pas attendu la fin des travaux de la Constituante pour entrer dans une campagne tous azimuts : contre la Convention, contre ses travaux, contre les constituants, contre l’État pluri­national (voir entretien). Depuis mars, tous les instituts de sondage donnent une majorité au Rechazo (le non à la Constitution). La droite a axé son discours sur une haine de classe, un racisme anti-Indiens. Ces deux derniers mois, elle a multiplié les mensonges et les vagues de désinformation « Elle a affirmé que le drapeau chilien, l’hymne national allaient être changés. Qu’avec la nouvelle Constitution, il ne serait plus possible d’être propriétaire de sa maison », note Patricio.

Cette campagne bien orchestrée bénéficie d’énormes moyens financiers et du soutien d’un certain nombre de médias. Les méthodes se radicalisent à quelques jours du scrutin avec des coups de téléphone personnels pour appeler à voter contre la nouvelle Constitution, ­l’envoi massif de mails et de SMS. Un discours de haine qui s’est concrétisé par plusieurs agressions à l’encontre des partisans de l’Apruebo (le oui à la Constitution). À tel point que certains comme Luisa ont peur : « Certains d’entre nous craignent la réaction des soutiens de Pinochet, mais nous y allons quand même. C’est un jour historique ! Et nous serons attentifs aux réactions. »

Face à ces attaques, la campagne du oui s’est voulue optimiste, joyeuse et tournée vers l’avenir. Mais elle a débuté de façon très tardive au mois de juillet, persuadée de sa victoire après l’explosion sociale d’octobre 2019, et un premier référendum en décembre 2020 où 80 % des Chiliens avaient réclamé une nouvelle Constitution. Depuis, elle tente de rattraper son retard et met les bouchées doubles. C’est une explosion sur les réseaux sociaux avec de nombreuses vidéos de toutes sortes, très imaginatives. Le pari de réaliser un porte-à-porte géant visant à visiter deux millions de foyers dans tout le pays est en passe d’être gagné. Les meetings de l’Apruebo dans tout le pays réunissent des foules considérables, dans une ambiance pacifique. On y vient en famille. Les « caravanes », tradition chilienne au moment des élections qui consistent à faire des files de véhicules ou de vélos qui traversent une ville, mobilisent beaucoup de monde. De nombreux rassemblements, en dehors des partis, se sont organisés pour mener la campagne, de manière spontanée : groupes de quartier, groupes d’ingénieurs, groupes de femmes, etc. Ce ne sont pas que des militants qui mènent la bataille de l’Apruebo.

Le succès indéniable de cette campagne enthousiaste renversera-t-il les mauvais résultats annoncés par les sondages ? Rien n’est impossible. En décembre 2021, Gabriel Boric avait été élu président du pays à la tête d’une coalition antilibérale. Ce second référendum doit valider ou non la proposition remise par les 155 constituants. Mais ce vote va être totalement nouveau, puisqu’il est désormais obligatoire et tous les citoyens sont inscrits sur les listes. Personne n’est en mesure de prédire le résultat, donc leur contestation est déjà prête si le oui venait à l’emporter. « Je me suis posé la question : qu’y a-t-il de mieux ? Que ce débat se fasse entre peu de gens, derrière une porte fermée, en pleine dictature, ou que l’on puisse échanger durant un mandat où 80 % des Chiliens sont représentés et que ce texte évoque enfin l’inclusion des peuples originaires, les femmes et une société plus juste ? Eh bien, je choisis la deuxième option ! » estime Maria.

En cas d’échec dimanche, la claque serait terrible pour le gouvernement, qui ne pourra pas mettre en place ses réformes : création d’une sécurité sociale pour tous, un système de retraite par répartition, reconstruction d’un système éducatif, lutte contre la pauvreté, répartition des richesses, respect des normes environnementales. Le 4 septembre est aussi la date anniversaire de l’élection de Salvador Allende en 1970. Tout un symbole !

Pierre CAPPANERA

source: https://www.humanite.fr/monde/chili/les-chiliens-vont-voter-pour-tourner-la-page-pinochet-762196

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